Sarah Christine Bourihane, récipiendaire du prix international Jacques Hamel 2024 Sarah Christine Bourihane, récipiendaire du prix international Jacques Hamel 2024 

Une journaliste canadienne reçoit le prix international Jacques Hamel

Récompensant un reportage pour la mise en lumière d’initiatives en faveur de la paix et du dialogue interreligieux, le prix international Jacques Hamel 2024 est remis à Sarah-Christine Bourihane, pour le récit de sa rencontre avec soeur Gilberte Bussière, pendant 57 jours otage de Boko Haram au Cameroun. Le Pape François salue un prix qui récompense «ceux qui œuvrent à la construction d'un monde plus fraternel».

Jean-Charles Putzolu – Lourdes, France

Pour sa septième édition, le prix international du père Jacques Hamel, créé par la Fédération des médias catholiques, récompense une jeune journaliste canadienne, Sarah-Christine Bourihane, pour le portrait de soeur Gilberte Bussière, “Captive et libre“, paru dans Le Verbe en mars-avril 2023.

Le prix a été remis par le nonce apostolique en France, Mgr Celestino Migliore et Roselyne Hamel, la sœur du père Jacques, à Lourdes dans le Sud-Ouest de la France, jeudi 25 janvier à l’occasion des journées saint François de Sales qui réunissent depuis 27 ans les journalistes de la presse catholique.

Un message du Pape François

Ce prix «est un heureux moyen d'encourager, soutenir, et récompenser ceux qui œuvrent à la construction d'un monde plus fraternel, dans le respect des convictions de chacun», écrit François dans un message lu par le nonce apostolique, poursuivant: «Les professions de l'information sont en première ligne de cette construction car elles participent à la formation et à l'éducation des consciences, en particulier celles des jeunes générations».

Saluant la gagnante du prix, le Saint-Père revient sur le martyre du père Hamel, qui a rendu «devant la violence sauvage et aveugle déchainée au nom de Dieu, […] un beau témoignage au Christ». Un témoignage «irremplaçable» qui «devait être largement diffusé et connu, afin de servir d'antidote aux excès de violence, d'intolérance, de haine et rejet de l'autre, dont nos sociétés sont hélas de plus en plus le théâtre».

Le défi face à une multiplication des publications et des moyens de communication, qui «véhiculent bien souvent des informations erronées, parfois volontairement fausses destinées à dresser les uns contre les autres», écrit le Souverain pontife, est de repousser «les phénomènes de radicalisation se trouvent favorisés, attisés, en particulier dans certains groupes religieux qui en viennent à prôner la violence au nom de Dieu, ce qui est un blasphème». Dans ce contexte, note encore le Pape, «la vérité est une exigence essentielle du travail journalistique au service du dialogue interreligieux».


Le témoignage de Sarah Christine Bourihane

En recevant la récompense, Sarah-Christine raconte qu’elle a entendu parler pour la première fois de soeur Gilberte lors d’une messe à laquelle elle participait à Québec. Le célébrant évoquait le sort de la religieuse de la congrégation de Notre-Dame à Montréal, libérée avec deux autres prêtres après deux mois de détention aux mains des jihadistes de Boko Haram au Cameroun. Sa curiosité grandit et elle contacte la religieuse pour un entretien. Soeur Gilberte raconte que pendant sa captivité, dans la forêt, elle s’efforçait de se remémorer des passages de l’Évangile. Avec les deux prêtres retenus en otage, ils se sont consacrés à cet exercice chaque jour, en marchant; et c’est ce qui les a aidés à tenir. Sarah-Christine a été profondément touchée par ce témoignage, qu’elle a voulu ensuite restituer pour les lecteurs de Le Verbe.

Sarah-Christine, comment l’aventure de soeur Gilberte a attiré votre attention?

En écoutant l’homélie qui retraçait le parcours de cette religieuse, je me suis demandée qui était la religieuse qui avait vécu ça. Car au Québec on imagine les religieux et religieuses comme des personnes plutôt âgées, que l’on ne voit pas dans la rue. Donc, je suis allée à sa rencontre de cette femme, qui était missionnaire en Afrique; une personne simple qui se donnait très humblement au Cameroun, au service de l’éducation. Lorsque les tensions sont apparues, elle a décidé de rester, d’être solidaire avec les personnes avec lesquelles elle partageait son quotidien. Elle a été enlevée dans le courant de la nuit.

Quelles traces laissent en vous son témoignage?

Comme chrétienne, je me suis rendue compte qu’on se préparait à la mort. On ne sait pas de quelle manière nous vivrons ce passage. On n'est pas nécessairement appelé à une vie confortable et tranquille, à avoir ses trois repas par jour. Ce que soeur Gilberte montre, c'est que jusqu'au bout, on ne sait pas à quoi Dieu nous appelle. Mais chacun est appelé au martyre ou à témoigner de sa foi en toutes circonstances. Ce témoignage m'a touchée aussi parce que dans mon histoire personnelle, j'ai un père musulman d’Algérie et une mère chrétienne. Je suis devenue chrétienne, catholique, baptisée, mais j'ai quand même cette généalogie et cette famille qui est la mienne, qui ne partage pas ma foi, devant laquelle j'ai eu à témoigner. On peut entrer dans une polarisation, mais cette femme, dans son contexte, n'a jamais exprimé une parole contre l'islam, contre ses ravisseurs. Elle n’exprime pas de rancœur et ne rentrait pas dans un discours de déshumanisation. Je la sentais très en paix. C'est l'attitude d'un chrétien.

Vous présentez votre article au concours Jacques Hamel, et on vous appelle pour vous dire…

Félicitations, vous avez gagné le prix! Oui, j'étais surprise parce que je ne m’y attendais pas. Aujourd'hui, c'est la fête de Marguerite Bourgeois qui est la fondatrice de la communauté de soeur Gilberte. C'est un message qui me dit que dans tous les événements, finalement, il y a quelque chose de plus grand. On pourrait se dire que c'est un hasard, mais c'est sûr que, comme chrétienne, je ne pouvais pas ne pas sourire à cette petite coïncidence.

Vous travaillez pour Le Verbe à Québec. Quelle est la particularité de votre média?

C’est un magazine présent sur plusieurs plateformes et imprimé, avec pour objectif d’atteindre les non croyants et les périphéries. Nous nous adressons aussi aux catholiques, mais notre mission est de rendre accessible le christianisme, de montrer la beauté d'être chrétien. Notre modèle de diffusion est la gratuité, mais nous sommes soutenus par nos lecteurs.

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25 janvier 2024, 17:00