Entre cohérence et confiance, Charles de Foucauld vu par le père Ardura
Entretien réalisé par Hélène Destombes – Cité du Vatican
Par le décret du 26 mai 2020 de la congrégation pour les Causes des Saints, le Pape François a autorisé la canonisation du bienheureux père Charles de Foucauld, béatifié le 13 novembre 2005 par Benoît XVI.
Ce futur saint de l'Église catholique, fêté le 1er décembre, est connu pour avoir mené une vie d'ermite au milieu des Touaregs dans le Sahara au début du XXe siècle, témoignant l'Évangile au coeur de populations musulmanes, dans un environnement hostile et particulièrement exigeant.
Cette figure qui dépasse de loin les frontières de l'Église, dont l'action s'inscrit aussi dans le contexte politique de son époque, celle de la colonisation française de l'Afrique du Nord et d'une grande partie du Sahara, est riche de significations tant sur plan de la spiritualité, du dialogue avec l'islam, de la mission évangélisatrice de l'Église et de la quête personnelle de Dieu.
Le père Bernard Ardura, président du comité pontifical des Sciences historiques, postulateur de la cause en canonisation de Charles de Foucauld revient sur le sens de cette annonce :
«C’est un événement très important pour la vie de l’Église en Algérie. Ne l’oublions pas, les chrétiens présents en Algérie sont une infime minorité, mais c’est une Église composée d’étrangers qui est extrêmement vivante et qui vit en quelque sorte les conditions même qu’a vécues Charles de Foucauld, non pas en prêchant dans les rues mais en donnant le témoignage de ce que signifie être chrétien, être disciples du Christ, être des missionnaires de son amour. Alors je crois que c’est un événement très important pour l’Église universelle.
En tout cas, en ce qui concerne l’Algérie, quand on reparcourt l’histoire de l’évangélisation de ce pays -l’envoi des missionnaires- on se rend compte qu’il s’agit ici et maintenant de semer par le témoignage de l’amour. Et puis, c’est le Seigneur qui fera croître cette moisson avec l’espérance qu’un jour cette Église de l’Algérie soit encore plus fleurissante qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Lors de la messe célébrée en décembre 2016 à l’occasion du centenaire de l’assassinat de Charles de Foucauld, le Pape François avait salué son témoignage «qui a fait du bien à l’Église». Comment définir l’apport de Charles de Foucauld à l’Église universelle ?
D’abord, je dirai que Charles de Foucauld est un homme qu’on prend sérieux, et on prend son message au sérieux parce qu’il a vécu, au jour le jour, le contenu même de sa foi. Il ne s’est pas perdu dans d’innombrables paroles, bien qu’il ait beaucoup écrit. Il a été le porteur d’une grande cohérence de vie. C’est un thème que l’on retrouve beaucoup chez le Pape François : cohérence entre ce que l’on croit, ce que l’on professe et ce que l’on vit.
Et puis, Charles de Foucauld, à une époque où on ne parlait pas d’œcuménisme et encore moins de dialogue interreligieux, sans avoir à parler sur le plan théologique avec ceux qui ne partageaient pas sa foi, a été un interlocuteur qui a été l’homme de la charité. C’est bien cela, Charles de Foucauld frère universel.
La vie de Charles de Foucauld a été marquée par l’altérité, par de nombreuses résistances. Qu’a-t-on à apprendre de son charisme missionnaire radical ?
Charles de Foucauld nous enseigne qu’il ne faut pas nous attendre à avoir des résultats immédiats. De fait, il n’a baptisé personne. Mais Charles de Foucauld a vécu de cette vertu d’espérance très proche la foi, qui est cette confiance dans l’action de Dieu dans les âmes. Charles de Foucauld a su reconnaître cette action de Dieu et c’est ce qui lui a permis, sans se lasser, de continuer à être présent. Il nous rappelle aussi que c’est notre façon d’être qui est fondamentale dans le témoignage de notre foi et dans le témoignage missionnaire qui devrait être le nôtre.
Des différentes intuitions spirituelles de Charles de Foucauld, quelles est celle qui aujourd’hui décrit le mieux son charisme ?
Ce qui est le plus général et qui ne vieillit pas chez Charles de Foucauld, c’est cette rencontre du Christ dans l’écriture et dans l’eucharistie. Pour lui, la présence du Christ est centrale et donc c’est une invitation à nous qui venons d’être privés de la célébration de l’eucharistie pendant plusieurs mois, de recentrer toute notre vie sur cette rencontre du Christ dans l’Évangile et dans l’eucharistie. C’est un élément qui ne peut pas vieillir, qui fait partie de l’essence de notre vie chrétienne et qui était au cœur de la vie de Charles de Foucauld.
Pauvreté, pénitence mais aussi enfouissement ont caractérisé la vie de Charles de Foucauld. En cette période d’isolement liée à la pandémie, de quelle manière Charles de Foucauld peut-il nous aider à traverser cette épreuve ?
Charles de Foucauld a vécu cela lui-même dans son désert. Il est resté très longtemps sans pouvoir célébrer la messe et l’eucharistie. Alors je crois qu’en ce temps qui est le nôtre, il est très important de nous confier à l’intercession de ceux qui, comme Charles de Foucauld, ont été les témoins de cette présence du Christ et qui ont vécu réellement de cette présence, qui se sont nourris de l’eucharistie et de la médiation de l’Évangile.
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