Les églises françaises, un patrimoine en péril?
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Leur présence au sein des communes de France est évidente: les villages les plus anciens sont souvent construits autour du clocher de l’église paroissiale. Leurs flèches dominent les centres-villes. Les églises, qu’elles soient paroissiales ou cathédrales, font partie du patrimoine français. Elle sont environ 45 000 à travers l’Hexagone. Sans compter les 3000 temples protestants, les 3000 mosquées et les 300 synagogues environ qui sont le reflet de l’histoire et de la diversité religieuse du pays. Tous ces édifices religieux ne sont pas en péril. Mais les cas de destruction d’églises, le plus souvent, se multiplient au point d’inquiéter. Dans son dernier numéro, la revue Histoire magazine y consacre un long article de Mathieu Lours, docteur en histoire, enseignant notamment à l’école de Chaillot et expert en patrimoine religieux. Il dresse un état des lieux de ces églises dont l’existence pourrait être menacée, faute de protection.
Le XIXe, siècle religieux
S’intéresser à ce sujet, c’est découvrir que la grande majorité des édifices cultuels catholiques ont été construits au XIXe siècle, qui concentre «le maximum de constructions religieuses en France», précise Mathieu Lours. Ce siècle tourmenté politiquement est avant tout religieux: forte croissance des vocations, des missions à l’étranger, forte pratique religieuse, croissance de la population. Tous les ingrédients sont réunis pour construire ou reconstruire les églises dans les campagnes, construire de nouveaux édifices dans les villes en pleine expansion. «Il faut construire beaucoup et vite et on emploie souvent des matériaux comme la brique, le plâtre et le métal qui vont entrainer des jeux entre eux et des phénomènes de corrosion. Ce sont de grandes églises, mais leur pérennité à cause de la manière dont elles ont été construites, est parfois plus compliquée», explique l’historien.
Autre souci, l’évolution de la pratique religieuse: nombre de ces églises se retrouvent sans fidèles et sont de plus en plus perçues comme des charges financières sans utilité par les collectivités locales qui en sont propriétaires. «La France catholique du XIXe siècle vient buter sur la déchristianisation ou, tout au moins, l’effondrement de la pratique au XXe siècle» poursuit le docteur en histoire.
Rôle de vigilance des curés
Dans ce contexte négatif, comment préserver ce patrimoine très peu protégé par le statut de monument historique? Il faut d’abord que les diocèses assument leur responsabilité concernant l’entretien courant. «Que l’église soit nettoyée et rangée, avec un système électrique en ordre, c’est déjà beaucoup, cela permet d’éviter beaucoup de problèmes» note Mathieu Lours pour qui les diocèses doivent avoir avant tout «une fonction de vigilance». Le curé doit signaler à la commune le moindre problème, que ce soit des tuiles manquantes à la toiture, une infiltration d’eau, une fissure etc. «La plupart des églises en péril aujourd’hui le sont parce qu’il y a eu un défaut d’entretien à un moment donné», remarque-t-il. «Il faudrait que les mairies assurent ce petit entretient» pour éviter une dégradation de la situation et une hausse des frais de restauration.
Une part de l'identité du pays
Privées de fidèles, très souvent fermées au public, onéreuses en terme d’entretien, présentant peu d’intérêt du point de vue artistique, pourquoi alors vouloir absolument préserver ces églises du XIXe siècle? Certaines communes en sont arrivées à penser qu’il valait mieux ainsi raser ces édifices. Mais «ces églises sont un élément identitaire du village» plaide Mathieu Lours qui dépasse le simple culte catholique; inutile de vouloir les comparer à Notre-Dame de Paris, «ce serait comme comparer la salle des fêtes avec la galerie des Glaces du château de Versailles» explique-t-il.
Pour lui, il est de notre devoir de conserver ce patrimoine, en tant que legs de nos pères. Si l’on n’y arrive pas, il faut essayer de le remplacer par une église du XXIe siècle, «de qualité esthétique et de fonctionnalité comparable», note-t-il. Le problème n’est pas tant la destruction que la non-reconstruction.
Certaines églises sont aussi désacralisées. Là aussi, cela pose plusieurs problèmes, Mathieu Lours estimant qu’il est souhaitable que le nouvel usage des lieux ne soit pas indigne de ce qu’il fut à son origine. Mais se pose la question de savoir à qui vendre, car ce ne serait que reporter sur un nouveau propriétaire la charge de l’entretien. Le débat est ouvert.
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