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Lors de la conférence de presse de ce vendredi 18 octobre 2024. Lors de la conférence de presse de ce vendredi 18 octobre 2024. 

Synode: l'Église doit être plus décentralisée

Les derniers travaux synodaux, relatés lors de la conférence de presse quotidienne en la Salle de presse du Saint-Siège, ont mis l'accent sur l'appel de l'Église «à l'unité dans la diversité». Les trois cardinaux présents, parmi lesquels Mgr Jean-Marc Aveline, ont évoqué les problématiques migratoires concernant leurs territoires respectifs.

Roberto Paglialonga et Edoardo Giribaldi - Cité du Vatican

La décentralisation est «saine» si elle est inspirée par des critères solides. Ainsi une «Église d'Églises» trouve sa propre harmonie si elle est fondée sur des principes capables de restaurer son bon fonctionnement. Il s'agit de «l'échange des dons», d'une «articulation fonctionnelle entre le local et l'universel», de la «subsidiarité», de la valorisation dans l'unité des «Églises sui iuris» («de son propre droit», ndlr). La conférence de presse portait sur les travaux du Synode d'hier après-midi et de ce matin, vendredi 18 octobre.

Redéfinir le concept de territoire

Les discussions, en particulier hier, en présence de 332 membres, ont porté sur la troisième partie de l'Instrumentum laboris, consacrée aux «Lieux». Dans ce contexte, a rappelé le préfet du la dicastère pour la Communication, plusieurs interventions ont souligné «l'importance des Églises particulières, qui ne nuisent pas, mais servent l'unité», en insistant sur le fait que «la particularité de chacune» n'est pas une menace, mais plutôt un «don spécial». C'est le cas par exemple des Églises orientales catholiques dont la tradition doit être protégée, car elle est «un trésor de toute l'Église catholique universelle», dont elle est donc «une partie intégrante et indispensable». Ainsi, de nombreux intervenants ont souligné la nécessité de «garantir» non seulement la «survie effective», mais aussi «l'épanouissement des Églises orientales catholiques tant dans leurs territoires d'origine que dans la diaspora». Certains sont en effet intervenus, affirmant qu'«il y a eu dans notre histoire une unité comprise autrement que comme elle devrait l'être» et que l'Église latine s'est parfois comportée «de manière injuste à l'égard des Églises orientales sui iuris, considérant leur théologie comme secondaire». Aujourd'hui, l'un des défis consiste à «redéfinir le concept de territoire», qui «n'est pas seulement un lieu physique» car «en raison de la diaspora, il y a des Orientaux qui vivent dans des territoires où le rite latin est prédominant».

Les invités de la conférence de presse sur le Synode du 18 octobre
Les invités de la conférence de presse sur le Synode du 18 octobre

L'envie d'une date unique pour Pâques

En ce qui concerne la célébration de Pâques 2025, et de l’accord avec les «Églises sœurs», pour que la célébration ait lieu le même jour l’an prochain, il a été souhaité par un grand nombre de participants qu’un message émanant de l’ensemble du synode demande qu’une unique date soit fixée également à l’avenir.

Décentralisation de Rome aux périphéries

Le thème de la décentralisation de l’Église a fait l'objet de nombreuses réflexions en Salle Paul VI ces derniers jours et a également suscité la curiosité des journalistes lors des différentes réunions d'information. La secrétaire de la Commission pour l'information du Synode a expliqué que les critères pour «définir une saine décentralisation» ont été analysés, parmi lesquels «la proximité et la sacramentalité, c'est-à-dire les sacrements».

L'attention a également été portée sur les «petites communautés de base comme étant les lieux privilégiés d'une Église synodale». Pour elles, l'environnement numérique est d'une grande importance, car il peut les aider à rester unies sur le terrain. À son tour, l'environnement numérique peut être stimulé par la prière, qui est indispensable «pour discerner entre ce qui est bon et ce qui est mauvais », et permettre à chacun de devenir «des disciples numériques».

Partager le chemin avec les laïcs

Plusieurs intervenants ont invité à «ne pas avoir peur de la synodalité, car elle n'affaiblit pas les différents charismes et ministères, ni la spécificité des lieux». Il a également été rapporté lors de la conférence de presse que «les tâches administratives étouffent l'élan et l'enthousiasme missionnaire, et il est donc nécessaire de penser de manière créative». En particulier, il est nécessaire «d'écouter les cris de ceux qui souffrent, car la synodalité de l'Église locale» se manifeste aussi «dans les réalités marquées par la souffrance».

Pour mener le bon combat de la foi dans les sociétés sécularisées, comme l'a dit saint Paul, il est important de «partager le chemin avec les laïcs». L'Évangile doit «s'incarner dans toutes les cultures et dans tous les lieux, en les habitant, en renforçant la dimension communautaire des mouvements et des nouvelles réalités ecclésiales». Les travaux des derniers jours ont mis l'accent sur l'appel de l'Église «à l'unité dans la diversité», car elle est un «organisme vivant qui a le Christ pour cœur et qui vit comme un corps à travers l'existence des personnes».

L'accueil des femmes et des jeunes

Au sujet du diaconat féminin, certains intervenants ont souligné que «l'Église ne doit pas être une “chose pour les hommes” et que même si les femmes demandent à être présentes dans les processus de décision, cela ne suffit pas». Quant aux jeunes, s'ils «se disent spirituels mais pas religieux», cela doit les pousser à «être des pasteurs également dans les environnements numériques» que les filles et les garçons fréquentent et habitent.

Dans l’après-midi, des rencontres entre groupes de travail ont eu lieu, ainsi qu’une réunion de la commission canonique et une réunion du SCEAM (Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar), chargées d'un discernement théologico-pastoral sur la polygamie. La semaine prochaine sera décisive pour la discussion du projet de document final, et devra ainsi être vécue dans un climat de retraite et de grande prière. «C'est précisément pour cette raison que la journée de lundi commencera à 8h30 par la messe votive à l'Esprit Saint, célébrée à l'autel de la Chaire de la Basilique vaticane», a précisé le préfet.

Les défis de la Méditerranée

De la Méditerranée à l'Afrique, en passant par l'Amérique latine. Des zones géographiquement éloignées les unes des autres et pourtant unies par des problèmes similaires, avec de la part des membres du Synode une même intention d’y répondre. Ce fut d’ailleurs le fil conducteur des interventions et des questions qui ont été posées aux invités lors de la conférence de presse. Le premier à prendre la parole a été le cardinal français Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, qui a rappelé son rôle dans la coordination du travail de l'Église dans la région méditerranéenne, à la demande du Pape François.

Le cardinal Aveline répond à nos questions à l'issue de la conférence.

Le cardinal a esquissé un calendrier de son engagement, pris en 2020 avec une quarantaine d'évêques et qui s’est concrétisé en diverses rencontres, la dernière s’est tenue le mois dernier en Albanie. En septembre 2023, lors des Rencontres méditerranéennes à Marseille, François «a exprimé le désir de voir ce travail se poursuivre, être coordonné et soutenu». Une orientation basée avant tout sur l'écoute des difficultés des différentes communautés ecclésiales. La «Mare nostrum n'est pas un sujet d'étude, mais une région où l'on vit des scénarios dramatiques: guerres, libertés non respectées, corruption», a rappelé Mgr Aveline, sans oublier les phénomènes migratoires, pour lesquels des réseaux de soutien spécifiques ont été créés. Toutefois, a poursuivi l'archevêque de Marseille, les thèmes abordés concernent également les questions théologiques et celles relatives aux sanctuaires mariaux, qui «apparaissent comme des oasis» où affluent des personnes provenant de diverses parties du continent européen.. «Nous devons comprendre comment l'Église peut contribuer aux efforts de justice et de paix dans cette région», a souligné le cardinal français, rappelant sa proposition d'un éventuel synode consacré précisément à la Méditerranée.

Souffrances et espoirs de l'Amérique latine

Le cardinal colombien Luis José Rueda Aparicio, archevêque de Bogota, a ensuite exposé aux journalistes l'expérience de foi vécue dans son pays et dans l'ensemble de l'Amérique latine, un «jeune continent» avec «des souffrances et des espoirs». L'Église locale est à la recherche d'une «spiritualité toujours plus proche des pauvres». La pauvreté, a-t-il dit est un fléau exacerbé non seulement par le phénomène migratoire vers le nord du continent américain, mais aussi par les questions liées au trafic de drogue. Dans un contexte aussi difficile, l'Église «a su s'unir et trouver les moyens d'approcher la réalité, en essayant de la voir avec les yeux de la foi et de l'espérance». Le résultat, a expliqué l'archevêque de Bogota, est une «présence du Royaume» concrète qui vise à s'étendre, afin de parvenir à une «évangélisation intégrale» conforme à l'ensemble du continent.

La cardinal Luis José Ruesda Aparicio, archevêque de Bogota en Colombie.
La cardinal Luis José Ruesda Aparicio, archevêque de Bogota en Colombie.

Les plaies du Soudan du Sud

Ensuite, le cardinal sud-soudanais Stephen Ameyu Martin Mulla, archevêque de Juba, a évoqué les difficultés rencontrées par son pays et par le Soudan «voisin». Un peuple «pauvre» qui a mené des guerres en quête de liberté et qui se trouve aujourd'hui encore loin de la paix et en proie à de nombreuses «questions non résolues». La guerre au Soudan va de pair avec les difficultés du pays d'origine du cardinal Mulla qui, malgré un processus d'indépendance censé «résoudre tous les problèmes», se retrouve avec encore plus de problèmes. Les accords de paix signés au Soudan du Sud n'ont toujours pas été pleinement mis en œuvre six ans après la retraite au Vatican des dirigeants du pays. La situation n’a pas changé ces dernières années, pas même après le voyage du Souverain pontife à Juba. «Pour cette raison, a déclaré le prélat, nous pensons que le synode peut nous aider à dialoguer pour résoudre les problèmes sociaux et politiques que nous connaissons.» Il souligne que le réchauffement climatique est également un des fléaux s’abattant sur son pays.  

Le cardinal soudanais Stephen Ameyu Martin Mulla, archevêque de Juba
Le cardinal soudanais Stephen Ameyu Martin Mulla, archevêque de Juba

L'enthousiasme du Synode

Enfin, l'évêque augustinien Mgr Luis Marín De San Martín, sous-secrétaire du Secrétariat général du Synode et membre de la Commission pour l'information, a pris la parole. Constatant les défis auxquels le monde est confronté, à la lumière des interventions qui l'ont précédé, il a expliqué comment le Synode «répond» à ces questions, en nourrissant une Église ouverte, au langage compréhensible, capable d'aborder des sujets pertinents et intéressants. «Apporter la réponse du Christ aux drames d'aujourd'hui», tel est le concept qui sous-tend le message du prélat, qui identifie quatre piliers fondamentaux sur lesquels l'Église doit s'appuyer: elle doit être centrée sur le Christ, fraternelle, inclusive et enfin dynamique. «J’aimerais que nous puissions partager notre enthousiasme dans un monde plein de drames». Les dialogues au sein du Synode, quant à eux, ont traversé certaines dichotomies: synodalité et écoute des signes des temps, unité et variété, centre et périphéries. La dernière invitation du sous-secrétaire a été de ne pas se laisser décourager par le «pessimisme qui nous envahit parfois».

Mgr Luis Marín De San Martín, sous-secrétaire du Secrétariat général du Synode.
Mgr Luis Marín De San Martín, sous-secrétaire du Secrétariat général du Synode.

Exiger des réponses immédiates

Au cours du point presse, les journalistes ont pu poser des questions aux intervenants. Concernant la concrétisation du concept d'«unité dans la diversité», le cardinal Rueda Aparicio a noté qu'elle se manifeste déjà dans le «style de ce synode» différent et innovant, où les mères synodales représentent l'indice le plus visible de «nouveauté et de développement». En ce qui concerne ceux qui exigent des réponses immédiates de la part du Synode, Mgr Marín de San Martín a établi un parallèle avec la foi chrétienne elle-même: «il s'agit d'une expérience du Christ. Si nous ne la vivons pas, nous ne pourrons jamais la vivre pleinement». Cependant, et c'est là que se trouve le «déclic», le «changement», il est nécessaire, assure le responsable du synode, que l'ensemble du processus synodal ne reste pas abstrait mais, au contraire, «tombe dans la réalité». En ce sens, les paroisses restent importantes et centrales: ce sont «les premières communautés».

Document final et polygamie

Les participants ont également été interrogés sur les discussions concernant le rôle et l'autorité des évêques. «On en a beaucoup parlé», a admis le cardinal colombien, rappelant que, selon saint Jean XXIII, le dépôt de la foi reste «toujours le même». Toutefois, a précisé l'archevêque de Bogota, «il faut l'adapter à chaque situation». Le cardinal est ensuite revenu sur les difficultés rencontrées dans son pays, notamment une «polarisation toxique», capable de rendre les communautés «ennemies» les unes des autres.

Le cardinal Aveline a ensuite donné quelques indications sur la rédaction du document final du Synode. Sa «commission de synthèse» a, par exemple, «pour objectif de vérifier que ce qui est proposé comme texte à voter ne s'éloigne pas trop des opinions exprimées au cours de ces semaines de travail». Enfin, sur la question de la polygamie, un journaliste a évoqué la visite aujourd'hui du roi d'Eswatini «avec l'une de ses femmes» au Pape François. Le cardinal Mulla a rappelé que, comme d'autres sources de discussion, elle concerne principalement l'Afrique, mais doit être abordée de manière «holistique».

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18 octobre 2024, 22:11