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Des journalistes suivent à quelques pas des fidèles l'adresse du Pape sur la démocratie, le 7 juillet 2024. Des journalistes suivent à quelques pas des fidèles l'adresse du Pape sur la démocratie, le 7 juillet 2024.  (ANSA) Éditorial

Penser en grand, la tâche des catholiques en politique

Le préfet du dicastère pour la Communication s'attarde sur les passages saillants du discours prononcé hier par le Pape François à l'issue des Semaines sociales des catholiques d'Italie qui se tenaient à Trieste.

Paolo Ruffini 

 

Dans le discours prononcé hier par le Pape François à Trieste, une question s'adresse à tout le monde, et pas seulement aux hommes politiques dits professionnels.

Que représente la politique pour nous?

Et à cela s'en ajoute une autre, voire deux: qu'est-ce que la démocratie? Et quel est le rôle de chacun, et donc aussi des chrétiens, des catholiques, dans la crise des démocraties?

Il ne s'agit pas de questions scolaires. Au contraire.

En effet, elles nous demandent de sortir de cet excès d'abstraction dans lequel nous nous réfugions souvent lorsque nous réduisons la politique à un jeu de pouvoir, à une arithmétique ou à une topographie, à l'occupation de positions de commandement; ou lorsque nous transformons la démocratie en un froid manuel des règles qui régissent ce jeu que nombre d'entre nous considèrent - à tort - comme étant celui de quelqu'un d'autre.

La vérité est qu'en prétendant être de simples spectateurs, au lieu d'être des acteurs (protagonistes possibles d'un progrès vers le bien commun), en restant en retrait, nous finissons par agir comme Ponce Pilate et, en nous lavant les mains, nous finissons par aggraver la crise de la politique et la crise de la démocratie, et avec elles notre destin.

La réponse du Pape François est différente, elle est concrète. Et en cette heure de crise, il ne parle pas de schémas abstraits, mais nous met au défi de faire un examen de conscience, à la fois personnel et collectif. En tant qu'individus et en tant que peuple.

À quel jeu jouons-nous?

Si la politique et la démocratie ne concernent pas seulement quelques-uns (les autres: ceux qui votent, ceux qui gouvernent, ceux qui s'opposent, ceux qui militent, ceux qui descendent dans la rue), si elles concernent chacun d'entre nous, nos vies, nos choix, et pas seulement au moment du vote, et si tout est interconnecté, à quel jeu jouons-nous?

Les questions du Pape nous sont adressées, elles nous ramènent sur terre. Elles sont concrètes. Comme la charité dont la politique - comme François le répète en citant ses prédécesseurs - est la forme la plus élevée. Elles font exploser les schémas construits par les polarisations. Elles adoptent un paradigme que seule la myopie de notre époque ne considère pas politique. Le paradigme de l'amour, qui exige la participation, qui inclut tout, «qui ne se contente pas de traiter les effets mais cherche à s'attaquer aux causes. Et c'est une forme de charité qui permet à la politique d'être à la hauteur de ses responsabilités et de sortir des polarisations».

Quelle est la place de la charité, de l'amour pour autrui, dans nos raisonnements politiques?

La charité, comme le souligne le Pape, est concrète. Elle est inclusive.

Elle connaît notre nom. Elle appelle chacun d'entre nous à une prise de responsabilité personnelle sur le chemin d'un développement plus humain.

Elle nous implique dans la construction d'une alternative à l'atrophie morale de la dynamique du rejet.

C'est le seul véritable antidote au cancer qui ronge la politique et les démocraties, qui se nourrit de la haine et de l'indifférence.

Il appartient à chacun d'entre nous de ne pas réduire la politique, dont nous avons tous besoin, à une somme de chiffres, des pourcentages. À une «boîte vide» à occuper.

Il revient à chacun de nous de lui redonner de l'espoir, la prophétie d'un avenir à construire ensemble, tous ensemble; la beauté du partage de projets et d'histoires dans le tissage du bien commun.

La politique, nous a dit le Pape, est une «participation». «Prendre soin de la globalité». C'est «se considérer comme un peuple et non comme moi ou mon clan, ma famille, mes amis». «Ce n'est pas du populisme. Non, c'est autre chose».

La participation est responsable. Le populisme, lui, annule la responsabilité, qui est individuelle, dans l'indistinction de la masse.

Penser en grand, retrousser ses manches pour faire de grandes choses, ensemble. Telle est la tâche des catholiques en politique.

Avoir les pieds sur terre, mais de grands idéaux.

Des idéalistes dotés d'un grand sens de la réalité et des limites, conscients qu'ils peuvent changer la réalité. Pas à pas. Dans un voyage qui se poursuit toujours. Sans confondre la route,  comme le disait le père Primo Mazzolari, avec un point d'arrivée et de possession.

«Une foi authentique, écrit le Pape François dans Evangelii Gaudiumimplique toujours un profond désir de changer le monde, de transmettre des valeurs, de laisser quelque chose de meilleur après notre passage sur la terre».

Le père Primo Mazzolari a traduit tout cela en nous invitant à regarder vers le haut: ni vers la droite ni vers la gauche, ni vers le centre, mais vers le haut. En commençant par être des hommes nouveaux plutôt que des aventuriers de la nouveauté. Des hommes et des femmes capables de s'engager librement et de respecter un engagement au lieu d'agir comme Ponce Pilate: des hommes et des femmes qui ne restent pas en marge de la lutte pour la justice; qui ne transforment pas la passion en rancœur, la justice en règlement de comptes sommaire; qui ne nient pas la fin avec les moyens; qui ne s'abandonnent pas à la culture de l'hyperbole, qui ne prêchent pas des solutions magiques; qui ne renoncent pas à la règle de la charité en politique. Des hommes et des femmes qui ne se font pas d'illusions sur leur capacité à construire le paradis sur terre, qui ne prennent pas la politique pour le défi d'un moment où l'on gagne et où l'on perd, mais qui la vivent comme un voyage auquel nous sommes tous appelés. Un appel à toujours faire mieux.

Les paroles d'Aldo Moro, alors qu'il était jeune professeur d'université, nous viennent à l'esprit comme point de référence de notre examen de conscience: «Il est probable que, malgré tout, l'évolution historique, dont nous aurons été les déterminants, ne répondra pas à nos exigences idéales; la magnifique promesse, qui semble être contenue dans la force et la beauté intrinsèques de ces idéaux, ne se réalisera pas. Cela signifie que les hommes devront toujours rester face à la loi et à l'État dans une position de pessimisme plus ou moins aigu.

Et leur douleur ne sera jamais totalement apaisée. Mais cette insatisfaction, cette douleur, c'est l'insatisfaction de l'homme lui-même à l'égard de sa vie, trop souvent plus étroite et mesquine que sa beauté idéale ne le laisserait légitimement espérer. C'est la douleur de l'homme qui trouve toujours tout plus petit qu'il ne le voudrait, dont la vie est si différente de l'idéal dont il rêve.

C'est une douleur qui ne s'apaise pas, sauf un peu, lorsqu'elle est confessée à des âmes qui savent comprendre ou qui ont chanté dans l'art, ou lorsque la force d'une foi ou la beauté de la nature dissolvent cette angoisse et ramènent la paix. Le destin de l'homme n'est peut-être pas de réaliser pleinement la justice, mais d'avoir perpétuellement faim et soif de justice. Mais c'est toujours un grand destin».

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08 juillet 2024, 15:50