Le Saint-Siège appelle au respect du droit humanitaire

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

«Gutta cavat lapidem», la goutte creuse la pierre. Le secrétaire d'État cite la célèbre locution latine pour exprimer son espoir de voir les appels constants du Pape à un cessez-le-feu - à Gaza comme en Ukraine où se déroule un «un carnage»- ainsi qu'au respect du droit humanitaire international, soient enfin entendus. En marge d’une conférence à l'Accademia dei Lincei de Rome sur le thème "Le Saint-Siège et les scénarios de paix", le cardinal Pietro Parolin est revenu, vendredi 12 janvier, sur ses inquiétudes et ses espoirs face aux conflits qui déchirent le monde, répondant également aux questions sur les réactions au document doctrinal Fiducia Supplicans.

Les appels du Pape pour la Terre Sainte

Le cardinal Parolin évoque tout d’abord le Moyen-Orient et la guerre en cours qui semble s'aggraver, comme en témoigne les raids américains et britanniques en mer Rouge. Il semble que la voix du Pape, parmi les rares dirigeants du monde à appeler sans cesse à la fin du conflit, reste inaudible, note-t-on. «Le Pape ne cesse de répéter ses appels, s'il est vrai qu'il existe le principe Gutta cava lapidem, espérons que ces appels crée une brèche», répond le secrétaire d'Etat. Ces appels s'accompagnent d'une activité «de nature ouvertement diplomatique, de manière assez discrète pour essayer d'atteindre des objectifs» précis. Ceux-là mêmes, souligne le cardinal italien, que le secrétaire d'État américain Antony Blinken a également évoqués lors de son voyage au Proche-Orient: la libération des otages, le cessez-le-feu, l'aide humanitaire et «le lancement d'une solution permanente et définitive au problème des Palestiniens».

Respecter le droit international humanitaire

Interrogé sur les accusations de génocide portées contre Israël par la Cour internationale de justice de La Haye, le cardinal a rappelé ce qui a toujours été, selon lui, la position du Saint-Siège: «Reconnaître le droit d'Israël à la légitime défense, mais selon le critère de la proportionnalité, c'est-à-dire en tenant compte des civils... On ne peut pas, pour atteindre certains objectifs, passer sous silence ce carnage de civils, la destruction d'infrastructures, le non-respect du droit humanitaire...». Le non-respect du droit humanitaire, insiste le cardinal, est «le grand problème» de la guerre actuelle. «Elle ne respecte plus les règles de base du droit humanitaire, les civils deviennent des cibles, des objectifs. Nous devons avoir la capacité de redécouvrir le droit international humanitaire».

Massacre inutile en Ukraine

La guerre en Ukraine fut également abordée, à la suite de récentes conversations téléphoniques avec le chef du bureau du président ukrainien, Andriy Yermak, ainsi qu'avec le cardinal Matteo Zuppi, envoyé spécial du Pape pour une mission de dialogue. Le cardinal Parolin réaffirme le rôle du Saint-Siège: «Nous nous sommes toujours déclarés disponibles, sans ce que cela n’ait toujours trouver d’écho». Actuellement, le Saint-Siège est impliqué dans «la fameuse plate-forme de paix du président Zelensky, en particulier dans la dimension humanitaire». Il n'y a pas, explique le cardinal, d'activité visant directement à mettre fin à la guerre, d'activité de médiation, mais «nous voudrions créer des conditions de compréhension mutuelle qui nous permettraient d'arriver à une négociation». C’est ce en quoi consiste la mission du cardinal Zuppi à Kiev, Moscou, Washington et Pékin. En attendant, la douleur des attaques répétées de l'armée russe sur le territoire ukrainien est forte: «Un carnage continue... Le Pape l'a dit et je m'en souviens aussi. Il s’agit d’un massacre inutile. La guerre est une folie.»

Réactions à Fiducia supplicans

Le cardinal a ensuite répondu aux questions de journalistes sur le document du Dicastère pour la Doctrine de la foi, Fiducia supplicans, qui ouvre la possibilité de bénir les membres de couples en situation «irrégulière», y compris de couples de même sexe. Le document a suscité un grand émoi dans l'Église. «C'est toujours une bonne chose, commente le cardinal Parolin, l'important est que nous procédions toujours selon ce que l'on appelle le 'progrès dans la continuité'». «Dans l'Église, poursuit-il, il y a toujours eu des changements. «L'Église d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a 2000 ans. L'Église est ouverte aux signes des temps, elle est attentive aux besoins qui surgissent, mais elle doit aussi être fidèle à l'Évangile, elle doit être fidèle à la tradition, fidèle à son héritage. Alors si ces ferments servent à cheminer à la suite de l'Évangile pour donner des réponses, ils sont les bienvenus».

Concernant la lettre du 11 janvier du cardinal de Kinshasa, Fridolin Ambongo, dans laquelle les évêques africains réaffirment leur pleine communion avec le Pape mais disent ne pas vouloir bénir les couples homosexuels, le secrétaire d'État déclare que «ce document (Fiducia supplicans) a provoqué de très vives réactions de la part de certains épiscopats. Cela signifie que l'on a touché un point très très délicat, très sensible, qui nécessitera beaucoup d'études».