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Le cardinal Pizzaballa à Gaza le 16 mai 2024. Le cardinal Pizzaballa à Gaza le 16 mai 2024. 

Conflit Israël-Hamas: «Nous vivons une longue nuit», estime le cardinal Pizzaballa

Dans un entretien accordé aux médias du Vatican, le patriarche latin de Jérusalem s’est exprimé sur la situation en Israël, à Gaza et en Cisjordanie. «Il est encore difficile de voir une issue», explique-t-il, mais «quand tout le monde érige des barrières, l'Église doit continuer à garder la main tendue vers les autres».

Andrea Tornielli – Cité du Vatican

«Le moment est très douloureux, nous vivons une très longue nuit. Mais nous savons aussi que les nuits ont une fin. C'est le moment où l'Église doit travailler avec tous ceux qui sont prêts à faire quelque chose de beau et de bon pour tous...». Le cardinal Pierbattista Pizzaballa, de passage à Rome, s’est confié aux médias du Vatican, revenant sur la  situation en Israël, à Gaza et en Cisjordanie.

Quelle est la situation ces jours-ci, en Israël et surtout à Gaza?

La situation n'a pas beaucoup changé par rapport au passé récent des derniers mois, avec des hauts et des bas. Gaza est désormais divisée entre le nord et le sud, Rafah et la ville de Gaza. Il fut un temps où, surtout dans le nord, l'aide humanitaire arrivait en plus grand nombre. Aujourd'hui, la situation est à nouveau un peu plus compliquée. Il y a un manque de viande, par exemple. L'approvisionnement en eau est problématique et disons que, de manière générale, la situation reste très dégradée et qu'il est très difficile de voir une issue. Il ne me semble pas que les négociations aboutissent à quelque chose et qu'il y ait une réelle volonté de la part des parties d'arriver à une conclusion. Et c'est ce que l'on perçoit, compte tenu également du front libanais qui se durcit de plus en plus. Les perspectives ne sont pas vraiment réjouissantes.

Combien y-a-t-il de victimes? D'aucuns contestent les chiffres avancés, mais les images montrent une destruction....

Destruction totale. La ville de Gaza est totalement détruite, il y a donc beaucoup de victimes. Il est difficile de donner des chiffres, mais il y en a beaucoup. C'est un fait qu'il y a toujours autant de victimes civiles.

Comment reconstruire un tissu social et une coexistence en tenant compte de ce qui s'est passé, mais en même temps en surmontant ce qui s'est passé?

Je pense qu'il est trop tôt pour en parler, maintenant qu'il y a la guerre et les traumatismes. Il faudra du temps pour comprendre l'ampleur du traumatisme qui a affecté tout le monde et ses conséquences. Il est clair qu'il faudra reconstruire. Il y a une volonté de reconstruire, je l'ai bien perçu. Mais comment, avec quels critères et avec qui? Il est encore trop tôt pour le dire.


Qu'en est-il de la situation en Cisjordanie?

La Cisjordanie est toujours au bord de l'explosion, les problèmes sont permanents, quotidiens pratiquement, surtout dans certaines zones vers le nord, dans les régions de Jénine et de Naplouse. Les affrontements entre les colons et les villageois arabes sont permanents, ce qui crée une situation d'usure qui ne mènera à rien de bon.

Vous avez mentionné précédemment l'ouverture du front nord. Nous avons assisté à un débat très animé en Israël sur les perspectives d'avenir. À quoi peut-on s'attendre?

Le débat interne existe en Israël et il existe également au Liban: personne ne veut la guerre mais personne ne semble capable de l'arrêter et c'est là le problème. Il est certain que si le front nord s'ouvre, ce sera une tragédie, surtout pour le Liban, qui risque de devenir un autre Gaza, du moins dans sa partie sud. Je ne suis pas un expert des questions militaires, mais le paysage reste très tendu, toujours au bord d'une nouvelle escalade.

Quelle est la vie des chrétiens dans un tel contexte?

Les chrétiens ne sont pas un peuple à part, ils vivent ce que tout le monde vit. Nous connaissons malheureusement la situation à Gaza, mais elle est également très problématique en Cisjordanie, notamment d'un point de vue économique. Il y a une situation de paralysie, il n'y a pas ou peu de travail et cela rend les perspectives d'émigration de plus en plus attrayantes, hélas surtout pour les chrétiens.

Regardons l'après-guerre, la fin de la guerre. Que peut faire la communauté internationale? Qui pourrait contribuer le plus à l'instauration de la paix?

Faire la paix, pour l'instant, semble être un objectif trop lointain. Pour l'instant, la politique, la communauté internationale doit avant tout s'efforcer d'arrêter le conflit. Faire la paix et arriver à des perspectives politiques plus sérieuses prendra certainement beaucoup de temps. La communauté internationale doit trouver un moyen d'amener Israël et le Hamas à mettre fin au conflit et à conclure un cessez-le-feu qui représente un premier pas vers quelque chose de plus substantiel, de plus solide et de plus stable.

Le résultat des prochaines élections américaines pèsera également sur ce panorama...

Il est certain que les élections américaines auront une influence. Mais je crois que les solutions doivent être trouvées sur place. Entre les deux parties, entre Israël et le Hamas.


Est-il possible d'acheminer de l'aide à Gaza?

Nous travaillons pour cela, et le Patriarcat latin s'efforce d'acheminer de l'aide. Le premier stock de quelques tonnes de nourriture et de produits de première nécessité devrait arriver. Il y a beaucoup de travail à faire, il y a plus de deux millions de personnes.

Quel est le regard du patriarche latin de Jérusalem sur ce qui se passe? Quel est le regard de l'homme de foi face à tout cela?

L'espérance est fille de la foi. Le moment est très douloureux, nous vivons une très longue nuit. Mais nous savons aussi que les nuits ont une fin. C'est le moment où l'Église doit être présente sur le territoire, être proche, travailler avec tous ceux qui sont prêts à faire quelque chose de beau et de bon pour tous. Quand tout le monde dresse des barrières les uns contre les autres, l'Église doit continuer à garder toujours la main tendue vers l'autre. C'est notre tâche qui découle de notre expérience de foi, c'est ce que nous sommes appelés à faire en ce moment.

Vous sentez-vous accompagné par l'Église universelle?

Oui, le Saint-Père a toujours été très proche de nous et continue de l'être. Comme tant de diocèses dans le monde.

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26 juin 2024, 15:40