Centesimus Annus, l'engagement de l'Église pour la réduction des inégalités
Tiziana Campisi et Isabella Piro - Cité du Vatican
Créer une autorité mondiale chargée de l'évaluation éthique du développement et de l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA). C'est l'idée lancée ce 21 juin, par Anna Maria Tarantola, présidente de la Fondation Centesimus Annus pro Pontifice (Fcapp), à l'occasion de la Conférence internationale promue par la Fondation elle-même, ouverte jeudi 20 juin, et qui se tient à l'Institut pontifical Augustinianum Patristic à Rome. Les travaux, qui s'achèveront ce samedi par une audience avec le Pape François et un discours du cardinal secrétaire d'État Pietro Parolin, portent sur le thème de "L'intelligence artificielle générative et le paradigme technocratique: comment promouvoir le bien-être de l'humanité, la protection de la nature et un monde de paix".
Les recommandations du Pape François
Aux médias du Vatican, la présidente Tarantola a expliqué comment elle pourrait développer concrètement son idée. «À la fin des travaux, avec l'aide de tous les intervenants, nous prévoyons de rédiger une sorte de déclaration, qui contiendra également cette proposition et que nous voudrions ensuite présenter au Saint-Père», explique-t-elle. Ce dernier «lancera ensuite cette idée dans les forums appropriés», d’autant que «une réponse générale se trouve déjà dans les recommandations du Pape François, tant dans son message pour la 57e Journée mondiale de la paix, célébrée le 1er janvier, que dans son discours au G7, le 14 juin». En effet, à ces deux occasions, le Souverain pontife s'est inquiété d'un «instrument fascinant et formidable».
L'IA comme outil et non comme fin
En substance, a ajouté la présidente de Centesimus Annus, considérer déjà l'IA comme «un outil et non comme une fin» signifie qu'elle «doit être pensée, développée et utilisée en ayant à l'esprit le bien de l'être humain, et non le renforcement du paradigme technocratique et donc du pouvoir et de la richesse de quelques-uns». En effet, «le plus grand vulnus» (blessure, coup en latin) de ces instruments, a rappelé Anna Maria Tarantola dans son discours à la conférence, «est de faire disparaître la perception de la valeur et de la dignité de la personne humaine». D'où l'exhortation lancée par François et réitérée par le président de la Fondation, à recourir à l'«algorétique», c'est-à-dire à l'utilisation de l'éthique dans la configuration de l'IA.
Combiner le développement technologique et le développement humain intégral
Enfin, la présidente de la Fondation a indiqué les principaux défis posés par son institution aux nombreux chercheurs et experts présents à la conférence: intégrer l'IA et la doctrine sociale de l'Église; conjuguer le développement technologique avec le développement humain intégral, la paix et «le sens profond du progrès»; et évaluer l'impact de l'IA sur le monde du travail, car «une révision globale et systémique des connaissances et des compétences de tous les travailleurs» s'impose aujourd'hui.
Une Fondation ouverte sur le monde
De son côté, le président de l'Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (Apsa), Mgr Giordano Piccinotti a retraçé l'histoire de la Fondation et son travail en accord avec le Pape et l'Église, en raison du fort désir de se sentir partie prenante de sa mission, «non pas un groupe fermé de personnes, mais ouvert à la société et au monde». Le Centesimus Annus Pro Pontifice est l'expression d'une vocation laïque et représente depuis sa création une nouvelle façon de procurer - comme l'a dit Jean-Paul II dans son discours aux membres de la Fondation le 5 juin 1993 – «un soutien moral et une force matérielle pour les interventions de l'Église dans les besoins les plus urgents», a rappelé le président de l'APSA, qui a également insisté sur l'exercice de la charité politique tant encouragée par le Pape François dans Fratelli tutti, ajoutant que la Fondation doit être orientée vers la recherche du bien commun avec cette attitude que le Souverain pontife appelle «l'amitié sociale». Rappelant l'appel du Pape à une fraternité radicale, Mgr Piccinotti a ensuite souligné que l'engagement des chrétiens est d'accueillir tout le monde.
La formation des laïcs pour le bien commun
En marge de son discours aux médias du Vatican, le prélat a souligné que, face au monde d'aujourd'hui, Centesimus Annus Pro Pontifice «doit aider l'Église à étudier les questions de doctrine sociale qui aident l'Église elle-même et aident l'humanité à progresser pour le mieux, pour nous, vers Dieu». Il estime également qu’il est nécessaire de tourner notre regard vers «le thème de la pauvreté que le Pape François rappelle continuellement, c'est-à-dire essayer d'aider l'Église à trouver de nouvelles façons de rendre le monde meilleur, en aidant surtout les pauvres, les classes sociales moins aisées, les situations que l'homme n'a pas encore réussi, par la politique et d'autres moyens, à résoudre».
En ce qui concerne les défis les plus urgents pour la Fondation, le président de l'Apsa a évoqué la nécessité d'une plus grande ouverture sur le monde extérieur, de «prendre ce qui est bon dans la société», de «se l'approprier» et de le transformer «dans la ligne de la doctrine sociale de l'Église". La véritable contribution que la Fondation peut apporter aujourd'hui, a-t-il rappelé, «est certainement la formation des laïcs», car «les laïcs sont dans la société». Et si «l'Église est toujours perçue avec une certaine méfiance ou, en tout cas, les prêtres, les évêques, les cardinaux sont perçus comme "l'appareil"», les laïcs «sont dans le monde, ils ont donc la possibilité de dire ce que la société peut vraiment faire pour s'améliorer» et aussi pour améliorer «les classes sociales qui vivent encore dans des conditions difficiles».
Les sessions de travail de la conférence
Dans les différentes sessions de travail de la conférence, Centesimus Annus vise à examiner les avantages et les problèmes liés à l'évolution rapide et vaste de l'intelligence artificielle (IA), en mettant l'accent sur l'intelligence artificielle générative (AIGen). L'objectif est d'aider à promouvoir une utilisation éthique et durable de l'IA pour le bien-être des personnes et de l'environnement, en dépassant le paradigme technocratique, en analysant les implications éthiques et sociales de l'IA et les solutions pratiques à adopter pour construire un avenir dans lequel la technologie est mise au service de l'humanité et de la planète.
Ce vendredi, en effet, il fut question des avantages, des risques et des problèmes de l'évolution récente de l'intelligence artificielle générative, en commençant par un rapport de Roberto Viola, directeur général de la DG Connect de la Commission européenne. Maximo Ibarra, PDG d'Engineering Ingegneria Informatica, a ensuite abordé l'impact de l'intelligence artificielle générative sur l'économie, l'environnement, la société et la paix, avec au centre la Doctrine sociale de l'Église comme «boussole de notre monde numérisé». Dans l’après-midi, les liens entre la technologie et le développement humain et le sens du progrès ont été discutés avec Gianmario Verona, président du conseil de surveillance de la Fondation Human Technopole depuis juillet 2022, et Paolo Benanti, théologien et professeur à l'Université pontificale Grégorienne de Rome. Après une table ronde, le cardinal Gianfranco Ravasi prononcera le discours de clôture.
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