Mgr Fernández juge inacceptable de torturer ou de tuer des homosexuels
Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican
Il aurait dû s'appeler «Au-delà de toutes les circonstances» pour souligner le fait que chaque individu sur cette terre, dans n'importe quel contexte -qu'il soit né en Italie, en Éthiopie, en Israël ou à Gaza, d’un côté ou de l’autre d'une frontière, dans n'importe quelle culture ou condition de vie- a «la même, immense et inaliénable dignité», et qu'aucune guerre, subordination ou loi contraire aux droits de l'homme -comme celles qui condamnent le crime d'homosexualité- ne peut enlever ou miner. Le titre «Dignitas infinita» a été choisi pour ce document du dicastère, publié après cinq ans de travail, afin de relancer de manière plus directe le message toujours percutant du christianisme: «Dieu aime chaque personne... d'un amour infini». C'est ce qu'a dit Jean-Paul II à un groupe de personnes handicapées qu'il a rencontrées en Allemagne, lors de l'un de ses innombrables voyages à l'étranger. Un détail révélé par le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi lors d'une conférence lundi 8 avril en Salle de presse du Saint-Siège.
Fiducia Supplicans, des milliards de visualisations
Répondant sans ambages aux questions tout aussi directes de journalistes, le préfet argentin a dévoilé les coulisses et les détails de l'élaboration de ce texte de «haute valeur doctrinale», comme le furent il y a vingt-quatre ans Dominus Iesus et il y a quatre mois Fiducia Supplicans, la déclaration sur le sens pastoral des bénédictions, qui a introduit la possibilité de bénir les couples «irréguliers», y compris les couples de même sexe. Une question «certainement moins centrale, moins importante» ici mais qui tient néanmoins «à cœur» au Pape François qui «a voulu élargir la compréhension des bénédictions en dehors du contexte liturgique pour en développer la richesse pastorale», comme il a «le droit de le faire», a ajouté le cardinal Fernández qui s'est arrêté sur Fiducia Supplicans au début de son intervention pour clarifier certaines questions liées à la déclaration qui, selon des enquêtes externes, a enregistré «plus de 7 milliards de vues sur Internet, contrairement à de nombreux documents dont nous ne nous souvenons même pas du nom» et a recueilli le consensus de plus de 75 % des moins de 35 ans en Italie. Il ne s'agit pas d'une «harangue défensive», comme l'ont suggéré certains journalistes présents dans la salle cependant, a précisé le cardinal argentin, «en réalité, jusqu'à hier, je n'avais pas l'intention de dire quoi que ce soit... mais ces jours-ci, au Vatican et à l'extérieur, on m'a dit: nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s'était passé, comme si nous fuyions la réalité avec tout le gâchis qui s'est produit. C'est pourquoi j'ai élargi mon intervention».
La question de l'homosexualité a été abordée à plusieurs reprises au cours de la conférence de presse, non pas tant en relation avec Fiducia Supplicans qu'avec Dignitas Infinita, qui demande d'éviter toute «discrimination injuste» ou «agression et violence» à l'encontre des personnes homosexuelles, dénonçant «comme contraire à la dignité humaine» le fait que, dans certains pays, des personnes sont arrêtées, torturées, tuées en raison de leur orientation sexuelle. «Nous sommes en faveur de la dépénalisation! Il n'y a aucun doute là-dessus», s'est exclamé Mgr Fernández. Un point de vue déjà exprimé par de nombreux évêques et que le préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi réaffirme, dénonçant la violence légalement envisagée dans certains pays, ou admise «comme si rien ne s'était passé». «Nous sommes confrontés à un grand problème» et à «une attaque contre les droits de l'homme», a-t-il déclaré, se disant «consterné» de lire les commentaires de catholiques bénissant les lois anti-gay promulguées par le gouvernement militaire de tel pays: «Quand j'ai lu cela, j'ai eu envie de mourir».
La position du catéchisme
À ceux qui ont fait remarquer qu'il faudrait peut-être modifier le Catéchisme de l'Église catholique, qui considère les actes homosexuels comme «intrinsèquement désordonnés» (ce qui, de l'avis de beaucoup, alimenterait la violence contre les homosexuels), le chef du dicastère a répondu que «intrinsèquement désordonné» est en effet «une expression forte (…) Elle nécessite beaucoup d'explications, peut-être devrions-nous trouver une expression plus claire». Ce faisant, poursuit-il, l’Église veut réitérer que «la beauté de la rencontre entre un homme et une femme qui peuvent être ensemble et avoir une relation intime d'où naît une nouvelle vie, est quelque chose qui ne peut être comparé à aucune autre. Les actes homosexuels ont une caractéristique qui ne peut pas refléter, même de loin, cette beauté». Dans le même ordre d'idées, le cardinal a réitéré son rejet de la théorie du genre parce qu'elle «appauvrit la vision humaniste». Pour lui, «dans ce contexte, l'idée du mariage homosexuel ou de l'élimination des différences ne semble pas acceptable».
Changement de sexe, avortement, mères porteuses
Le cardinal a également répondu à des questions sur le changement de sexe, considéré comme une «tendance à vouloir créer la réalité» qui conduit les êtres humains à se sentir «tout-puissants» et à penser «qu'avec leur intelligence et leur volonté, ils sont capables de tout construire comme s'il n'y avait rien avant eux». La «gravité» de la question «devient particulière» lorsqu'il s'agit d'enfants soumis à des traitements chirurgicaux ou hormonaux: leur liberté doit d'abord être «éclairée». Sur la question de l'avortement, récemment reconnu en France comme un droit dans la Constitution, Mgr Fernández a déclaré que «lorsqu'un enfant grandit dans le ventre de sa mère, il peut s'agir d'une femme qui se développe», et qu'il s'agit donc du «droit d'une femme contre le droit d'une autre femme». Pour l'Église, le «droit principal est le droit originel: le droit à la vie». En ce qui concerne la maternité de substitution, dire qu'avec une telle pratique «l'enfant devient l'objet d'un désir» ne signifie pas «ne pas comprendre la sensibilité de la personne qui désire un enfant à elle», a expliqué le cardinal, mais il y a une invitation «à transcender ce désir, parce que nous parlons de la dignité de la personne qui est plus grande» et «à développer des désirs d’une autre manière», par exemple avec l'adoption.
Redécouvrir les implications de l'immense dignité de la personne
Une fois de plus, le cardinal Fernández s'est fait le porteur du message au cœur de la pastorale du Pape François: accueillir «tout le monde», même ceux qui «pensent différemment sur les questions de sexualité et de mariage». On ne s'adresse pas seulement à une «minorité choisie qui accepte tout ce que dit l'Église». D'autant plus que le document d'aujourd'hui, centré sur «un pilier fondamental de l'enseignement chrétien», aura, espère-t-il, une portée universelle «parce que le monde a besoin de redécouvrir les implications de l'immense dignité de la personne pour ne pas s'égarer». Dignitas infinita, a ajouté le cardinal argentin, bien qu'enrichi de 113 notes de bas de page allant de Paul VI à François, ne se veut pas "un vade-mecum" de choses déjà dites, mais un outil «pour recueillir et consolider ce qui a été dit par les papes les plus récents et pour synthétiser les nouveautés offertes par le Pape actuel sur une question structurante de la pensée chrétienne classique et contemporaine».
Au sujet du magistère de François, le préfet a profité de l'occasion pour proposer une clarification. «Certaines personnes qui adoraient le Pape il y a quelques années disent maintenant qu’il ne doit être écouté que lorsqu'il parle ex cathedra. Sinon, eh bien, nous pouvons réfléchir. Écoutez, le Pape ne parlera jamais ex cathedra, il ne voudra jamais créer un dogme de foi ou une déclaration définitive. J'en suis presque sûr à 100 %. Nous croyons qu'en plus du charisme de l'infaillibilité, le Pape a l'assistance spirituelle pour guider l'Église et l'éclairer». Et, ajoute le cardinal, les cardinaux, les évêques et les prêtres qui s’expriment ainsi, «qui traitent le Pape comme un hérétique, contre la tradition de l'Église», trahissent le serment d'obéissance au Saint-Père de leur ordination. «Encore une fois, si certains pensent que François fait trop de pas en avant, nous devons nous rappeler, a dit le cardinal, que dans de nombreux cas dans l'histoire, un Pape a dit quelque chose de différent de son prédécesseur. L'exemple le plus récent est celui de la peine de mort, que François voulait abolir dans le catéchisme».
Un souvenir de Buenos Aires
Enfin, la conférence a fait place à un souvenir personnel de l'époque où, à Buenos Aires, Mgr Fernández a été nommé recteur de l'Université catholique: «je pensais que tout le monde était contre moi, aussi féroce que si j'étais parmi des loups, non pas parce qu'ils me haïssaient, mais parce que j'avais changé leurs plans. Je me trouvais dans un endroit où je les dérangeais pour leurs objectifs... Dans de telles occasions, nous sommes tentés de nous blâmer, de nous punir, de disparaître...».
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