À Notre-Dame d'Afrique, la piété mariale unit les Algériens
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Le marathon de prière du Saint-Père fait étape mercredi 12 mai en Algérie, où la petite Église locale, minoritaire dans ce pays musulman, offre un témoignage de paix et fraternité tout particulier, dans le sillage des martyrs d’Algérie. Mais aussi, au regard de l’importance du culte marial dans le pays, où la figure de Marie sert de pont entre chrétiens et musulmans. Entretien avec Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger.
Pourquoi cette intention de prière «pour les personnes seules qui ont perdu l’espérance»?
Le manque d’espérance touche beaucoup de personnes dans notre monde, bien au-delà des gens malades. Comme si l’horizon semblait noir, l’on sent de l’inquiétude pour l’avenir. Mais nous sommes sûrs que Marie est attentive à venir aider ses enfants, parce qu’elle est pleine d’Esprit Saint. Par sa présence et sa proximité, Marie travaille à l’intérieur des cœurs. Elle vient par intuition et nous envoie des frères et sœurs qui viennent nous visiter, nous téléphonent. Il suffit d’un sourire, de discuter, de rencontrer quelqu’un que l’on n’avait pas vu depuis longtemps, pour que tout d’un coup, tout reparte. D’où cela vient-il? De Marie. Elle est là.
En Algérie, Notre-Dame d’Afrique a un rôle très important. Tous les jours, des Algériens et Algériennes, musulmans et musulmanes viennent visiter, se recueillir, porter un lumignon à la Vierge Marie. Et la Vierge donne des grâces à tous, sans distinction.
Si vous visitez la basilique, vous remarquerez derrière l’autel des petits poupons et des nounours, déposées par des mères venues demander la grâce d’avoir un enfant, et qui l’ont obtenue. Les grâces sont données quotidiennement par Marie, à chacun de ses enfants, chrétiens, musulmans, chercheurs de sens ou personnes qui se posent des questions.
Comment, depuis Alger, regardez-vous ce marathon de prière lancé par le Pape, et qui réunit les sanctuaires du monde entier?
Nous nous sentons à l’unisson de ce monde priant, joyeux d’avoir été choisi, associé à cette initiative. Notre monde est petit, c’est l’un des aspects de la pandémie. À travers ce drame, nous sommes un grand village, un "hôpital de campagne", comme dit le Pape. Nous ne nous en sortirons pas seuls. L’unité prévaut. Les politiques ont besoin de sentir que ce monde n’est pas un lieu pour se déchirer, mais pour trouver ensemble des chemins de fraternité. Pourquoi? Car nous avons un Père, le Créateur, mais nous avons aussi une même mère.
Dans quelle mesure le témoignage des chrétiens d’Afrique du Nord peut-il aider à retrouver l’espérance?
Nous n’avons pas de grande prétention, car nous sommes une petite Église, minoritaire, assez largement étrangère – même s'il existe un petit noyau d’Algériens chrétiens. Cette Église témoigne de l’amour de Dieu pour tous. Nous venons de fêter le 8 mai nos 19 martyrs, le bienheureux Christian de Chergé disait: «Le Christ a tellement aimé l’Algérie qu’il a donné sa vie pour elle, et les nôtres à sa suite». Notre Église est là pour donner sa vie pour ce peuple. Cela se produit dans le quotidien et l’ordinaire, souvent lieux de belles surprises, de rencontres et d’amitié.
Selon vous, cette prière du chapelet récitée depuis les hauteurs d’Alger résonnera-t-elle aussi pour toute la Méditerranée?
Pour la Méditerranée et l’Afrique. N’oublions que c’est à partir de Notre-Dame d’Afrique qu’a été fondé l’ordre des pères blancs et des sœurs blanches, missionnaires qui sont allés porter la Bonne Nouvelle dans de nombreux pays africains, qui ont fondé des églises. Cette prière est donc pour toute l’Afrique, mais aussi, de fait, pour le pourtour méditerranéen. Nous sommes très proches de nos frères et sœurs de France, d’Italie, d’Espagne, de Malte, de Grèce. En ce moment, nous sommes inquiets pour Israël et la Palestine, cela nous touche beaucoup. Il faut réfléchir à faire de cette Méditerranée une mer de paix et de fraternité. Notre petite Église y prend sa part, d’autant plus qu’elle est très universelle.
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