Voitures icendiées dans la ville de Malmö (troisième ville du pays), en Suède, le 17 avril 2022. Voitures icendiées dans la ville de Malmö (troisième ville du pays), en Suède, le 17 avril 2022.  

Le cardinal Arborelius appelle à plus de dialogue face à la violence en Suède

L'évêque de Stockholm, le cardinal Anders Arborelius, réagit aux violentes émeutes survenues ces derniers jours en Suède. Plus de 40 personnes ont été arrêtées et d'autres blessées après les violents affrontements entre polices et émeutiers. Il revient également sur la guerre en Ukraine et son impact potentiel sur le pays scandinave.

Deborah Castellano Lubov - Cité du Vatican

Plus de 40 personnes ont été arrêtées et d'autres blessées en Suède, après les violents affrontements entre la police et des manifestants survenus depuis le 14 avril. Ces derniers, à majorité musulmane, protestent contre le projet d'un groupe d'extrême droite, de brûler des copies du Coran, livre le plus sacré de l'Islam.

Le cardinal Arborelius, évêque de l'unique diocèse de Suède, reconnaît l'existence de «sentiments antireligieux» au sein de la population suédoise. Il s'exprime également sur l'accueil de réfugiés ukrainiens dans le pays. 

Les médias internationaux font état de violences et d'émeutes en Suède. Votre Eminence, pourriez-vous nous partager votre réaction suite aux récents événements ?

En Suède, pendant la période de Pâques, nous avons eu des émeutes très difficiles dans certains quartiers de Stockholm et la police a été attaquée par des jeunes qui protestaient contre la manifestation d'un politicien extrémiste du Danemark, qui voulait brûler le Coran. Ces émeutes ont eu lieu dans plusieurs endroits de la Suède (...).

Dans d'autres régions, ce fut une Pâques très violente. Cela a mis en évidence le fait que la Suède n'a pas été capable de faire face à la ségrégation, et que dans certaines zones, il n'y a presque que des étrangers à faible revenu, sans travail, avec de la criminalité. Donc, pour notre société, il est vraiment important de faire quelque chose pour nous battre contre cette ségrégation.


Comment décririez-vous la coexistence et le respect des autres religions en Suède ?

Nous voyons que la Suède est un pays très laïque, et que les autorités ne se rendent pas compte que beaucoup d’immigrants ont de fortes croyances religieuses. Pour eux, [ce qui se passe], par exemple quand certains brûlent le Coran, est un signe de haine. 

De fait, nous avons également eu des cas où des statues de Notre-Dame ont été vandalisées ou détruites. Je dirais qu’il y a des sentiments anti-religieux [au sein] de la population suédoise. Bien sûr, cela ne signifie pas que vous devriez attaquer la police. Mais il faut comprendre que les gens se sentent extérieurs à la société, et que personne ne les respecte. A un moment donné, il y aura de la violence dans nos banlieues.

Je pense qu'il est très important en Suède d'entamer un dialogue plus profond. Et en même temps, nous voyons par exemple que certains partis religieux veulent maintenant interdire les écoles confessionnelles. C'est un autre signe qui nous préoccupe aujourd'hui.

Comment la guerre en Ukraine a-t-elle affecté la Suède et l'Eglise en Suède, également du point de vue des réfugiés ? 

La Suède a pu accueillir un bon nombre de réfugiés ukrainiens. Le dernier chiffre dont j'ai entendu parler mentionnait 40 000 réfugiés, répartis dans tout le pays. Dans notre diocèse, nous avons deux prêtres ukrainiens de rite byzantin. Ils ont été très actifs pour tenter de joindre les réfugiés et d'organiser leur accueil (...).

Nous constatons que, de manière générale, la population suédoise est très ouverte à ce groupe de personnes. Cela m'a un peu surpris car nous avions plutôt vu récemment qu'il n'y avait pas tant d'ouverture et de solidarité que cela envers les réfugiés. Mais la guerre en Ukraine a en quelque sorte marqué une différence pour les Suédois, et nous voyons aujourd'hui de nombreuses familles accueillir des Ukrainiens dans leur maison ou appartement.

Selon les sondages, une majorité croissante de Suédois est favorable à l'adhésion du pays à l'OTAN. Selon vous, existe-t-il un climat de peur en Suède actuellement? 

Bien sûr, la Suède réfléchit ces jours-ci à sa situation politique en matière de défense. Nous constations qu'après l'attaque en Ukraine, les autorités et beaucoup de Suédois sont un peu inquiets, nous discutons de la possibilité de défendre notre pays. Ce conflit a fait émerger une nouvelle situation politique, à l'intérieur du pays. Par ailleurs (...), la Finlande et la Suède discutent actuellement de la possibilité d'entrer dans l'alliance de l'OTAN.

Il s'agit donc d'une situation insécurisante, qui pose de nombreuses questions au sein de notre société. Pour les communautés de croyants, il est particulièrement difficile de savoir quelle posture adopter. Bien sûr, nous voulons accueillir ceux qui sont dans le besoin, mais nous savons que si trop de gens viennent ici, il ne sera pas si facile de les intégrer. C'est ce que nous avons observé des derniers temps dans nos banlieues : que la migration doit s'accompagner d'une intégration très, très importante, or cela a fait défaut (...).

Quelle importance accordez-vous aux appels du Pape François en faveur de la paix en Ukraine, et d'une trêve pascale dans le pays, à l'approche de la Pâques orthodoxe ?

Ce serait un signe prophétique si le Saint-Père pouvait se rendre à Kiev. D'un autre côté, nous savons que la Russie serait très ennuyée, très en colère. Je peux donc comprendre que pour le Saint-Père, il ne soit pas facile de savoir comment agir, quoi faire, et quoi dire.

Mais nous savons que le Pape est très proche de tous ceux qui souffrent de la guerre. Je pense qu'il est l'une des rares personnes au monde qui pourrait avoir un certain impact sur le patriarche Kirill qui a pris cette position en faveur de la guerre. Nous prions donc pour le Saint-Père afin qu'il reçoive les dons de l'Esprit Saint pour apporter la réconciliation et la paix en Ukraine.


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21 avril 2022, 13:45