Carême: «L'enjeu n'est pas la performance spirituelle»

Entretien réalisé par Claire Riobé - Cité du Vatican

Frère Jean-Alexandre de Garidel est Carme déchaux et maitre des novices au couvent d’Avon, en Seine-et-Marne. Il anime à l'occasion du Carême une retraite spirituelle en ligne sur le thème de la miséricorde divine, à l'exemple des grands saints du Carmel. 

Pour ce début de Carême, quelles pistes concrètes proposez-vous aux chrétiens qui souhaitent expérimenter de plus près la miséricorde divine ?

«La piste la plus concrète et la plus exigeante, c’est la foi, qui est le message fondamental des saints du Carmel. La foi en la miséricorde du Seigneur, cela signifie de croire que pendant ces 40 jours, le plus important n’est pas d’abord ce que nous allons faire [...] mais avoir foi dans le fait que le premier qui agit dans nos vies, c’est Dieu.

Souvent, nos difficultés dans notre vie spirituelle est que nous ne croyons pas assez que Dieu agit et on tombe dans le découragement. On a pris des engagements trop ambitieux que l’on ne tient pas, alors on est déçu de nous-memes et on lahe. L’enjeu n’est pas d’être dans la performance spirituelle mais de croire que Dieu peut transformer nos vies. Il y a une clé de lecture très importante du ministère chrétien à travers cet attribut divin qu’est la miséricorde.»

Votre retraite s'appuie sur de grandes figures du Carmel telles que saint Jean de la Croix ou sainte Thérèse d'Avila. Comment leur exemple peut-il, selon vous, nous guider pour ces quarante jours ?

«Je pense que ce qui est frappant chez les saints du Carmel, c’est que tous parlent d’abord d’expérience. Ils ont fait une expérience personnelle de la miséricorde divine au cours de leur vie, et ce dont ils nous témoignent est qu’il ne s’agit pas simplement de parler, mais de traverser quelque chose de difficile ou de douloureux, puis d'aller au-delà.

Ces saints sont très différents dans leurs caractères, leurs milieux sociaux et leurs époques. Pourtant, chacun à leur manière ont fait l’expérience d’un Dieu qui les rejoint et les transforme. Avec la grâce de ces témoins, nous pouvons espérer, nous aussi, cheminer avec la grâce de la miséricorde aujourd’hui.»

Pensez-vous que nous ayons besoin de cette miséricorde particulièrement aujourd'hui ? Cette année, plus encore que les précédentes ?

«Oui, je pense que nous sommes vraiment à une époque très éprouvante, avec le contexte de la pandémie et le reste, et nous avons l’impression que l’horizon ne s’ouvre pas d’un point de vue humain, disons. Nous pouvons avoir l’impression d’une répétition difficile des événements : que le Carême se répète, mais aussi que les événements se répètent dans l’Eglise sur la question des abus sexuels. L’espérance n’est pas facile, et je pense que la seule porte pour l’espérance, c’est l’expérience de la miséricorde divine [...].

D'abord à titre personnel, dans ma vie concrète avec mes épreuves et mes difficultés, mes lieux de découragement. Je crois que c’est précisément dans ces lieux (ma vie de famille, profesionnelle ou encore ma vie de communauté) que le Seigneur m’attend et m'invite à poser un acte en disant : "Est-ce que tu crois que je peux te sauver, est-ce que tu crois que je peux ouvrir un espace de liberté et de lumière dans ce lieu-là qui fait mal ?"

Je pense qu’il y a là un enjeu très important, pour résister au découragement voire au désespoir. Pour se placer au niveau de la foi, de l’espérance et de la charité, et non pas simplement au niveau humain «nous allons y arriver» ou «nous n'allons pas y arriver.»

Les retraites en ligne proposées par le Carmel, sont suivies par plus de 90 000 personnes à travers le monde. Elles sont à retrouver sur le site du Carmel : https://retraites.carmes-paris.org/ ou sur la plateforme Hozanna.