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Manifestations contre la vie chère en Martinique. Manifestations contre la vie chère en Martinique.  (AFP or licensors)

Grogne sociale en Martinique: l’Église catholique se mobilise

Depuis le début du mois de septembre, la Martinique est secouée par des manifestations contre la vie chère. Les manifestants réclament un alignement des prix sur ceux appliqués en métropole. Les rassemblements censés être pacifiques ont dégénéré en violences urbaines. Après plusieurs nuits d’émeute, la préfecture a décrété un couvre-feu dans certains quartiers de Fort-de-France. Face à cette situation sociale grave, l’Église catholique ne reste pas inactive.

Augustine Asta – Cité du Vatican

«L'inquiétude pour la vie chère dure depuis plus de dix ans. C'est un gros problème qui revient chaque fois et qui crée des frustrations parmi l'ensemble de la population, notamment les plus démunis». Mgr David Macaire, archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France en Martinique décrit avec ces mots la réalité des populations de ce département d’outre-mer français, secoué par une vive grogne sociale depuis 3 semaines déjà. Et c’est dans ce contexte, que la préfecture de la Martinique a annoncé lundi dernier la prolongation jusqu'à ce jeudi du couvre-feu partiel mis en place depuis le 18 septembre. Des violences enregistrées en Martinique ont touché plusieurs communes de l'île.

Mgr David Macaire, archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France en Martinique.

“Les services sociaux, l'Église, les communautés, les groupes, les mouvements caritatifs, nous remontent énormément de misères, souvent cachées, de familles qui ne peuvent pas se nourrir. Les familles nombreuses sont même presque obligées de s'expatrier, de partir vers la métropole pour pouvoir vivre un peu mieux. Ici on à un niveau de vie qui est 40 % plus élevé qu'en métropole”

«Le gros problème de nos îles des Antilles, en particulier de la Martinique, c'est qu’on a bâti une société qui est l'antithèse de Laudato Si, l'encyclique du Saint-Père. On a un mode de vie assez égoïste qui a été promu depuis une cinquantaine d'années, qui est absolument contraire à notre culture», a surtout déploré l’archevêque. «On est tous dans des voitures, pris dans des embouteillages, on a de grands centres commerciaux qui tournent à plein régime et une vision de l'existence très occidentale», a-t-il poursuivi.

La violence enregistrée ces dernières années en Martinique «vient aussi de souffrances qui ne sont pas simplement d'ordre économique mais qui sont également d'ordre psychologique, social», a décrié Mgr Macaire. C’est pourquoi l’archevêque salue le travail que mènent «les forces de l'ordre qui risquent leur vie pour faire en sorte que l'ordre soit rétabli sans qu'il y ait trop de violence d'un côté comme de l'autre».

Le vieillissement de la population

Autre véritable problème dans les Antilles françaises, souligne Mgr David Macaire, c’est le vieillissement de la population. «Il y a 30 ans, on était les plus jeunes départements de France. Aujourd'hui, on est parmi les plus âgés, beaucoup de nos jeunes et parfois de nos élites sont partis ailleurs, en France, en Europe, au Canada et ne souhaitent pas forcément revenir», a-t-il remarqué. Cette crise démographique impacte sur la vie de l’Église. «Nous manquons malheureusement de militants chrétiens. Nous avons beaucoup de fidèles, mais avec le vieillissement de la population, nos fidèles sont moins engagés dans la société», affirme t-il.

«Encourager aussi un autre style de vie»

Afin d'accompagner le retour au calme et à la tranquillité dans cette région d'outre-mer où vivent environ 350.000 habitants, l’Église est au chevet de la population. «Nous avons les mouvements comme le Secours Catholique, Saint-Vincent-de-Paul, mais aussi une multitude de petites associations ou d'initiatives privées qui sont coordonnées dans un comité diocésain de solidarité» qui mènent diverses activités pour «encourager aussi un autre style de vie», a précisé Mgr Macaire. «Nous avons aussi des boutiques solidaires et des lieux de partage», a-t-il ajouté.

Mais au-delà de «l'aide d'urgence», les Martiniquais «veulent vivre d’eux même. Ils n'ont pas envie de vivre de mendicité, c’est pourquoi il faut revenir à une façon de vivre plus solidaire», fait-il savoir.

Pour Mgr Macaire, il faut certes condamner ces violences, mais il ne faut «pas ignorer qu'elles se basent sur un cri de douleur, sur une souffrance. Et il faut aussi entendre ce cri, parce que sinon les violences vont recommencer».

“La Martinique est un très beau pays et paisible. La population a envie de retrouver les rires et la joie. Mais parfois, il y a une violence qui s'exprime lorsque "trop c'est trop". Alors l'Église est là comme un lieu de de paix. La foi est très importante. Nous devons apprendre à dialoguer sereinement entre nous et à montrer une vraie société solidaire parce que Dieu nous y appelle. Nous avons d’ailleurs une parfaite indication dans Laudato Si”

La Martinique est «un pays qui doit trouver une vraie guérison intérieure. Nous devons trouver ce chemin avec toute la population sans écarter personne», a conclu l’archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France.

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26 septembre 2024, 09:55