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Le Pape en RDC, un pasteur attendu par les Congolais

Prévu initialement en juillet 2022, le voyage apostolique du Pape en République Démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud aura finalement lieu du 31 janvier au 5 février 2023. C’est le 40ème voyage apostolique du Pape François hors d’Italie et le cinquième en Afrique, après avoir visité le Kenya, la Centrafrique et l’Ouganda en 2015; l’Égypte en 2017; le Maroc puis le Mozambique, l’Ile Maurice et Madagascar en 2019.

Stanislas Kambashi, SJ – Envoyé spécial à Kinshasa, RDC

Située au cœur de l’Afrique, la République Démocratique du Congo (RDC) est le deuxième plus grand pays du continent (2.345.000 km2), après l’Algérie. Elle compte neuf pays limitrophes: l’Angola, le Burundi, la République Centrafricaine, le Congo-Brazzaville, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud, la Tanzanie et la Zambie. Sa capitale, Kinshasa, où se passeront toutes les activités de la visite du Pape François, compte près de 15 millions d’habitants (selon des statistiques de 2022).

L’hôte de toute la Nation

Dans ce pays majoritairement chrétien avec une très forte présence catholique, le successeur de Pierre se rend en pasteur pour affermir les fidèles et leur apporter sa proximité. La RDC compte 48 diocèses, 6 provinces ecclésiastiques, 62 évêques. Selon les chiffres de l’Office central des statistiques de l'Église catholique, à la date du 31 décembre 2021, l’Église catholique comptait 1.637 paroisses, 4.216 prêtres diocésains, 1.946 prêtres religieux, 1.317 religieux non prêtres et 10.525 religieuses professes. L’Église de la RDC a donné aussi deux bienheureux: Anuarite Nengapeta, béatifiée par le Pape Jean-Paul II le 15 août 1985 à Kinshasa et Isidore Bakanja, béatifié par le même Souverain Pontife à Rome, le 24 avril 1994. Elle compte également un serviteur de Dieu dont la cause de béatification est en cours: l’ancien archevêque de Bukavu, Mgr Christophe Munzihirwa, SJ.

Si 49% des 100 millions de Congolais sont catholiques, la grande mobilisation et la ferveur observées dans le pays démontrent que le Pape ne sera pas seulement accueilli par les catholiques ou les chrétiens, mais aussi par les croyants d’autres religions. Les autorités de l’Église protestante et de la communauté musulmane ont appelé leurs fidèles à «réserver au Pape un accueil chaleureux». Ainsi, attendu par tous les Congolais, François sera l’hôte de toute la Nation congolaise, désireuse de réconciliation et de paix.

Auparavant, le pays avait déjà reçu deux fois la visite d’un Pape. Jean-Paul II s’y était rendu en 1980 et en 1985. Mais ce voyage apostolique de François bénéficie d’une attention bien plus étendue grâce au développement des technologies de l’information, en particulier des réseaux sociaux, mais aussi à cause du contexte sociopolitique du pays, meurtri en sa partie orientale.

Une visite pastorale qui honore les Congolais

Le thème de la visite papale rappelle à la fois l’enseignement récent du Pape et l’aspiration du peuple congolais: «Tous réconciliés en Jésus-Christ». La lettre encyclique de François Fratelli tutti sur la fraternité et l’amitié sociale, publiée en 2020, invite à un amour qui surmonte les barrières de la géographie et de l’espace. L’histoire de la RDC porte maintes initiatives de recherche d’unité et de cohésion. L’hymne national commence ainsi par dire: «Debout, Congolais, unis par le sort, unis par l’effort pour l’indépendance». L’unité dans la diversité des centaines d’ethnies regroupées par la colonisation et l’unité contre les tentatives extérieures de balkanisation, tel restera l’enjeu essentiel de tout mandat politique. La société civile et les Églises s’impliquent également dans la recherche de cette stabilité. Forte de sa présence sur toute l’étendue du pays, notamment dans les structures sociales, l’Église locale accorde une importance particulière au défi de son engagement prophétique en faveur des personnes et des couches sociales les plus démunies. L’Évangile annoncé est ainsi mis à l’épreuve comme message de joie et de paix, de défense des faibles et de promotion du bien commun.

Pour Mgr Marcel Utembi, archevêque de Kisangani et président de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), cette visite aura «une portée pastorale et sociale».  Comme dans tous ses voyages, le Pape va, en effet, d’abord en pasteur, en missionnaire de l’Évangile, en messager de la paix. Les Congolais veulent l’écouter, entendre de lui une parole d’encouragement et de consolation, surtout pour ceux qui sont dans les zones éprouvées.

Mais avant tout, le peuple congolais se sent honoré de recevoir un si grand hôte, en ce moment où le voyage fait déjà la une de plusieurs médias qui peuvent mettre entre parenthèses les affres des violences armées et leur cortège de conséquences néfastes. Même s’ils ne feront pas le déplacement de Kinshasa, seul site retenu pour cette visite, les Congolais vivant dans d’autres coins du pays ou dans la diaspora expriment également leur joie, malgré toutes les situations que vit la RDC.

Coopération État-Église

De nombreuses personnes ont constaté que les préparatifs de l’accueil du Pape se sont faits dans une grande collaboration entre l’Église et l’État congolais. L’implication des deux institutions et leur engagement l’une à côté de l’autre montre le degré de coopération qui existe dans certains domaines et qui peut être mise au service de l’amélioration de la situation des Congolais. Le voyage du Pape sera aussi l’occasion de raffermir l’Accord-cadre signé en 2016 au Vatican entre le Saint-Siège et l’État congolais avec des accords spécifiques notamment pour la santé et l’éducation, pour le plus grand bien du peuple.

En RDC, l’Église catholique est un acteur social majeur, et de ce fait, un grand partenaire de l’État congolais. Elle détient et gère 2.819 structures et centres caritatifs et sociaux, employant ainsi un bon nombre de personnes. Elle est en outre propriétaire de beaucoup d’institutions d’enseignement primaire, secondaire et universitaire. L’Église locale possède et/ou gère 18.671 structures éducatives. L’éducation catholique est parmi les plus appréciées. Dans le passé, la majeure partie de l’élite était formée dans des établissements catholiques, dans les séminaires notamment.

La sécurité, les minerais et le martyre de la région de l’Est

L’exploitation des ressources naturelles est la principale cause des guerres et des massacres dans l’Est du pays. L’accès aux terres et aux ressources constitue par ailleurs la motivation principale des conflits présentés sous la bannière ethnique. Au cours de son voyage, le Pape rencontrera quelques victimes des violences dans l’Est du pays. Beaucoup s’attendent à ce que François se prononce sur la situation de guerre de cette région.

L’une des grandes questions auxquelles est confrontée la République démocratique du Congo est, en effet, sécuritaire, surtout dans sa partie Est. Cette région est éprouvée par des violences à répétition semées par des groupes armées qui l’écument. Plusieurs milices y opèrent depuis les deux grandes guerres dont le pays a été le théâtre vers la fin du dernier millénaire. Elles sont responsables des tueries et des déplacements des populations. Parmi elles, le Mouvement du 23 Mars (M23), qui a pris le contrôle de plusieurs localités dans les territoires de Rutshuru, de Nyiragongo et de Masisi, dans la province du Nord-Kivu, est accusé par le Congo d’être soutenu par le Rwanda. Une agression confirmée par plusieurs rapports d’experts des Nations Unies, mais que Kigali dément systématiquement, invoquant sa sécurité intérieure. À cela s’ajoutent les multinationales qui, pour l’exploitation illégale des minerais, fournissent des armes à des bandes qui se constituent en groupes, pour se présenter plus tard en rebelles.

C’est notamment autour de ses nombreuses ressources minières que cette région de la RDC connaît des conflits interminables. Dans un pays considéré comme un scandale géologique, une bonne frange de la population vit dans une pauvreté scandaleuse. Au lieu de produire de la richesse, les minerais dont regorge le sous-sol congolais produisent du sang, des orphelins et toute sorte de misère dont la communauté internationale et les médias internationaux parlent peu.

Une année électorale 

C’est dans ce contexte qu’aura lieu la visite du Pape François, pèlerin d’espérance auprès d’un peuple qui souffre mais qui ne baisse pas les bras et garde sa ferveur; un peuple qui a résisté depuis sa création au spectre de la balkanisation, ravivée par des agressions répétées, et qui cherche à tracer une voie de sortie vers un mieux-être.

Le voyage du Pape ne manquera pas de susciter des controverses en cette année 2023, année électorale. Certains observateurs de la vie politique congolaise craignent que cette visite ne soit exploitée pour des finalités politiques, les élections générales étant prévues pour le mois de décembre de cette année.

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30 janvier 2023, 12:25