Tchad: face à la violence, l'Église interpelle le président de transition

Pierre Dalin Domerson – Cité du Vatican

«Au-delà de l'euphorie qui a marqué la dédicace de la cathédrale Notre-Dame de la Paix de N'Djamena», les évêques ont exprimé leur inquiétude face à la situation globale du pays et ont interpellé le président de la transition, le général Mahamat Deby Itno.

Une profonde analyse de la situation nationale

Le message des évêques, mêlant préoccupation et espoir, soulève des problèmes alarmants au Tchad. Leurs paroles, faisant écho au prophète Jérémie, dépeignent un tableau où la souffrance et les défis socio-économiques se multiplient, deviennent persistants et plus structurels, menaçant ainsi la stabilité du pays. «Si je sors dans la campagne, voici les victimes de l'épée». Ils regrettent que les cas de torture, de meurtres, d'enlèvements et de destructions de biens soient devenus monnaie courante pour la population. Pour eux, ce ne sont plus des incidents isolés, mais des symptômes d'une crise profonde. «C’est le reflet d'une gouvernance défaillante, et d'un état d'esprit qu'il est urgent de changer pour éviter de ternir davantage la réputation du Tchad» ont-ils affirmé. Par ailleurs, les évêques ont mis en garde contre toute tentative de justification des tueries d’octobre 2022 sous prétexte d’insurrection. «Les femmes qui sont en train d'être massacrées dans le Logone oriental, sont-elles aussi des insurgés et des rebelles», se sont-ils-demandés.

La violence n'est pas la seule préoccupation des évêques. La CET souligne également les difficultés économiques du pays, notamment la pénurie de produits de première nécessité et de produits pétroliers. Cette situation est jugée inacceptable par les évêques, d'autant plus pour un pays producteur de pétrole.

Proximité de Dieu et responsabilité des autorités

Face à cette tragique situation, les évêques ont exprimé leur proximité avec la population. «Nous voulons en tant que Pasteurs de l'Eglise catholique rappeler que Dieu est attentif aux cris du pauvre, de la veuve et de l’orphelin». Ils ont exhorté les autorités à agir pour le bien de leur peuple. «Le sang et les larmes des Tchadiens a assez coulé et il faut que cela s'arrête. Et le gouvernement doit agir en toute impartialité et au nom du droit, s'il ne veut pas être accusé d'en être l'auteur et d'utiliser la terreur comme moyen pour gouverner, se maintenir au pouvoir ou le conserver».

Ils ont rappelé que «la pratique de la justice, la recherche de la paix, de la sécurité et du bien-être pour tous, en combattant le népotisme, la corruption et l'exclusion, sont le seul chemin vers la refondation du Tchad». Les évêques ont aussi exhorté tous les acteurs de la société tchadienne à un «engagement collectif en faveur d'un Tchad plus prospère, plus équitable et en paix», tout en appelant les fidèles catholiques à des postes de responsabilité à «sortir de leur silence et à agir pour une transition juste et pacifique».

Par ailleurs, ils ont fait part de leurs inquiétudes concernant le prochain référendum. Selon eux, la composition actuelle du Conseil national pour le référendum et les élections communales (CONOREC) manque de crédibilité et pourrait être un autre outil pour perpétuer les stratégies actuelles basées sur la paupérisation et la terreur du peuple.

Une invitation à espérer contre toute espérance

Dans ce mémorandum, les évêques invitent le peuple tchadien à l’espérance, rappelant que les larmes des Tchadiens sont entendues et que Dieu leur rendra justice. «Les défis bien que profonds et urgents, ne sont pas insurmontables» ont-ils affirmé. «La victoire de la vie sur la mort nous en donne l'assurance».

Soulignant l'importance du courage, de la patience, du respect des droits des citoyens, quelle que soit leur origine, leur culture ou leur religion, les évêques ont invoqué l'intercession de Notre Dame de la Paix, pour une prise de conscience collective en vue de bâtir un Tchad qui offre sécurité, justice et prospérité à tous ses citoyens.