Depuis Jérusalem, un chemin ininterrompu d'unité
par Pierbattista Pizzaballa *
La joie que l'événement du pèlerinage du Pape Paul VI a apportée, il y a 60 ans, à la vie de la ville de Jérusalem, le souffle de nouveauté qu'il a suscité, font encore partie de la vie actuelle des chrétiens de Terre Sainte. Comme toujours, et comme pour tout ce qui concerne Jérusalem, la signification profonde de ces événements, et en particulier de la rencontre entre le Saint-Père et le Patriarche œcuménique Athénagoras, a changé le visage de l'Église et indiqué son chemin jusqu'à aujourd'hui.
L'évêque de Rome rentrait à Jérusalem, d'où il était parti il y a 2000 ans. Au cours du pèlerinage qui l'a conduit dans les principaux lieux saints, il a rencontré les blessures que l'histoire a laissées clairement visibles dans la géographie des lieux et des personnes de l'époque et d'aujourd'hui. Mais il a aussi recueilli l'étreinte forte et puissante de toute la population, qui l'a accueilli avec joie et enthousiasme incroyables, et qui a montré à ses bergers, de manière indiscutable, leur volonté de ne pas rester prisonniers de l'histoire difficile de cette terre, mais de vouloir aller plus loin. Des vidéos de l'époque montrent Paul VI qui, en entrant dans la Ville Sainte, a failli être écrasé par la foule enthousiaste et euphorique. Parfois, de petits gestes qui, peut-être sans le savoir, étaient attendus et recherchés par beaucoup, suffisent à libérer le désir de rencontre et de paix qui couve dans le cœur de tout homme, surtout en Terre Sainte, marquée par d'éternelles tensions, conflits et divisions. La Jérusalem chrétienne était immobile, presque suspendue, par des anciennes lois, des règlements qui semblaient paralyser la vie commune au lieu de la réguler. La visite du Pape Montini a eu le mérite de briser ce mur, qui semblait alors très solide, des différents statu quo, souvent utilisés plus à tort qu'à raison, pour éviter de se confronter les uns aux autres. Cette simple visite a suffi à balayer des siècles de poussière sur nos relations.
La rencontre avec le Patriarche œcuménique de Constantinople a été, sans aucun doute, l'événement qui a marqué ce pèlerinage. Le retour de Pierre, après 2000 ans, à Jérusalem, berceau de l'Église une et indivisée, ne pouvait pas ne pas se pencher sur cette blessure, la plus profonde de toutes, qui a marqué le chemin de l'Église pendant tout un millénaire. En effet, le retour de Pierre à Jérusalem a été aussi le début d'un nouveau chemin, pour tous les chrétiens, de rapprochement, de réinterprétation et de rédemption de leurs histoires respectives, du désir et de la nostalgie de l'unité perdue. Ainsi, le retour et le départ de Jérusalem s'accompagnent toujours et nécessairement d'un changement profond. Pour un chrétien, Jérusalem est le lieu qui a concrétisé la Rédemption, qui a changé le sens du pardon, de justice, de vérité. On ne peut pas venir à Jérusalem sans se confronter à ces réalités qui, je le répète, acquièrent un caractère concret unique.
Dès lors, le dialogue œcuménique a beaucoup évolué. Aujourd'hui, nous tenons pour acquis les attitudes de respect et d'amitié entre les Églises. Nous devons cela au Pape et au Patriarche œcuménique, ainsi qu'à leur courage et à leur vision. François, par son pèlerinage de prière en Terre sainte en 2014, et par la nouvelle rencontre avec le Patriarche œcuménique Bartholomée, a montré concrètement le chemin parcouru par l'Église au cours de ces 50 dernières années. En 1964, la rencontre s'est tenue sur le Mont d’Oliviers, un lieu important, mais aussi périphérique par rapport à la ville de Jérusalem. En 2014, en revanche, elle s'est tenue au cœur de la Jérusalem chrétienne, au Saint-Sépulcre, qui n'est pas seulement le lieu qui commémore la mort et la résurrection du Christ, mais aussi celui qui, à tort ou à raison, est considéré comme le symbole de nos divisions.
Certes, nous qui vivons à Jérusalem savons combien le chemin est encore long et combien il est parfois difficile d'être et de vivre ensemble, mais le simple fait qu'un événement aussi important puisse se tenir dans notre lieu le plus cher est un signe indubitable du chemin parcouru jusqu'à présent.
Il y a 60 ans, cette accolade a abattu le mur de division entre les deux Églises, inaugurant une nouvelle ère pour la vie de l'Église. L'étreinte qui a eu lieu 50 ans plus tard a renouvelé la joie et l'unité dans l'Esprit, ce qu'aucun d'entre nous ne peut prévoir aujourd'hui, mais qui porte déjà des fruits abondants pour la vie de l'Église aujourd'hui. Nous le voyons dans la restauration de la basilique, qui se fait ensemble, ce qui est aujourd'hui une évidence, mais qui était impensable il y a quelques années. Les réunions, les déclarations et les initiatives communes entre les Églises sont aujourd'hui considérées comme des questions ordinaires. Les initiatives pastorales communes, dans les écoles, dans les paroisses, sont l'expression d'un désir de fraternité qui n'est pas l'apanage de quelques-uns mais de toute la communauté chrétienne locale, dans ses différentes dénominations. Le Vademecum pastoral de l'Église catholique, qui donne des indications concrètes sur la manière de célébrer les sacrements pour les familles mixtes (qui sont majoritaires), tout en respectant les sensibilités de chacun, en est un autre exemple.
Aujourd'hui encore, peut-être plus qu'hier, nous avons besoin d'hommes et de femmes courageux, capables de voir au-delà de la douleur présente, de libérer nos cœurs oppressés par trop de peurs, et qui, comme Paul VI et Athénagoras, avec leurs mots et leurs gestes, savent montrer aux chrétiens de Terre Sainte d'aujourd'hui le chemin difficile et fascinant de la paix.
*Cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jésrusalem
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