Charles de Foucauld, «un saint de notre temps»
Entretien réalisé par Olivier Bonnel - Cité du Vatican
Le père Vincent Feroldi, directeur du Service National pour les Relations avec les Musulmans au sein de la Conférence des évêques de France, revient sur la figure de Charles de Foucauld et sur son importance pour l’Église de France et la communauté musulmane. Entretien.
Quels sentiments vous inspire la canonisation de Charles de Foucauld ?
Père Vincent Feroldi : La future canonisation de Charles de Foucauld est pour l’Église de France une grande joie, nous l’attendions depuis qu’il avait été déclaré bienheureux, et nous savions que la canonisation viendrait ensuite. C’est une grande joie car Charles de Foucauld est de France, né dans le Grand Est, ordonné prêtre à Viviers en Ardèche, avant de mener son beau et grand ministère en Algérie. Il est donc pour nous aujourd’hui une figure, et cette canonisation va être l’occasion pour nous tous de découvrir ou redécouvrir, d’approfondir la personne qu’est Charles de Foucauld, et qui me semble vraiment être un saint pour notre temps. En regardant toute sa vie et ce qu’il a fait avec d’autres, cela représente pour nous un vrai chemin pour la mission d'aujourd'hui.
Pourquoi Charles de Foucauld est-il un saint de notre temps ?
C’est un vrai témoin de la fraternité, mais il lui a fallu du temps pour découvrir profondément ce que le Seigneur attendait de lui, c’est cela qui est très intéressant. Cette béatification va nous permettre de regarder toute la vie de Charles de Foucauld.
Il a été pleinement homme, mais dans une diversité, c’est également quelqu’un de passionné. Il a d’abord été militaire, puis explorateur, en particulier au Maroc, il a été dans une quête continue du sens de sa vie et du Seigneur. C’est dans cette globalité qu’il va découvrir peu à peu ce qu'attend de lui le Seigneur. Il a voulu vivre la fraternité, il était porteur de civilisation, de ce qu'était pour lui la vérité, c'est-à-dire la rencontre du Christ, et puis dans ses échecs… Je pense en particulier à 1908: il tombe très gravement malade et il découvre que finalement, lui qui était venu pour apporter le Christ aux Touaregs, ce sont les Touaregs qui vont lui apporter la vie, puisque ce sont les soins des Touaregs qui l’ont sauvé du scorbut, et il va tout à coup comprendre que le temps de Dieu ce n’est pas le temps des hommes, et ce que le Seigneur lui demande c’est finalement, «à chacun son métier», à Dieu par l’Esprit de parler au coeur de l’homme, et à lui frère Charles de vivre au quotidien cette fraternité avec ceux et celles qui sont autour de lui, donc avant tout le peuple touareg.
Au-delà de la dimension interreligieuse, la dimension missionnaire est donc très forte, que reste-t-il aujourd’hui de Charles de Foucauld ?
Cette dimension missionnaire est justement pour nous une véritable interpellation pour comprendre ce que nous mettons derrière le mot «mission». Frère Charles au départ est porteur de ce Jésus-Christ. Il faut savoir qu’il n’a cessé d’avoir avec lui l’ostensoir, et la dimension eucharistique était pour lui ô combien importante. Il était, j’ai envie de dire, porteur de Christ. Peu à peu il va comprendre que sa mission, c’est avant tout de vivre la fraternité avec ceux et celles qui sont autour de soi, témoigner de sa joie dans le quotidien. Nous voyons que durant la fin de sa vie, c’est avant tout la figure du linguiste qui ressort, qui va recueillir la culture de l’autre, recueillir les textes, les poèmes, les chants touaregs. Et au cœur de cela, au cœur de cette attention à ceux qui sont autour de lui, il va être finalement présence d’Évangile. Cette mission dont il témoigne, c’est être porteur du Christ, porteur d’une bonne nouvelle, dans un quotidien partagé, et surtout, laisser la place à l’Esprit du Christ de faire son travail dans le cœur de chaque homme. Charles n’était pas là pour indiquer la route, mais pour permettre à chacun de rencontrer Jésus, pas nécessairement de la manière dont lui au départ l’avait imaginé, mais dans la manière dont Dieu lui seul le sait, quel est le chemin qui est bon pour chacun.
Vous êtes directeur du Service National pour les Relations avec les Musulmans au sein de la Conférence des évêques de France, que signifie cette canonisation aujourd’hui pour les Musulmans ?
Pour les musulmans, frère Charles est un marabout, un homme de Dieu, donc ils se réjouissent de voir la mise en valeur de cet homme. Ils vont finalement comme nous, avoir à découvrir qui est Charles de Foucauld, car pour beaucoup d’entre nous, c’est celui qui a vécu à l’Assekrem. Mais Charles de Foucauld, c’est l’itinéraire d’un homme dans sa complexité, et qui peu à peu, dans son désir de rencontrer Dieu, va le rencontrer, va le contempler, va l’adorer, et qui va ensuite inviter à vivre la fraternité et l’amour. Pour les musulmans de France, cela va être l’occasion de découvrir comment un chrétien en pays musulman peut vivre non seulement la rencontre avec l’autre, mais la rencontre avec Dieu dans ce qui est le chemin que Dieu a voulu pour lui.
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