Triduum Pascal à Jérusalem: «osons faire l’expérience de la mort et la Résurrection»
Entretien réalisé par Delphine Allaire et Manuella Affejee - Cité du Vatican
C'est une Semaine Sainte bien particulière qui débute. Les principales cérémonies du Triduum se tiendront dans la co-cathédrale du patriarcat latin. Et les fidèles ne pourront célébrer les mystères de la Passion et de la Résurrection sur les lieux mêmes où ils sont advenus. Cela est-il déjà arrivé dans l'Histoire récente? Quelle signification spirituelle donner à tout cela?
J’ai 35 ans, j’ai connu deux Intifadas, la guerre du Golfe, et la période du terrorisme de Daech, et jamais une situation pareille, à ma connaissance, ne s’est produite; jamais la prière dans les Lieux saints n’a été mise en question; jamais les paroisses n’ont été ainsi obligées d’arrêter les célébrations, surtout la sainte Messe, l’Eucharistie, qui est le cœur de la vie chrétienne.
Spirituellement, on est appelé, au moins par les circonstances qui s’imposent, à cheminer, à être créatif, à être capable de discerner l’essentiel, pour maintenir le seul nécessaire: être présent au Seigneur et entrer en relation avec Lui. On pourrait donc transformer ces situations de manque en occasions de liberté, en nous recentrant sur l’essentiel, exactement comme on peut le faire durant une retraite spirituelle par exemple.
Vous-même, comment vivez-vous cette période si particulière? Le fait de célébrer sans la participation physique des fidèles? Cela vous donne-t-il l'occasion de réfléchir au sens de votre prière et de votre ministère, de l'appréhender de manière nouvelle?
Je ne suis pas encore prêtre, mais diacre; je me prépare pour mon ordination cet été. Ce confinement m’aide à l’intériorisation. Je lis beaucoup, je prie, je réfléchis, je suis les nouvelles et je médite sur la situation de notre monde, de notre humanité, vers qui je suis envoyé. Je découvre, comme une personne dont la vocation est essentiellement orientée vers le service de Dieu et des hommes, que sans les fidèles, ma vocation, mon appel n’a pas de sens. On est prêtre de Dieu, pour les hommes. Je sens que ce temps devrait être transitoire, pensé comme une préparation à la mission ordinaire que nous retrouverons tôt ou tard.
Quels sont les témoignages des fidèles de Terre Sainte que vous recevez? Comment vivent-ils ce temps d'épreuve?
Les témoignages et les réactions sont divers. Certains ont peur, d’autres montrent un courage vraiment exemplaire. Il est vrai que la situation économique en général est très préoccupante pour beaucoup de familles qui commencent à s’interroger sur l’avenir et sur la durée de cette situation dramatique. Ceux qui dépendent du tourisme et des pèlerinages pour vivre sont peut-être les plus atteints, et probablement pour une période qui va durer un peu. L’Église est présente, elle aide, mais elle ne peut pas aider tout le monde. Un discernement au cas par cas est nécessaire.
Quels conseils donneriez-vous (et à travers vous, le patriarcat latin) aux fidèles qui vivront le Triduum et Pâques de chez eux?
En tant que membre de cette Église locale, j’encourage les fidèles à faire une expérience profonde d’intériorisation. Nous avons la chance cette année – malgré la situation dramatique- de nous recentrer sur l’essentiel, sur l’unique nécessaire. Osons faire l’expérience de la vie intérieure.
Pour finir, quel est le message, l'appel que vous souhaiteriez lancer depuis Jérusalem, ville de la mort et de la Résurrection du Christ?
C’est un message d’Évangile, c’est-à-dire de Bonne Nouvelle. Depuis le tombeau vide, Dieu se révèle Amour ; par sa fidélité, il a vraiment vaincu la mort et notre présence ici -comme chrétiens de Terre Sainte- nos lieux saints mêmes, en témoignent. Osons faire l’expérience de la mort et de la résurrection, osons changer radicalement nos vies mortelles en vies éternelles. Acceptons comme le Christ sur la Croix d’être dénudé, privé pour un temps du contingent, pour retrouver l’essentiel, qui est la Vie même.
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