Il y a 8 ans… La disparition du père Paolo Dall’Oglio en Syrie
Andrea De Angelis - Città del Vaticano
Riccardo Cristiano, journaliste, vaticaniste et fondateur de l'Association des journalistes amis du père Dall'Oglio, a longtemps été correspondant au Moyen-Orient. Il évoque la figure du Père Paolo avec nous et souligne comment sa capacité d'écoute l'a rendu vraiment proche du peuple syrien.
Au centre de la Source d'Ismaël (centre qui accueille des enfants mineurs, ndlr), vous parlerez du Père Paolo aux mineurs non accompagnés. Pourquoi est-il important de faire connaître sa figure aux jeunes ?
Je crois qu'il est important de parler de lui aux jeunes et à tout le monde en général. Il est particulièrement important pour les jeunes car le père Paolo était convaincu qu'il fallait construire une théologie interreligieuse au nom de sa foi. Il l'a construit à partir de la figure d'Ismaël, qui dans l'Islam est le fils d'Abraham, d'abord amené au sacrifice, puis qui ne l'est plus. Ismaël est expulsé de sa famille avec sa mère et entreprend un voyage dans le désert. Abraham voit dans les larmes de sa mère, qui ne trouve pas d'eau dans le désert pour étancher la soif de son fils, les mêmes larmes que Marie a versées sous la croix. Dans les pleurs d'Ismaël, il voit des pleurs évangéliques et cette histoire lui fait comprendre comment, puisqu'il y a un pacte au nom de l'élection, un pacte avec Dieu, il y a aussi un pacte au nom de la marginalisation. Au nom de l'exclusion. Les marginaux, les exclus sont les élus de Dieu et le symbole de ce pacte, de cette élection est précisément la figure du petit Ismaël. Une histoire qui nous fait comprendre ce que signifie trouver la clé pour présenter, même avec une pensée évangélique, ce qui n'est pas évangélique. Dans l'espoir de comprendre ensemble le mystère, son propre chemin, son propre sens dans le plan global de Dieu.
En écoutant vos paroles, je pense à la manière dont le père Paolo aurait promu, parlé, fait connaître l'encyclique Fratelli tutti. Avez-vous aussi pensé à cela parfois ?
J'y ai pensé de nombreuses fois et je dois dire que cette pensée m'accompagne très souvent, chaque fois que j'entends parler de la fraternité. J'aime souligner comment le père Paolo a consacré tant de temps à la fraternité. A ceux qui lui demandaient de convertir les musulmans, en tant que missionnaire dans ce qu'on appelle la Terre d'Islam, il répondait qu'en réalité il ne ressentait pas tant ce désir, que celui de se convertir à l'œuvre de Dieu dans chaque âme humaine. Nous avons besoin d'un nouveau prophétisme dans le dialogue, dans une expérience toujours nouvelle de l'action de l'Esprit de Dieu. Je pense que l'hospitalité est la marque de toutes les cultures religieuses du Moyen-Orient, et je la ressens dans la fraternité du Pape François. Je le trouve dans l'encyclique.
Pourquoi tant de témoins ont-ils dit, et répètent encore aujourd'hui, que le père Dall’Oglio était un ami du peuple syrien ?
Pour répondre à cette question, je veux partir de ce qu'il a écrit sur la mondialisation, à savoir qu'elle a fait beaucoup de mal aux Syriens. Aux musulmans et aux Syriens chrétiens. La raison en est l'arrivée de la télévision, où les femmes chrétiennes, par exemple, ont vu les images d'autres femmes chrétiennes de différents pays qui s'habillent différemment d'elles. Il en va de même pour les femmes musulmanes. Ils ont ainsi changé leur façon de s'habiller, par un processus qui est l'assimilation d'un modèle. Cette assimilation a commencé à faire perdre aux gens leur spécificité, qui consistait à s'habiller d'un voile léger, différent des autres ou complètement absent. Un voile de couleur, reposant sur les cheveux, qui indiquait le sentiment commun de leur peuple. C'est un exemple de la manière dont la tradition n'est pas quelque chose de littéraliste ou de procédural, mais une appartenance à une manière d'être que d'autres appartenances imposées peuvent modifier, conduisant à un choc qui était au contraire une culture commune. C'est pourquoi il était l'ami de tous les Syriens.
Comment la Syrie a-t-elle changé au cours de ces huit années ?
Je ne veux pas voir tout ce qui est négatif, la mort et la disparition de milliers et de milliers d'êtres humains. Des personnes dont, comme le père Paolo, on ne sait plus rien. Des choses terribles se sont produites, des armes chimiques aux expulsions, des bombardements aux violations des droits de l'homme. Mais il s'est aussi passé autre chose, et c'est le fil conducteur auquel je m'accroche en pensant au père Paolo et à ces amis qui vivent en Syrie, comme nous le ferions si nous étions nés là-bas. Je crois qu'aujourd'hui le mur de la peur est tombé. Lorsque ce mur tombe, il ne peut être reconstruit. Je ne sais pas comment nous arriverons à marcher après la chute de ce mur, mais ce fait est encore sous-estimé à mon avis.
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