Avent: «les chrétiens sont appelés à être des veilleurs et des éveilleurs»
Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican
Les chrétiens, durant ces prochaines semaines qui préparent à la célébration de Noël, sont invités à «rester éveillés», répondant à l’appel du Christ. Cette année, la préparation intérieure à la rencontre avec le Seigneur va se dérouler dans un contexte très particulier de pandémie de coronavirus. La crise sanitaire s’accompagne de nombreuses souffrances et de solitudes. Elle met également en lumière notre vulnérabilité et les limites de nos sociétés.
Dans ce sombre climat, apparaissent toutefois des lueurs d’espérance qui se révèlent à la faveur de gestes de solidarité et de fraternité. Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise (Val-d’Oise), en France, les décrit dans un ouvrage intitulé Vivre et espérer, aux Editions Salvator. Il propose de vivre cette période en redoublant d’attention les uns vis-à-vis des autres rappelant que «l’Avent est un temps privilégié pour vivre le soin». Il s’agit pour les communautés chrétiennes de «rendre compte, au cœur de la nuit, de la force de la foi».
Nous entrons dans le temps de l’Avent. Il y a une situation tragique, et en même temps, je suis témoin de gestes de solidarité, de proximité, d’attention les uns aux autres. Je trouve d’ailleurs qu’avec le port du masque, le regard prend encore plus d’intensité, et en réfléchissant sur ces regards, je me suis dit que les regards du Christ dans l’Évangile sont des regards qui espèrent, qui encouragent, qui relèvent, qui permettent de sortir de l’enfermement, d’être pardonnés… Peut-être que la veille, durant le temps de l’Avent, consiste à porter ce même regard que le Christ porte sur chacun. Cette espérance n’est pas seulement de l’espoir – «demain sera meilleur» -, elle est fondée sur le mystère de la mort et de la résurrection du Christ. On a déjà de petites lueurs dans la nuit, et peut-être que les chrétiens portent cette flamme en eux, et ils sont appelés à être des veilleurs et des éveilleurs. Nous sommes attendus comme chrétiens dans cette situation difficile.
Pour le Pape François, il n’y a pas d’autre voie que la solidarité, la fraternité. Cette année plus encore que les précédentes, ce temps de l’Avent nous invite à un profond changement intérieur, à prendre soin des autres, à mettre sa confiance dans les liens plutôt que dans les biens.
Le Pape François nous montre la voie. La charité, c’est le cœur de Dieu. La charité dit qui est Dieu. Nous sommes appelés dans notre réponse à l’appel du Christ à vivre cette charité. Je trouve que cette période terrible de pandémie, avec tous les dégâts qu’elle entraîne, est en même temps une occasion privilégiée de prendre soin des autres. Je suis admiratif de ce que font par exemple les aumôniers dans les hôpitaux, qui sont dans une situation impossible, les soignants, tout un ensemble de personnes qui se mettent au service des autres, et en particulier des personnes les plus fragiles. Je pense aussi à l’aumônerie étudiante, grâce à laquelle des jeunes vont rencontrer des personnes âgées. Il y a plein de gestes de solidarité qui disent le cœur de Dieu, qui disent le cœur de l’Évangile. Cette période de l’Avent est un temps privilégié pour vivre ce soin des autres, cette charité.
Prendre soin des autres, établir des liens… La prière, en particulier celle d’intercession, peut être une manière de se faire proche des plus vulnérables, notamment?
La prière d’intercession est essentielle, et la prière personnelle est vitale. J’ai invité tous les prêtres et tous les curés des paroisses de mon diocèse à maintenir les églises ouvertes. On n’a pas pu célébrer l’Eucharistie mais les églises sont ouvertes. Il faut inviter les chrétiens à passer un moment à l’église. Cette prière d’intercession est aussi une manière de prendre soin des autres, de les confier au Seigneur. Parfois, des personnes disent: «Je ne sais pas comment prier»…Tout simplement en nommant, en confiant au Seigneur des prénoms, des personnes qui nous sont chères, qui sont seules. On se fait proche non seulement physiquement mais spirituellement. De fait, peut-être que ce temps de confinement est un temps privilégié pour découvrir le chemin de la prière personnelle, de la prière de contemplation, mais aussi de la prière d’intercession: «Seigneur, je te les confie tout simplement, prends soin d’eux».
Dans quelle force spirituelle puiser dans les moments les plus difficiles, pour faire face à la période actuelle, et entrer avec joie et sérénité dans ce temps de l’Avent?
On a eu beaucoup de débats sur le manque d’Eucharistie: de fait, c’est un manque et une souffrance, et en même temps, ce manque et cette souffrance nous obligent à réfléchir… qu’est-ce qui est essentiel dans ma vie? L’Eucharistie est essentielle, c’est la source et le sommet de la vie du chrétien, de la vie de l’Église. Et en même temps, nous sommes appelés à une vie eucharistique, c’est-à-dire que nous avons à puiser dans la parole de Dieu: je suis frappé par un certain nombre de familles qui ont mis en place des liturgies domestiques. En ce moment, si l'on regarde bien, il y a plein de clins d’œil de Dieu dans ce que nous vivons.
J’aime la première lettre de saint Pierre, car je crois que c’est vraiment une lettre d’espérance. Pierre dit: «Sachez rendre compte de la foi qui est en vous, mais faites-le avec douceur et respect». Je pense que cela peut être la boussole pour chaque disciple du Christ, pour nos communautés chrétiennes, rendre compte au cœur même des difficultés, au cœur même de la nuit, de cette force, et l’Esprit Saint est à l’œuvre.
Quelles sont les figures de la foi qui peuvent nous accompagner durant cette période?
Il a une figure que j’aime beaucoup, c’est celle d’Abraham. Il avait foi dans le Seigneur, et en même temps il ne savait pas très bien jusqu’où cela allait le conduire. Cela dit quelque chose de l’aventure de la foi. Cette figure d’Abraham, qui est notre ancêtre dans la foi, peut aussi éclairer le chemin de chacun et appeler peut-être à vivre l’Église autrement. L’Église est bien fondée sur la foi des apôtres, qui sont la colonne de l’Église, l’Église est bien la même, et en même temps, peut-être que le confinement va nous inviter - et il nous invite déjà - à vivre l’Église autrement, avec des propositions plus modestes… Quand les propositions sont plus modestes, les pauvres peuvent avoir davantage leur place ou des responsabilités. On a donc à inventer d’autres manières d’être en Église et d’être chrétiens dans le monde, dans notre quartier, dans notre village, et je trouve que la figure d’Abraham est une belle figure pour chaque chrétien.
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