Trente ans d'Evangelium vitae: l'intuition visionnaire du Pape Jean-Paul II

Dorota Abdelmoula-Viet – Cité du Vatican

«Saint Jean-Paul II avait prévu que les formes très graves d'atteinte à la vie des plus faibles n'étaient que l'expression d'une idée perverse de la liberté, qui transforme le délit en droit». C'est ce qu'a déclaré Gabriella Gambino, sous-secrétaire du dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie, en parlant de l'encyclique Evangelium vitae, pilier de l'enseignement de l'Église sur la sainteté de la vie humaine, qui célèbre ce 25 mars le trentième anniversaire de sa publication. «Le temps est venu pour l'Église de construire une véritable pastorale de la vie humaine», a-t-elle confié aux médias du Vatican. 

Professeure Gambino, comment l’encylique Evangelium vitae a-t-elle inspiré et continue-t-elle d'inspirer l'Église? Trente ans plus tard, constitue-t-elle toujours une référence?

Evangelium vitae est un pilier de l'enseignement chrétien sur la valeur inaliénable de toute vie humaine. Saint Jean-Paul II avait prévu que les formes très graves de violation de la vie des plus faibles, des petits, des fragiles, n'étaient que l'expression d'une idée perverse de la liberté, qui transforme le délit en droit, obscurcissant la capacité de l'homme à comprendre que la liberté est telle quand elle permet de prendre en charge la vie du frère ou de la sœur qui se trouve à ses côtés.

Ce n'est pas un hasard si l'encyclique s'ouvre sur la question de Dieu à Caïn: «Qu'as-tu fait?» ?

Aujourd'hui encore, cette question résonne dans le magistère actuel, d'Evangelii gaudium à Dignitas infinita: les formes très graves de violation de la vie humaine n'ont pas diminué, au contraire, et l'Église veut plus que jamais réaffirmer avec force la valeur de la vie et former les consciences à la compréhension de cette valeur, qui ne signifie pas seulement «ne pas tuer», mais aussi créer les conditions pour que chaque personne puisse atteindre la plénitude de vie à laquelle elle est appelée par l'amour de Dieu. C'est pourquoi Dignitas infinita actualise le message d'Evangelium vitae. Non seulement elle explique pourquoi la dignité humaine doit toujours être respectée, de la conception à la mort naturelle, mais elle a élargi son regard à des situations sociales dont il semble que nous ne soyons plus capables de voir qu'elles constituent des violations de la dignité de la personne. Je pense aux guerres ahurissantes qui nous entourent, aux nouvelles formes de pauvreté, au travail inhumain des migrants, à la violence contre les femmes et les enfants, aux abus sexuels, également à travers le monde numérique, qui dévastent et détruisent la vie de milliers de familles.

Rappelons-nous que la valeur de la vie n'est pas seulement une valeur catholique, mais une valeur laïque et universelle, qu'elle appartient à l'homme en tant que tel et que tout le monde peut la comprendre et la partager. Et elle est indisponible, c'est-à-dire que personne ne peut en disposer, pas même la personne qui le possède. Aujourd'hui, nous avons du mal à comprendre cela dans un monde plein de relativisme, qui se traduit par des lois souvent injustes qui créent la confusion quant à la question de savoir si toute vie humaine est vraiment toujours un bien. Et nous savons maintenant que cette confusion, d'une manière ou d'une autre, se manifeste dans toutes les cultures, dans toutes les parties du monde.

Existe-t-il des propositions et des moyens concrets par lesquels les Églises peuvent reproposer le message d'Evangelium vitae?

Certes, l’encyclique continue d'ouvrir une porte à l'espérance, dont nous avons besoin: la vie gagne, c'est ce que nous enseigne l'Évangile. Mais il faut former les consciences pour que les personnes puissent vraiment faire des «choix de vie». Aujourd'hui, l'avortement, l'euthanasie, la violence ou encore la culture du déchet génèrent d'énormes souffrances. C'est pourquoi il est temps d'essayer de construire une véritable pastorale de la vie humaine dans les diocèses et les paroisses, et de former les agents pastoraux, les éducateurs, les enseignants, les parents et les jeunes au respect de la vie. Nous ne devons pas imposer des normes, mais transmettre des valeurs, en sachant les argumenter dans leur vérité, mais aussi les montrer dans leur beauté bouleversante. Combien il est important que les jeunes d'aujourd'hui fassent l'expérience du service à la vie, du don de leur temps à ceux qui en ont besoin: c'est seulement ainsi qu'ils se sentent utiles, qu'ils découvrent un sens à leur vie et ensuite une vocation ou un appel à une profession qui devienne un service à la vie. Il faut aussi former les futurs prêtres, dans les séminaires et après, pour qu'ils sachent guider les jeunes et les familles vers la vérité et le bien. Cette formation manque aujourd'hui par rapport au besoin d'accompagnement qui existe dans le monde.

C'est pourquoi notre dicastère a publié lundi 24 mars, à la veille de l'anniversaire d'Evangelium vitae, un document pastoral intitulé La vita è sempre un bene (La vie est toujours un bien), avec des suggestions aux Églises particulières pour lancer des processus et construire, dans les conférences épiscopales et les diocèses où il existe des bureaux de la famille et de la vie, une pastorale de la vie humaine. Il y a des initiatives ici et là, mais elles sont souvent aléatoires et sporadiques. Il est nécessaire de créer des tables de travail permanentes afin de planifier un engagement concret et continu pour former les fidèles à la protection et à la promotion de la vie et de la dignité de la personne. Cet anniversaire, pour nous, l'Église, n'est pas seulement une occasion de célébration, mais doit être l'occasion d'une action ecclésiale décisive en faveur de la vie.

Comment le dicastère accompagnera-t-il les Églises dans la mise en œuvre de cette subvention et de la pastorale de la vie humaine?

Dans les prochains mois, nous lancerons des rencontres en ligne avec les bureaux de la famille et de la vie des conférences épiscopales du monde entier, afin de les accompagner dans le lancement de processus de planification et de structuration dans les diocèses d'une pastorale de la vie. Avec la méthode du discernement synodal, chacun pourra travailler à partir de sa propre réalité culturelle et sociale et identifier des priorités sur les thèmes, les méthodes de formation, l'action pastorale. C'est pourquoi le document que nous proposons, que l'on peut trouver sur le site du dicastère, n'approfondit pas les questions individuelles sur la vie, que le Magistère a amplement traitées, mais propose cette fois une méthode synodale de discernement pour que la «culture de la vie» devienne une préoccupation constante pour savoir toujours accueillir et accompagner la vie.

Ce travail n'est, entre autres, qu'une nouvelle mise en œuvre du Pacte mondial pour la famille, qui prévoit une collaboration entre les universités catholiques- qui disposent d'instituts de recherche et de formation sur la famille et la vie- et les diocèses, dans le but de former des laïcs en fonction des priorités et des besoins pastoraux des Églises particulières.