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Cardinal Erdö: la venue du Pape a renforcé la solidarité et la dignité de l’identité

Le Danube, les roses de sainte Elisabeth, les portes, les ponts et les frontières. Autant de lieux et de métaphores ayant ponctué le 41e voyage pontifical dans une nation fière de son identité chrétienne malgré la sécularisation patente -autant de baptêmes qu’en France en 2022. Un voyage où le successeur de Pierre a confirmé dans la foi le peuple héritier du roi Etienne, saint commun à tous les chrétiens-, et exhorté à une Europe d’âme et de charité.

Delphine Allaire - Envoyée spéciale à Budapest, Hongrie

Köszönöm, Isten fizesse! Merci, que Dieu vous récompense! Le Pape François a exprimé toute sa gratitude devant les 50 000 fidèles sur la place Kassuth Lajos baignée de soleil à l’issue de la messe et de la prière du Regina Cæli. Durant ces 60 heures en terre magyare, le Pape a manifesté son attachement et sa proximité au «noble et bien-aimé» peuple hongrois, qui lui semble cher. L’évêque de Rome a souhaité encourager le peuple de saint Etienne, qui vit un œcuménisme et un dialogue interreligieux particulier dans ce cœur centre-européen. La présence des gréco-catholiques, et de cinq églises orthodoxes -grecque, russe, roumaine, serbe et bulgare- en dit long sur la position centrale de l’Église hongrois dans le chemin vers l’unité des chrétiens. La métropole abrite également la plus grande communauté juive d’Europe.

 

«Après avoir payé ce lourd tribut aux dictatures, Budapest porte en elle la mission de garder le trésor de la démocratie et le rêve de la paix», a assuré François aux autorités hongroises. Une paix qui passe par l’accueil prophétique des étrangers, «richesses» et non danger. Telle est la mission confiée par François à cette terre orientale de la chrétienté occidentale, que va porter le cardinal Peter Erdö, archevêque de Budapest-Esztergom, ancien président des épiscopats européens.

Entretien avec le cardinal Peter Erdö, archevêque de Budapest-Esztergom

Quels sont les moments de ce voyage apostolique qui vous ont le plus touché droit au cœur?

La tournée du Pape en papamobile sur la place Kossuth Lajos, lors de la messe de dimanche, car les Hongrois étaient très enthousiastes. Ils ont tous souhaité faire toucher les bébés par le Pape, qui a béni les enfants. C’était presque un geste évangélique. Les gens ont accompagné le Pape avec beaucoup de sympathie. Je pourrais dire que l’on a vu dans la personne du Pape, Jésus-Christ. De façon symbolique, car nous croyons très bien que Jésus se rencontre dans la messe et les sacrements, que nous pouvons rencontrer aussi dans les pauvres, mais dans la figure du Pape de façon tout à fait extraordinaire et spéciale. Ce n’est pas un hasard que l’on appelle historiquement le Pape vicaire du Christ. Cela a été une grande émotion, très symbolique. Les Hongrois ont été profondément touchés.

En l’église Sainte-Élisabeth de Hongrie, le Pape a appelé à conjuguer l’identité, vérité et charité, pensez-vous que cela soit le défi de l’Église hongroise aujourd’hui?

Nous avons beaucoup de grands défis à affronter, aussi des défis positifs. D’un coté, il y a les réfugiés, très nombreux car la Hongrie compte moins de dix millions d’habitants. Or, l’année dernière, nous avons accueilli un million de réfugiés arrivés chez nous, surtout de l’Ukraine. Beaucoup ont continué le voyage vers l’Occident, mais beaucoup sont restés en Hongrie. Ce fut une grande période d’intégration lors de laquelle nous avons cherché pour eux logements, alimentation, travail et écoles avec des cours en ukrainien ou en russe. Naturellement, nous avons recueilli des donations envoyées en Ukraine. Nous misons beaucoup sur les relations humaines, et cherchons à procurer aux réfugiés une assistance spirituelle. Beaucoup sont chrétiens de rite oriental, nous avons organisé des liturgies régulières en langue ukrainienne. Autre grand défi, la jeunesse que le Pape a rencontré samedi soir. Nous avons de nombreuses écoles, trois universités catholiques. Cette jeunesse n’est pas entièrement croyante, mais là réside toute la dimension missionnaire, qui est vitale. 

Encouragée par ce voyage, qu’est-ce que la Hongrie peut apporter à l’Europe, en tant que «peuple à la frontière orientale de la chrétienté occidentale» selon votre terme?

La personne de saint Étienne émerge pour cela. Notre premier roi chrétien qui a introduit les Hongrois dans le monde européen à travers les liaisons avec le Pape. À l’époque d’Étienne, en 1038, l’Église chrétienne était encore unie. Nous sommes avant le schisme de 1054 d’Orient et d’Occident. C’est pourquoi saint Etienne est un symbole de l’unité des chrétiens en Europe. Il est vrai que la notion d’Occident et d’Orient n’a de sens qu’en Europe et dans le monde méditerranéen. Nous avons la nécessité de poursuivre le dialogue avec les chrétiens orientaux. Nous avons à Budapest des gréco-catholiques, et cinq patriarcats orthodoxes dotés d’une organisation propre: Moscou, Constantinople, Belgrade, Bucarest et Sofia. Il y a beaucoup de possibilités de rencontres et de dialogue, mais nous connaissons aussi nos limites. Sur les questions dogmatiques plus centrales, le Saint-Siège est plus compétent pour ce dialogue. Dans le domaine social et moral en revanche, nous pouvons largement collaborer avec les chrétiens chez nous, grâce à Dieu.

Quelles traces va laisser cette seconde visite de François dans le paysage ecclésial et sociétal hongrois?

Le Pape a encouragé la famille, l’éducation des enfants et le respect de la vie. Nous travaillons comme Église et société à renforcer les familles. Une tâche fondamentale pour laquelle le Pape s’est montré solidaire. Il appuie les efforts de la société hongroise. En outre, il a souligné la solidarité entre les peuples, mais aussi la dignité à l’identité de chacun. C’est un équilibre réconcilié d’une importance centrale.

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01 mai 2023, 10:00