Recherche

Mgr Georg Bätzing, président de la conférence épiscopale allemande et évêque de Limbourg (Hesse). Mgr Georg Bätzing, président de la conférence épiscopale allemande et évêque de Limbourg (Hesse).  

Pour les évêques allemands, le schisme n'a jamais été une option

Mgr Georg Bätzing, président de la conférence épiscopale allemande, a rencontré la presse à l'issue de la visite ad limina de plus de 60 évêques allemands. Il a qualifié d'encourageants les entretiens avec le Pape, vendredi 18 novembre, lors de la réunion sans précédent avec les chefs de dicastères.

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

Mgr Georg Bätzing, président de la conférence épiscopale allemande, rentrera à Limbourg «soulagé mais aussi préoccupé», au terme de la visite ad limina à Rome de 62 évêques allemands qui, pendant environ une semaine, ont dialogué avec le Pape et les responsables des dicastères de la Curie romaine, dont certains se sont retrouvés vendredi 18 novembre dans une salle de l'Augustinianum avec le secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, pour une rencontre privée interdicastérielle sans précédent, définie non par hasard comme «un cas d'urgence de synodalité».

Pas de schisme ni d'arrêt du chemin synodal

Mgr Bätzing se dit «soulagé» après une heure et demie de rencontre avec la presse internationale samedi matin, car lors des entretiens de la veille, il a été précisé qu'il n'y a aucune intention de la part des évêques allemands de créer un «schisme»: «Nous sommes catholiques et nous voulons le rester». Il a par ailleurs a été démontré que «le dialogue est possible», en mettant «tout, tout» sur la table: critiques, irritations, requêtes, propositions, réserves «de Rome», et surtout, les perplexités sur le chemin synodal allemand lancé en 2018, qui implique laïcs et consacrés dans des échanges sur des questions comme le sacerdoce féminin, le célibat, la morale sexuelle.

Mgr Bätzing est «soulagé», mais aussi «préoccupé» car précisément sur ces questions des divergences subsistent entre l'Église d'Allemagne et «l'Église de Rome». A un point tel que lors de la réunion de vendredi, comme il en ressort du communiqué conjoint publié tard dans la soirée, un cardinal a présenté une proposition de «moratoire» sur le chemin synodal allemand. «Cela signifiait un arrêt pour notre ‘Synodaler Weg’. Ce n'est pas une option, ce n'est pas une solution, beaucoup d'évêques l'ont dit clairement, donc cela a été retiré de la discussion», a déclaré Georg Bätzing, accompagné de Beate Gilles, première femme élue secrétaire générale d'une conférence épiscopale.

«Même moi, a-t-il ajouté, j'ai joué le rôle du méchant dans la conversation... La préoccupation extrêmement forte est que le chemin synodal en Allemagne pourrait être un incendie qui se propage partout. Nous voudrions limiter cela d'une manière ou d'une autre. Mais nous avons déjà dit que ce n'est pas possible maintenant, ce n'est pas possible de bloquer certaines choses. Cela ne fait pas partie de la culture de la synodalité d'intimider, de faire peur. Si jamais c'est une méthode, ce n'est pas la bonne méthode».

Les préoccupations du Saint-Siège

Dès le début du parcours synodal, le Saint-Siège a exprimé des réserves quant à la méthodologie et à certaines positions prises au cours du processus. Le Pape lui-même avait envoyé une «Lettre au Peuple de Dieu» qui est en chemin en Allemagne, en juin 2019, pour exprimer des recommandations claires; puis le cardinal Marc Ouellet, préfet du dicastère pour les Évêques, et Mgr Filppo Iannone, préfet du dicastère pour les Textes législatifs, avaient rencontré le cardinal Reinhard Marx (président émérite) et d'autres hauts responsables de la conférence épiscopale allemande. Enfin, en juillet dernier, le Saint-Siège est à nouveau intervenu à travers une «déclaration», recommandant que «de nouvelles structures ou doctrines officielles» ne soient pas mises en place dans les Églises allemandes particulières, «avant qu'un accord n'ait été trouvé au niveau de l'Église universelle». Le Pape, dans son récent entretien avec les journalistes dans l'avion de retour de Bahreïn, a mis en garde l'Église allemande contre le risque de «protestantisation».

Conversation avec le Pape et les chefs de dicastères

Tout cela a émergé dans les entretiens au cours de la visite ad limina: tant dans l'audience de plus de deux heures des évêques avec le Pape au Palais apostolique («un échange stimulant et en confiance»), que dans les rencontres avec les chefs de dicastère, puis celle de vendredi à laquelle le Pape n'a pas assisté. «Lorsque nous avons appris qu'il ne venait pas, nous avons été déçus», avoue Mgr Bätzing, mais le Pape «nous a laissé entre nous pour débattre entre frères. Cela a été bien ainsi».

Tous les thèmes sur la table

«Personne ne pourra dire qu'il n'a pas eu l'occasion de s'exprimer», a ajouté l’évêque de Limbourg. «Avant tout, nous avons parlé de la manière dont l'évangélisation peut se poursuivre dans un monde sécularisé». Et de poursuivre: «On en peut pas continuer comme avant, il s'agit de transmettre le message de l'Évangile ici et maintenant, sans regarder uniquement vers le passé. Le Pape l'a toujours dit: nous devons courir le risque d'une Église "accidentée". La conversation avec le Saint-Père a été vraiment très encourageante à ce sujet. Nous avons exprimé des positions différentes, même sur le plan théologique... Le Pape a souligné qu'il ne craint pas une Eglise avec des tensions, il nous a dit que pour trouver une solution il fallait du courage et de la patience».

«L'impatience» des femmes

Or, c'est précisément la patience qui fait défaut aux fidèles allemands, qui se montrent «pressants» sur certaines questions, a déclaré le président des évêques, citant le communiqué commun conjoint de vendredi soir, lequel parle toutefois du «peuple de Dieu saint et patient». «Le langage, a-t-il noté, est romain. Nous avons coopéré, mais ce n'est pas le langage parlé en Allemagne. Nous devons vivre avec ça.... Le peuple de Dieu n'est pas patient et met la pression». Ce sont surtout les femmes qui montrent le plus grande «impatience», a déclaré l'évêque, car elles sont désireuses de comprendre quel rôle, quel ministère et quelle mission elles peuvent avoir au sein de l'Église. «Le rôle des femmes est la chose la plus urgente, qui nous divise le plus», a-t-il déclaré. D'une part, pour Rome, il existe des «perspectives claires», par exemple que l'ordination des femmes est «une question close». D'autre part, les catholiques allemandes «endurent», mais disent ensuite «une Église qui rejette tout cela ne peut pas être notre Église».

Apporter des réponses

La question des femmes est symbolique de l'état de «tension» que connaît, selon Mgr Bätzing, l'Église en Allemagne: il n’y a aucune intention schismatique, aucune volonté de rompre le dialogue, mais il y a l’exigence d’apporter des réponses: «Notre Église ne fait pas un cheminement spécial et ne prendra aucune décision qui ne puisse être prise par l'Église universelle, mais elle doit trouver des réponses aux questions que les fidèles lui posent», a-t-il déclaré.

La relation de confiance avec les fidèles

Le risque est que la distance entre l'Église et les fidèles se creuse encore davantage, a déclaré Mgr Bätzing. La «confiance» dans l’institution a été érodée par les scandales d'abus sexuels. Ceux-ci ont été, après la publication d'un rapport en 2018, «l’élément déclencheur» de l'idée d'un chemin synodal. «La confiance a été perdue dans le clergé, dans les évêques, dans la direction du gouvernement de l'Église. C’est au peuple de Dieu de nous rendre notre autorité hiérarchique», a souligné Mgr Bätzing. Le chemin synodal est alors censé être un moyen de retrouver et de solidifier cette relation. «L'Église est secouée, de nouveaux chemins sont nécessaires pour faire face à la crise. La répétition du passé n'est pas un moyen de sortir de la crise».

Bénédiction des couples homosexuels

Sur cette lancée, l'évêque, interrogé par les journalistes, a répondu à une question visant à savoir si, après les rencontres de ces derniers jours, il empêchera, à son retour en Allemagne, la bénédiction des couples de même sexe ou laissera la liberté aux pasteurs et aux évêques qui le souhaitent de continuer à le faire: «Nous travaillons sur cette question. En tant qu'évêque, ces bénédictions entre personnes qui croient en la bénédiction de Dieu sur une relation de confiance pour l'avenir, je ne les supprimerais pas». Mgr Georg Bätzing a rappelé que les derniers Papes se sont déjà exprimés à ce propos: «Ils ont été très clairs sur le sujet, ils ont tenté de dire que la question était close, mais nous disons que la question existe».

Protestantisation

Quant à la «protestantisation» de l'Église catholique allemande, le président des évêques allemands a déclaré qu'il s'agit d'une qualification attribuée par ceux qui connaissent mal la situation: «La spécificité catholique est que nous sommes une Église sacramentelle et hiérarchique et nous voulons le rester. J’ai dit hier (lors de la rencontre de vendredi avec les chefs de dicastères, ndr) qu’il existe déjà une bonne Église protestante», a déclaré l’évêque, ajoutant que «pour tous les évêques et les laïcs en chemin synodal, le schisme n'a jamais été une option». «Nous sommes catholiques et nous le restons. Mais nous voulons l’être d'une manière différente, nous nous sentons responsables. Certaines choses sont dites à l'extérieur pour faire peur».

Le cas du cardinal Woelki

Le dossier du cardinal Rainer Maria Woelki, au centre d'une vive controverse de la part des fidèles du diocèse de Cologne pour avoir couvert, selon leurs accusations, des cas d'abus par le passé, a également fait l’objet d’une question au cours de la conférence de presse. Le cardinal avait présenté sa démission au Pape, qui l'avait alors rejetée. La question a été discutée aussi bien au cours de l’audience avec le Souverain pontife qu’au cours de la rencontre avec les responsables de dicastères: «Il a été clairement établi que la situation à Cologne devient de plus en plus insupportable, tant pour l'archevêque que pour les fidèles», a expliqué Mgr Bätzing. «Tout le monde souffre beaucoup, la pression augmente de plus en plus. Le Pape s'est à nouveau exprimé. Il réfléchit. Une décision n'a pas été prise dans la conversation et nous ne nous y attendions pas. À titre personnel, j'ai pensé qu'il était de mon devoir d'en parler, mais d'autres en ont également parlé, de façon claire, en disant que cela ne pouvait pas continuer, qu'il fallait trouver une solution».

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

20 novembre 2022, 15:37