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Le crucifix à Notre-Dame de la Garde "À tous les naufragés ensevelis dans le linceul des flots”. Le crucifix à Notre-Dame de la Garde "À tous les naufragés ensevelis dans le linceul des flots”. 

Mgr Malle: le secours aux migrants, des fractures où passe la grâce

Mgr Xavier Malle, évêque de Gap et d'Embrun, conduit une délégation de douze personnes des Hautes-Alpes aux Rencontres méditerranéennes de Marseille, composée de membres de la pastorale des migrants du diocèse, du Refuge solidaire de Briançon, du Secours catholique local et d’une Malienne réfugiée politique. Ils seront présents aux côtés du Souverain pontife vendredi 22 septembre près de la stèle dédiée aux marins et et migrants disparus en mer à Notre-Dame de la Garde.

Delphine Allaire - Envoyée spéciale à Marseille

Entretien avec Mgr Xavier Malle, évêque de Gap et d'Embrun

Qu'attendez-vous du moment de recueillement du Pape à Notre-Dame de la Garde auprès de la stèle pour les marins et migrants disparus en mer?

Il faut rappeler que les migrants meurent aussi en montagne. Pour cette raison, le cardinal Jean-Marc Aveline m'a invité à participer à cette prière avec une délégation des Hautes-Alpes. Pour moi, c'est une manière de rendre hommage et de remercier tous les aidants, tous les solidaires qui œuvrent dans les Hautes-Alpes pour l'accueil des personnes migrantes passant par les montagnes, et qui, à leur arrivée, sont épuisées, car passées par des cols de haute altitude. Nous sommes un petit département de transit. Ces personnes ne restent pas chez nous, mais reprennent la route vers les grandes villes. 

Notre délégation compte douze personnes: des personnes du Refuge solidaire à Briançon où nous avons justement fermé l'un des refuges de Briançon face à l'afflux ingérable; des personnes de Gap, où l’on connait d'autres difficultés, et des membres de la commission pastorale des migrants du diocèse de Gap-Embrun. 

 

Il y aura aussi dans la délégation une personne migrante qui vit à Gap actuellement. Elle fait partie de la pastorale des migrants. Il s’agit d’une Malienne arrivée avec son fils. Elle s’est échappée, a fui la famille parce que le père de l’enfant voulait l’embrigader chez les djihadistes. Son fils a obtenu le statut de réfugié politique et la maman, comme mère d'un enfant réfugié, l'a obtenu aussi. Depuis, son fils a grandi. C'est un vrai joueur de basket, il est très grand. Il est scolarisé au collège Saint-Joseph à Gap. Se rendre à Marseille est l'occasion de mettre à l'honneur toutes ces personnes qui ont dû fuir. Le thème de la Journée mondiale des migrants de dimanche traite de la liberté de partir ou de rester. Là, nous voyons bien qu’ils n’étaient pas libre de rester.

Dans quel état d'esprit votre délégation des Hautes-Alpes se prépare à ce moment avec le Pape?

Ils l’attendent avec impatience, comme une reconnaissance, aussi parce qu’actuellement, au moment même où nous parlons, c'est un temps de crise à Briançon où tous se posent de grandes questions sur l'accueil. La difficulté, c'est que quelle que soit la structure que l'on va pouvoir mettre en place, qu’on va pouvoir reprendre, comme les terrasses solidaires que nous allons réouvrir, nous seront forcément dépassés. Comment faire? Peut-on fermer la porte à quelqu'un qui arrive à 2 heures du matin après avoir gravi une montagne dans la neige? Ce sont des vraies questions difficiles pour eux. Ce sera donc un temps de réflexion sur leurs actions, de bilan, de relecture.

Quel est le rôle de l'Église locale dans cet accompagnement, comme vous l’expliquiez, vous faites face à des limites. Comment parvenez-vous à vous positionner sur cette délicate ligne de crête?

Nous jouons le rôle de médiation. Une des difficultés en effet est qu’il y a peu de dialogue entre les solidaires, la préfecture, le département, la police. Je propose cette médiation régulièrement. Ce n’est pas très entendu mais, il me semble que, de temps en temps, nous pouvons faciliter les choses. Nous prenons aussi notre part dans l'accueil à la fois par des chrétiens individuellement ou, à Gap, par un presbytère qdédié à cet accueil des mineurs non accompagnés (MNA).

Il y a un autre aspect, celui de la formation des consciences, des chrétiens en particulier, sur cet accueil des réfugiés, qui pour nous est tout simplement le respect de la dignité de toute personne humaine. Mais la communauté chrétienne est comme toute la communauté humaine en France, divisée sur ce sujet-là et on le comprend, il y a des peurs légitimes. Il ne s’agit surtout pas de juger ces peurs mais de les surmonter par la rencontre.

Quel discours, quels mots, quelle attitude employer pour ce faire?

Je dis toujours que je n'ai pas la solution, et en fait, personne n’a la solution donc je n'ai pas de propositions à faire ou de leçons à donner à qui que ce soit. La seule chose que nous ayons à faire comme chrétiens, c'est d'être saints là où le Seigneur nous a plantés. Moi comme évêque, le curé de Briançon à Briançon, les paroissiens de Briançon à Briançon, les paroissiens de Gap à Gap. De faire au mieux, mais c'est exactement la même chose -et j'en ai discuté assez souvent avec les forces de l'ordre- de faire au mieux de manière la plus humaine qu'il soit où ils sont placés et c'est difficile pour eux aussi et je reconnais volontiers qu’ils ont une tâche très difficile.

Quelles sont les limites que je pose? Il n’est pas illégitime de poser des limites, mais lesquelles sont les plus respectueuses de la dignité humaine? Nous tournons en rond, nous ne trouvons pas de solutions… La seule chose pour nous, c'est d'essayer de faire les choses avec humanité là où est placé et de vivre l'Évangile Matthieu 25:35 «Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger». À Briançon, il est impossible de dormir dehors la nuit. Il fait trop froid. Nous sommes en haute montagne. C'est quelque chose qui m'a beaucoup frappé et qui est très commun, je pense, avec ce qu'ils vivent en Méditerranée. En montagne comme à la mer, nous ne laissons pas les gens mourir, nous allons les chercher, nous allons les sauver. C'est aussi une raison pour laquelle je pense à Briançon, la population est plutôt accueillante parce qu’il y a cette solidarité de la montagne. En montagne, nous ne pouvons pas vivre seul et donc il y a une solidarité naturelle pour les personnes, et je crois que c'est pour ça que nous les accueillons. Une autre raison m'est aussi venue. Nombre de Haut-Alpins ont dû, pour des raisons économiques, migrer. Nous étions un département très pauvre dans les deux guerres mondiales. Beaucoup sont partis aux États-Unis, au Mexique. Certains sont revenus mais d'autres sont restés. Ils savent qu’un certain nombre de membres de leurs familles a dû quitter la région pour survivre et ils comprennent que d'autres arrivent aussi pour survivre.

“En montagne, nous ne pouvons pas vivre seul et donc il y a une solidarité naturelle pour les personnes, et je crois que c'est pour ça que nous les accueillons.”

Comment regardez-vous l'action du Pape François en la matière?

Je trouve qu'il a un don du Seigneur, un charisme, qui est de mettre le doigt là où ça fait mal: sur la pastorale familiale ou par rapport à la migration. Et là où ça fait mal, c'est tout simplement comment être un chrétien dans cette situation qui est inextricable et internationale. Comment traiter les gens avec humanité, parce qu’ils sont infiniment aimés de Dieu comme chacun d'entre nous. Le Pape a ce charisme d’éveiller les consciences à ces zones de fracture du monde. Or, dans ces zones de fracture passe la grâce. Ce sont des lieux où nous, chrétiens, devons être.

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21 septembre 2023, 17:47