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Réunion en cercle mineur le 15 octobre dernier. Réunion en cercle mineur le 15 octobre dernier.  (Vatican Media)

Synode, discerner un consensus pour faire marcher l'Église

Il fut question de l'unité de l'Église ou des compétences des Conférences épiscopales lors des dernières congrégations générales. Mercredi 16 octobre quatre universitaires, dont trois théologiens - et parmi eux une femme, ont pris la parole en Salle de presse du Saint-Siège.

Alessandro Di Bussolo et Roberto Paglialonga - Cité du Vatican

Comme chaque jour, un point presse s’est tenu à la mi-journée pour faire état de l’avancée des travaux en Salle Paul VI. Parmi les sujets abordés hier après-midi 15 octobre, et dans la matinée du 16 octobre, au cours des travaux de la deuxième session du Synode sur la synodalité, deux thèmes émergent: l’unité de l'Église et les compétences des Conférences épiscopales, dans un style de plus en plus synodal. Un autre sujet a en revanche dominé les interventions en Salle de presse du Saint-Siège, à savoir le rôle des experts théologiens et des canonistes dans cette deuxième session du Synode. Ils ont évoqué l'importance de discerner, parmi les propositions des participants, le consensus qui fait marcher l'Église, à l'écoute de l'Esprit.

De premières propositions

Mardi 15 octobre, 328 personnes étaient présentes en Salle Paul VI. «Nous avons discuté de la dernière partie de l'Instrumentum laboris. Les cercles mineurs ont travaillé pour pouvoir présenter une première proposition concernant diverses questions à traiter», a déclaré le responsable de la Commission pour l'information du Synode. Mercredi 16 octobre, en présence de 347 personnes, ces rapports établis par table linguistique ont été présentés.

Paroisses et monde numérique

En Salle Paul VI, il a été dit que «l'Église depuis le début s'est référée à la ville, aux lieux où elle a vécu, guidée par l'évêque dans un rapport étroit avec le territoire». Les groupes ont fait ressortir, selon le préfet du dicastère pour la Communication, Paolo Ruffini, «l'attention portée aux paroisses en tant que lieux de rencontre», mais a-t-il ajouté, «l'Église doit habiter le monde numérique» sans omettre «les dangers qui y existent». Il est nécessaire «d'être créatifs et d'imaginer, d'élargir les lieux de notre Église dans d'autres sphères», se sont ainsi accordés à dire des membres du synode. Il importe «d'identifier et de renforcer les structures synodales déjà en place, dans un échange de dons entre les Églises locales et les Églises continentales».

Lors de la conférence de presse de ce mercredi 16 octobre.
Lors de la conférence de presse de ce mercredi 16 octobre.

Le rôle synodal des Conférences épiscopales

Quant aux Conférences épiscopales, il a été dit qu'elles «favorisent la communion, mais que leur statut doit peut-être encore être mieux défini». Ainsi Paolo Ruffini a également indiqué que «la question de savoir si les compétences doctrinales doivent être dévolues aux Conférences épiscopales» a été abordée, soulignant l'importance de découvrir la beauté des différentes cultures qui ne se suffisent pas à elles-mêmes. En outre, a-t-il ajouté, «on a parlé de Conférences épiscopales continentales comme étant le bon endroit pour tisser la synodalité, au niveau continental» et de la manière de «renforcer les Conférences épiscopales en tant que niveaux de collégialité intermédiaire».  Les intervenants se sont accordés, a souligné le préfet du dicastère pour la Communication, sur «l'importance de préserver l'unité de l'Église».

Le ministère pétrinien au service de l'unité

«Il a été question du ministère du Pape à l'heure de la mondialisation», a poursuivi Paolo Ruffini, et de son service à l'unité non seulement de l'Église catholique, mais aussi des autres chrétiens, et en tant que plus haute autorité morale et spirituelle. Fondamentalement, la question est de savoir «comment reconfigurer la participation à une clé missionnaire dans un contexte de changement d'époque, face aux phénomènes de mobilité humaine, dans la culture et dans l'environnement numérique». Et, encore, «comment maintenir ensemble la synodalité, la collégialité et la primauté; le rôle de la Curie romaine à la lumière de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium; le synode universel, les assemblées ecclésiales continentales, les synodes et les conciles particuliers».

L'évangélisation du monde de la culture

Dans son discours, Sheila Pires a mis l'accent, entre autres, sur l'évangélisation du monde de la culture, la prise de conscience que «nous sommes tous en terre de mission» et le rôle des petites communautés de base qui peuvent renforcer la vitalité des paroisses. En conclusion, elle a déclaré que «le Synode a souligné la nécessité de s'adapter aux changements culturels et numériques, en promouvant une Église plus synodale et missionnaire: la discussion a mis l'accent sur l'unité de la foi et la capacité de l'Église à répondre aux défis contemporains».

Les quatre invités au briefing

À la table des orateurs se trouvaient le père italien Dario Vitali, coordinateur des experts théologiques du Synode, professeur d'ecclésiologie à l'Université pontificale grégorienne; le père espagnol José San José Prisco, professeur de droit canonique et doyen de l'Université pontificale de Salamanque, de la Fraternité des prêtres ouvriers diocésains, expert en formation et en vocation; Klára Antonia Csiszàr, roumaine d'origine mais doyenne de la faculté de théologie et vice-rectrice de l'université catholique de Linz en Autriche; et enfin, le père australien Ormond Rush, théologien consultant auprès du secrétariat du synode et chargé de cours à l'université catholique australienne de Brisbane.

Le travail collégial des quatre groupes de théologiens

Dans son intervention, le père Dario Vitali a souligné que la tâche des quatre groupes linguistiques de théologiens qu'il coordonne (anglais, français, espagnol-portugais, italien), est de «relire les propositions de l'Assemblée en saisissant les éléments de consensus qui se dégagent», et de produire des rapports collégiaux qui indiquent «à ceux qui doivent rédiger le texte final les éléments de convergence, et ceux qui posent problème». Dans une Église à l'écoute de l'Esprit, ce qui compte c'est le consensus, il n'y a pas lieu de chercher et de mettre en évidence l'élément dissonant. C'est à nous, théologiens, a précisé le père Vitali, «de reconnaître le type de consensus qui mûrit dans l'assemblée, afin que le texte soit cohérent avec ce qui a été partagé entre les participants et avec ce que l'Esprit indique à l'Église». Le travail des quatre groupes linguistiques est un exemple du style synodal, a-t-il souligné, le résultat d'un travail de collaboration entre théologiens qui a commencé en 2021, en même temps que le chemin synodal. Alors que lors des synodes précédents, les théologiens interagissaient séparément avec le Secrétariat du Synode.

Les canonistes et les propositions du Synode

En tant que membre de la commission canonique du Synode, le père San José Prisco a rappelé que le travail des canonistes dans cette assemblée est un travail conjoint avec celui des théologiens, «alors que dans le passé la théologie et le droit canonique ont souvent marché sur deux lignes parallèles. Au contraire, la complémentarité, le travail en commun, est nécessaire. Le travail du Synode, a poursuivi le père Prisco, concerne «surtout le deuxième livre du Code de droit canonique, consacré au Peuple de Dieu». La commission de canonistes, a-t-il souligné, est née d'un besoin exprimé par les participants: un groupe d'experts en droit canonique pour accompagner et évaluer les propositions du Synode, «pour identifier les possibilités de changements ou de nouvelles normes qui pourraient améliorer le droit canonique, tant latin qu'oriental».

 «La mélodie de la synodalité» dans les forums

La théologienne pastorale Klára Antonia Csiszàr a souligné l'importance de l'apport théologique des forums, qui «concerne aussi la connaissance de l'autre et permet de moduler la culture synodale dans l'Église». L'année dernière, à la fin des travaux synodaux, l’on a fait remarquer que «la théologie n'avait pas reçu autant d'attention», mais dans les forums théologico-pastoraux, pour Csiszàr, «on voit aujourd'hui que la théologie apprend son rôle dans l'Église synodale, et qu'elle apporte sa contribution au style synodal». Ce sont des rendez-vous qui «aident à régler la mélodie de base de la synodalité, la théologie du peuple de Dieu». Car la communauté scientifique théologique, a-t-elle conclu, «veut soutenir la naissance d'une Église synodale».

Des réponses pour une proclamation de l'Évangile dans de nouveaux contextes

Le théologien australien Ormond Rush a fait une remarque sur le concept de tradition vivante lors de l'Assemblée de 2023: «la révélation vivante n'est pas seulement des vérités statiques mais un dialogue permanent entre Dieu et l'humanité». Dans son discours, il a expliqué qu'au cours de cette deuxième session, «nous entrons dans le processus de la tradition vivante de l'Église, afin d'actualiser le message de l'Évangile». Il a souligné que la théologie a pour tâche d'aider l'Église à apporter le message de Dieu à tous, tout en étant à l'écoute du Sensus fidei de chaque personne. L'Église d'aujourd'hui, pour Rush, doit interpréter «les signes, les paraboles et la manière dont Jésus se rapporte au XXIe siècle». Avec l'aide de la théologie, «grâce aussi au Concile Vatican II, qui est toujours une lumière pour nous». Savoir lire les signes des temps, a-t-il affirmé, «est fondamental pour une nouvelle compréhension de la vision de Dieu sur la vie humaine aujourd'hui. De nouvelles réponses sont nécessaires pour permettre à l'Église de proclamer l'Évangile de manière convaincante dans les nouveaux contextes dans lesquels elle vit».

Les compétences doctrinales des évêques et des Conférences

L'éventuelle décentralisation des compétences doctrinales vers les Conférences épiscopales, l'étude et l'approbation des modifications du droit canonique et le rôle des théologiens ont été les principaux sujets abordés par les journalistes. Le Père Vitali a rappelé que «même le document considéré comme le plus restrictif du point de vue d'un éventuel transfert des fonctions doctrinales» du centre vers la périphérie, «à savoir le motu proprio Apostolos suos de Jean-Paul II de 1998, affirme en fait au numéro 21 que “les évêques sont d'authentiques docteurs et maîtres de la foi pour les fidèles qui leur sont confiés”, et identifie des compétences spécifiques pour eux, telles que le soin de publier des catéchismes pour leurs territoires, certainement après “approbation par le Siège apostolique”. En outre, même dans le Praedicate evangelium du Pape François, il y a une disposition significative à cet effet». Par conséquent, le théologien a réitéré que «bien qu'ils ne puissent pas édicter de dogmes, les évêques peuvent s'occuper de tout ce qui concerne la doctrine, en veillant toujours à agir en communion avec le Pontife».

Mise à jour des normes canoniques

San José Prisco a souligné que, du point de vue canonique, «il peut y avoir des nouveautés». En effet, plusieurs points - comme les conseils pastoraux ou ceux pour les affaires économiques, ou encore les organismes qui envisagent une collaboration active entre les pasteurs, les religieux et les laïcs - «sur lesquels l'Assemblée a trouvé un accord, seront présentés au Pape dans le document final et feront l'objet d'une mise à jour peut-être déjà l'été prochain» ; tandis que sur d'autres, «il y aura plus de prudence, parce qu'ils nécessiteront une nouvelle consultation».

Même s'il n'y a pas de consensus sur certaines questions, le débat n'est pas clos

Il y a des questions, a-t-on souligné, qui, surtout d'un point de vue théologique, n'auront probablement pas de réponses définitives au cours de ce Synode, comme les questions de genre ou les ministères féminins. «Mais ce que nous devons toujours regarder, a expliqué le père Rush, c'est la capacité de réunir un consensus. S'il n'y a pas de consensus sur certaines questions, cela signifie que la discussion doit se poursuivre, mais pas nécessairement qu'elle est close pour toujours». Il a été rejoint par le père Vitali, qui a souligné que «l'assemblée synodale fournit des indications d'horizon, qui, précisément, s'expriment à travers le consensus », et a fait remarquer que «l'autorité et l'autorité du Synode doivent être distinguées du devoir de liberté de recherche des théologiens, qui peut peut-être conduire à un consensus à l'avenir»

Un document final compréhensible pour tous

Ce qui «est très clair et présent chez les pères et mères synodaux», a finalement rappelé Paolo Ruffini, préfet du dicastère pour la Communication et président de la Commission pour l'information: «c'est l'attention portée au langage: nous sommes tous conscients que nous sommes appelés à rédiger un document final, qui ne doit pas seulement être remis au Pape, mais qui doit être compréhensible pour tout le peuple de Dieu». Parlant de sa propre expérience, la théologienne Klára Antonia Csiszár a souligné l'importance de la théologie dans le Synode, ainsi que dans l'«échange de dons» entre les traditions et les expériences de l'Europe de l'Ouest et de l'Est. «Il est fondamental de toujours garder à l'esprit le sensus fidei, en cherchant à transformer la doctrine en pratique et en valorisant le rôle d'accompagnement et de défenseur de la dignité humaine que l'Église peut avoir envers le peuple de Dieu. À cet égard, Ormond Rush Rush, rappelant le Concile Vatican II, a réaffirmé que la révélation est un dialogue permanent entre Dieu et l'humanité», et que «les théologiens peuvent aider l'Église à poursuivre sa tradition vivante».

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16 octobre 2024, 18:26