Abus sexuels dans l’Église: de premiers chiffres dévoilés sur le rapport Sauvé
Vatican News (Avec AFP)
Entre 2 900 et 3 200 pédocriminels dans l'Église en 70 ans en France: c'est l'un des premiers constats de la Commission indépendante sur la pédocriminalité dans l'Église catholique, qui rendra mardi un verdict inédit et attendu contenu dans un rapport de 2500 pages, a expliqué à l’AFP Jean-Marc Sauvé, président de la Ciase. Les abuseurs sont des prêtres et religieux, et leur nombre est une «estimation minimale», indique M.Sauvé.
Ce rapport sera publiquement remis à la Conférence des évêques de France (CEF) et à la Conférence des religieuses et religieux des instituts et congrégations (Corref), qui l’avaient commandé en 2018. Cela se déroulera au cours d'une conférence de presse qui sera diffusée en direct sur le site de la Corref, ainsi que sur la chaîne de télévision KTO, à partir de 9h00 - heure française. Vatican News assurera tout au long de la journée la couverture de cet évènement, par des analyses et des témoignages, diffusés sur le site internet et dans les journaux.
Se préparer à un «moment rude et grave»
Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le président de la CEF, a dit craindre que le rapport «ne rende des chiffres considérables, effrayants», lors d'une réunion avec des paroissiens de son diocèse.
Sa publication «va être une épreuve de vérité et un moment rude et grave», peut-on aussi lire sur le message diffusé par l'épiscopat en direction des prêtres et des paroisses pour les messes du week-end. Un message qui appelle «à une attitude de vérité et de compassion». Une intention de prière universelle spéciale a également été proposée par la Conférence épiscopale pour ce dimanche.
«Cela va être une déflagration», assure de son côté à l'AFP un membre de la Ciase, sous couvert d'anonymat. «Cela va faire l'effet d'une bombe», a déclaré Olivier Savignac, du collectif Parler et Revivre. «Il ne va pas être complaisant», assure le sociologue Philippe Portier, autre membre de la Commission.
État des lieux et recommandations
La Ciase évalue aussi le nombre de victimes et comparera la prévalence des violences sexuelles dans l'Église à celle identifiée dans d'autres institutions (associations sportives, écoles...) et dans le cercle familial. Elle analyse les «mécanismes, notamment institutionnels et culturels» qui ont pu favoriser la pédocriminalité.
Une fois le diagnostic établi, la Commission doit énumérer 45 propositions qui toucheront à plusieurs domaines: écoute des victimes, prévention, formation des prêtres et religieux, droit canonique, transformation de la gouvernance de l'Église... Le rapport préconisera aussi une politique de reconnaissance et de réparation.
Pour ses travaux, la Ciase a fait de la parole des victimes «la matrice de son travail», souligne Jean-Marc Sauvé. En dix-sept mois, 6 500 appels ou contacts de victimes ou proches ont été recueillis, puis 250 auditions longues ou entretiens de recherche ont eu lieu. Quelques témoignages de victimes figureront dans les annexes du rapport. La Ciase a aussi approfondi ses recherches avec une plongée dans de nombreuses archives (Église, ministères de la justice, de l'Intérieur, presse).
Quelles suites?
Dans la majorité des cas, les faits sont aujourd'hui prescrits, les auteurs décédés, rendant un recours à la justice improbable. Il y a toutefois eu «22 saisines du parquet pour des faits non prescrits. Nous avons aussi saisi des évêques ou des supérieurs majeurs de congrégation de plus de 40 dossiers, pour les informer d'infractions prescrites dont l'auteur est toujours vivant», explique Jean-Marc Sauvé, cette fois dans un récent entretien au Journal du Dimanche.
L'épiscopat français a par ailleurs promis un dispositif de «contributions» financières, versées aux victimes à partir de 2022.
Mais c’est en novembre prochain qu’émergeront d’autres réponses de la CEF et de la Corref, lorsque les deux institutions se réuniront en assemblées plénières. «J’attends que nous soyons confrontés à ce fardeau, aussi noir soit-il, afin que nous puissions ensuite prendre les mesures qui s'imposent», affirme sœur Véronique Margron, présidente de la Corref.
Le rapport sera également examiné à Rome, où la question a été évoquée par le Pape François et une partie des évêques français lors des visites ad limina en septembre. «C’est votre croix», a notamment déclaré vendredi le Saint-Père au dernier groupe d’évêques de l’Hexagone en visite au Vatican.
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