François à L'Aquila: Collemaggio, une basilique symbole de résilience
Paolo Ondarza / Adélaïde Patrignani - Cité du Vatican
Après ce songe étonnant, le moine-ermite et futur Pape s'exécuta, faisant construire le premier noyau d’une église aujourd'hui reconnue comme la plus haute expression de l'architecture gothico-romane des Abruzzes: la basilique Santa Maria Assunta di Collemaggio, qui fut consacrée le 15 août 1288, au cours d'une concélébration solennelle présidée par huit évêques.
Un couronnement en plein air
Quelques années plus tard, au même endroit, le même Pietro di Morrone fut couronné Pape sous le nom de Célestin V. Ce 29 août 1294, 200 000 fidèles remplissaient les lieux, parmi lesquels, peut-être, Dante Alighieri et Guido da Montefeltro. «La basilique était encore en construction, elle ne pouvait pas être le grand bâtiment que nous voyons aujourd'hui, et la cérémonie a eu lieu à l'extérieur, explique Gianluigi Simone, historien de l'art du bureau du patrimoine culturel de l'archidiocèse de L'Aquila. C’est un peu comme ce qui se passera avec la visite du Pape François [le 28 août prochain, ndlr], pour laquelle une scène sera montée à l'extérieur de la basilique».
La plus ancienne porte sainte
Au cours de son bref pontificat, qui s'est achevé par sa renonciation lors du consistoire du 13 décembre 1294, Célestin V a institué ce que beaucoup considèrent comme le premier jubilé de l'histoire, connu sous le nom de «pardon célestinien», célébré chaque année entre le 28 et le 29 août. «Pour L'Aquila, l'indulgence annuelle établie par Célestin V fut un élément important de son décollage politique et économique: la ville a été incluse parmi les destinations de pèlerinage les plus importantes, devenant une sorte de "seconde Jérusalem"», souligne Gianluigi Simone.
La capitale des Abruzzes abrite donc la plus ancienne porte sainte de l'histoire, antérieure même à celle de la basilique Saint-Pierre de Rome. Elle est surmontée d'une lunette peinte «affresco» sur laquelle sont représentés la Vierge à l'Enfant entre les saints Célestin et Jean-Baptiste. De ce dernier, la basilique de Collemaggio abrite par ailleurs une relique.
Le mécénat des marchands de laine
La fête du pardon célestinien coïncidait autrefois avec le départ des troupeaux pour la transhumance, la migration saisonnière qui amène les moutons sur leurs pâturages hivernaux. La ville de L'Aquila, précise l’historien italien, «était très importante dans le passé en raison de sa situation à la frontière entre l'État de l'Église et le royaume de Naples, mais aussi en raison de la présence de moutons, de la laine: une énorme source de richesse».
C'est donc la guilde des marchands de laine qui finança la construction du mausolée en pierre entreprise par Girolamo da Vicenza au 16e siècle. Ce chef-d'œuvre de l'art de la Renaissance situé dans la basilique de Collemaggio, abrite la dépouille mortelle de Célestin V. Les restes du Souverain Pontife y été transférées en 1327 depuis Ferentino, non loin de la fortesse de Fumone où était mort Célestin V le 19 mai 1296, quelques mois après y avoir été envoyé en exil par son successeur Boniface VIII.
Résistance et reconstruction
La basilique de Collemaggio représente aussi la capacité du peuple de L'Aquila à rester debout face à l'adversité. Les nombreux tremblements de terre se sont succédé au fil des siècles - le dernier, dévastateur, remonte au 6 avril 2009. Ils ont marqué la majestueuse et sobre façade bicolore en pierre rose et blanche qui s’élève au-dessus de l’esplanade, mais ne l’ont pas détruite, ni sa délicate rosace choisie comme symbole de la visite du Pape François. Les trois portails de bois, considérés comme les plus beaux de l'architecture italienne, sont eux aussi demeurés intacts. À l'angle droit de l'édifice, on peut admirer les restes d’une tour, autrefois plus haute et utilisée comme clocher, où l’on exposait les reliques de Célestin V, et depuis laquelle était proclamé le début du pardon.
L'intérieur de l'église, aujourd’hui clair et dépouillé, a quant à lui été remodelé à plusieurs reprises. La restauration - critiquée - des années 1970 a entrainé le démantèlement de la décoration baroque préexistante avec des stucs de Francesco Bedeschini, mettant à jour des parties les plus anciennes. Parmi les quelques vestiges du 17e siècle, à gauche de l'autel, se trouve l'ancien orgue baroque recouvert de feuilles d'or, dont l'intérieur a toutefois été irrémédiablement perdu lors du tremblement de terre de 2009. Une catastrophe qui a aussi provoqué l'effondrement du transept et d’importantes fissures dans les murs. Le regard du visiteur est également attiré par l’admirable dallage rose et blanc, où alternent divers motifs géométriques: losanges, croix fleuries, cercles concentriques.
La basilique de Collemaggio, complète Gianluigi Simone, «a été détruite et reconstruite plusieurs fois, tant à cause des tremblements de terre qui ont marqué l'histoire de la ville de L'Aquila au cours des siècles qu'en raison de la nécessité de l'agrandir pour contenir l'énorme flux de pèlerins. Après l’achèvement des travaux de consolidation et de restauration, à la fin de l'année 2017, la basilique a été rendue aux habitants de L'Aquila et elle est surveillée en permanence, afin de préserver le trésor d'art et de foi qu'elle garde et de le transmettre aux générations futures».
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici