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La Cour royale de justice à Londres. La Cour royale de justice à Londres. 

Procès immeuble de Londres, 3ème interrogatoire de Mgr Peña Parra

L’audition du substitut de la Secrétairerie d'État à la Haute Cour de Justice britannique, dans le procès civil sur la vente de l'immeuble de Sloane Avenue à Londres se poursuit jusqu'au 18 juillet prochain. Présent en tant que témoin, Mgr Edgar Peña Parra a nié tous les éléments avancés par l'avocat de la défense du financier Raffaele Mincione.

Salvatore Cernuzio - Londres

Lors de son troisième et dernier interrogatoire devant la Cour royale de justice de la capitale britannique, l’archevêque Edgar Peña Parra, a répété à trois reprises que le Saint-Siège a été «victime d'une fraude grave» dans l'achat et la vente de l’immeuble de Londres. Cette audience a été bien plus tendue que les précédentes.

Comme lors des audiences des 5 et 6 juillet dernier, les transactions avec le courtier Gianluigi Torzi, et notamment le paiement par le Saint-Siège de 15 millions d'euros pour reprendre le contrôle d'une de ses propriétés, ont été au centre des questions de Charles Samek, l’avocat du financier Raffaele Mincione. Ce dernier, à la fin de l'audience, a énuméré 20 éléments contraires aux positions du Saint-Siège, que Mgr Peña Parra a fermement démentis: «Je n'accepte aucune de vos conclusions», a-t-il lancé. Parmi celles-ci, figure la question selon laquelle le substitut aurait donné des informations partielles et incohérentes au Pape dans une note mentionnant, entre autres, l'affaire de Londres.

Le mémorandum au Pape

Il s'agit d'une «note» datée du 2 mai 2019 dans laquelle Mgr Peña Parra, qui avait pris ses nouvelles fonctions sept mois plus tôt, a reconstitué toute l'affaire de l’immeuble de Londres pour le Saint-Père, ainsi que la question du versement à l’intention de Gianluigi Torzi, certifié par des factures faisant état de prestations du courtier sans qu'elles aient été réellement effectuées. Dans la salle d’audience, Mgr Peña Parra a fait savoir que le courtier menaçait de revendre l'immeuble. Ce qui a été démontré, dans «un opuscule» arrivé dans les bureaux de la Secrétairerie d'État, qui disait «ouvertement que l'intention était de vendre l'immeuble».

Omissions et mensonges

«Mr Gianluigi Torzi n'a voulu faire que ce qu'il voulait», a déclaré substitut de la Secrétairerie d'État. Il le faisait en s'appuyant sur les 1 000 actions avec droit de vote acquises par le biais d'un contrat d'achat d'actions signé dans son bureau de Londres en novembre 2018, en présence de deux fonctionnaires de la Secrétairerie d'État. Ce contrat a été signé «sans autorisation» du responsable du bureau administratif de l'époque Mgr Alberto Perlasca, et ratifié par Mgr Peña Parra après les assurances reçues de «celui qui lui avait été présenté comme "notre avocat", Nicola Squillace (condamné en première instance): "Il ne m'a envoyé que des mensonges"». 

En revanche, le courtier, «après avoir envoyé cette fausse facture» (pour de prétendus services de gestion immobilière), «n'a eu pratiquement aucun ou peu de contact» avec le Saint-Siège, a fait remarquer Mgr Peña Parra, soulignant que Gianluigi Torzi avait l'habitude de se comporter ainsi. Quelques mois auparavant, a-t-il rappelé, «dans mon bureau», il avait retiré Fabrizio Tirabassi du conseil d'administration du Fond Gutt, un ancien fonctionnaire de l'Office administratif (condamné en première instance), le seul à représenter le Saint-Siège jusqu'alors.

Négociations avec Gianluigi Torzi

L’argument avancé par l'avocat Charles Samek -argument qu'il défend depuis le début- est qu’il y avait un accord avec le courtier Gianluigi Torzi. «Il y a eu des de négociations avec une personne qui avait de propres bonnes raisons de croire que c’était frauduleux», a-t-il déclaré. «15 millions ont été versés à la même personne alors qu'elle et le Pape avaient convenu de payer 1 ou 2 millions», a-t-il déclaré au substitut, faisant référence à un premier chiffre destiné à mettre fin à toutes les relations avec le courtier.

En outre, avance l’avocat Charles Samek, en fonction de l'accord de novembre 2018 à Londres (accord-cadre), toutes relations avec le financier Raffaele Mincione et ses sociétés ont été rompues. Alors -a-t-il demandé- où serait le «la conspiration» tant annoncée entre Gianluigi Torzi et son client Raffaele Mincione?

Mgr Peña Parra a en particulier insisté sur un point pour prouver la relation entre Raffaele Mincione et Gianluigi Torzi: le fait que l'épouse de Raffaele Mincione continuait à utiliser pour son entreprise, un bureau dans l'immeuble déjà été géré par le courtier Gianluigi Torzi, ("ou quelqu'un d'autre l'utilisait pour elle"), sans payer de loyer.  

Les discussions avec Mgr Carlino

Le barrister (ndlr: avocat plaidant, de haut niveau exerçant son métier dans un pays de Common Law qui conseille, conduit le procès et défend la cause par la plaidoirie et par écrit), a insisté pour que toutes les conversations entre le courtier et le secrétaire du substitut de l'époque, Mgr Mauro Carlino, le seul acquitté parmi les dix accusés du procès du Vatican, soient projetées sur les écrans des PC de la petite salle d'audience, puis lues pendant une quinzaine de minutes d'affilée. Pour l’avocat Charles Samek, ces messages WhatsApp prouvent que «sa secrétaire était en contact avec Gianluigi Torzi pour l’établissement d'une fausse facture». Des affirmations démenties par Mgr Peña Parra. Selon lui, les réponses insistantes de Gianluigi Torzi sont une démonstration flagrante de ce que les juges du Vatican ont qualifié «d'extorsion».

Les activités du courtier

«Je ne suis pas d'accord. C'est sa version des faits», a répété le témoin, Mgr Peña Parra, soulignant ensuite: «Nous avons rejeté cette facture et les activités que Gianluigi Torzi disait avoir réalisées pour nous, c'est pourquoi j'ai clairement dit à mon équipe que ma lettre n'était pas une facture. Je n'ai pas menti», a-t-il déclaré, puis d’ajouter que l'indication qu'il avait donnée au Crédit Suisse pour le versement du transfert de 5 millions était «le règlement total et définitif de toutes nos obligations contractuelles». Les pièces jointes à ce courriel adressé au Crédit Suisse indiquaient toutefois d'autres raisons, notamment des services rendus par Gianluigi Torzi pour des propriétés situées dans d'autres villes.

Le rôle du substitut

«Je suis bien sûr responsable de ce que j'ai fait, mais j'ai une équipe» capable de s’occuper des documents déjà discutés et approuvés, a précisé l’archevêque, ajoutant avec une pointe d'ironie: «D'habitude, oui, c'est moi qui envoie personnellement les fax». À plusieurs reprises, Mgr Peña Parra a rappelé l'importance de son rôle et des engagements qu'il requiert, même face aux questions pressantes de l'avocat qui semblait ignorer les flux d’activité du Vatican. «Je ne suis pas responsable du bureau administratif et je dois donc m'occuper de chaque photocopie, de chaque document. Je m'occupe des choses importantes pour chaque activité et chaque responsabilité», a déclaré le subsitut.

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09 juillet 2024, 15:52