Yves Chiron: le Pape ne veut ni décourager les fidèles ni les laisser dans une crédulité abusive
Olivier Bonnel - Cité du Vatican
Le dicastère pour la Doctrine de la foi a publié vendredi un document mettant à jour les normes évaluant les phénomènes surnaturels comme les apparitions mariales. Un document qui remet au centre la foi populaire des fidèles et qui invite les évêques à plus de discernement sur ce genre de phénomènes. Seul le Pape peut se prononcer sur la super-naturalité d’une apparition précise notamment le document romain.
Décryptage de l’historien de l’Église, Yves Chiron, il est notamment l’auteur de l’ouvrage «Enquête sur les apparitions de la Vierge» aux éditions Perrin-Mame.
Une mise à jour des procédures de l'Eglise en la matière était nécessaire en ce sens que dans différents cas plus ou moins récents, il y avait pu y avoir contradiction entre un jugement porté par un évêque sur un fait surnaturel et puis le jugement porté de façon contradictoire par un autre évêque à l'un de ses successeurs sur les mêmes faits, ou encore une contradiction entre ce que disait Rome et ce qu'affirmait un évêque. Là, une nouvelle procédure est définie.
Et puis on a également, et c'est très important, me semble-t-il, une nouvelle définition et normalisation des jugements apportés. Après tout, c'est conforme au fait que les théologiens l'ont rappelé. Le Pape Benoît XVI l'avait rappelé en son temps: les apparitions ne relèvent pas du domaine de la foi, même si on les considère comme authentiques. Elles sont des aides pour la foi, mais elle n'apportent rien à la révélation qui est close depuis le Christ. Les apparitions en revanche peuvent revivifier la foi. La révélation est complète mais elle reste vivante. Les apparitions peuvent donc en quelque sort, vivifier, renouveler ce qui est déjà connu.
Pourquoi était-il important que ces normes soient mises à jour?
Je pense qu'il y a des affaires récentes qui ont incité le dicastère pour la Doctrine de la foi à redéfinir la procédure. Pour ne prendre qu'un cas assez récent, ce sont les apparitions supposées de la Vierge à Amsterdam qui avaient eu lieu entre 1945 et 1959. On avait eu de la part de l'évêque d'Amsterdam un jugement de non constat des faits. Estimant que les faits n'étaient pas d'origine surnaturelle, le Saint-Office de l'époque avait approuvé ce jugement, puis confirmé encore en 1974, de façon plus récente. Et puis, en 2002, l'évêque d'Amsterdam de l'époque a repris le dossier, considérant que la dévotion à Notre Dame de tous les peuples, -puisque c'est le vocable de cette apparition- pouvait apporter des fruits spirituels, malgré les jugements négatifs précédents. En 2020, la Congrégation pour la Doctrine de la foi avait confirmé que le jugement était négatif et que donc ces apparitions, malgré tous les bienfaits spirituels éventuels qu'elles pouvaient avoir, n'étaient pas surnaturelles.
Là, avec ces nouvelles normes voulues par le dicastère et approuvées par le Pape François, on a une évaluation avec six jugements possibles, avec des définitions plus strictes et plus précises et un jugement plus nuancé, plus fin apporté sur les faits. C'est un document qui remplace vraiment celui de 1978, avec la clarté et la transparence immédiate en ce sens que ce qui est fixé comme nouvelle norme est connu de tous les fidèles s'ils le veulent de suite. Il avait fallu attendre 2012 pour que Benoît XVI porte à la connaissance du public les normes de 1978.
Ce document est donc un effort de transparence...
Oui, et il témoigne aussi du souci pastoral du Pape François. On voit bien à travers ces normes que François n'est n'est pas plus ni moins "anti apparitioniste" que ses prédécesseurs, mais qu'il a d'abord un souci pastoral. Dans son esprit, il faut à la fois ne pas décourager les fidèles, mais ne pas non plus les laisser dans une crédulité abusive.
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