Les églises prises pour cibles en Nouvelle-Calédonie
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
S’il y a bien quelque chose qui demeure un mystère, c’est la raison pour laquelle six églises ont été incendiées à travers l’archipel de Nouvelle-Calédonie depuis mi-juillet. La seule chose de sûre pour l’archevêque de Nouméa, «c’est la volonté de nuire», compte-tenu du nombre de départs de feu. La piste accidentelle est exclue d’emblée par les enquêteurs. Mais pourquoi en vouloir à ces lieux de culte? Là aussi, difficile de le savoir, les incendiaires, qui demeurent inconnus, ne laissant pas d’explication à leur geste.
Plusieurs pistes sont avancées dont la supposée implication de l’Église catholique dans la conquête coloniale de la Nouvelle-Calédonie par la France. «L’Église catholique comme l’Église évangélique protestante ont été reçues par les Mélanésiens avant la prise de possession et le premier évêque était déjà mort avant» 1853, date officielle du rattachement à la France, recadre l’archevêque. Mgr Calvet remarque en revanche que ce sont les bâtiments qui «représentent une société organisée» qui ont été vandalisés depuis le début des émeutes mi-mai.
Les jeunes manipulés
De nombreux témoignages font état de jeunes impliqués plus généralement dans les violences qui ont suivi l’adoption par l’Assemblée nationale à Paris d’une loi redéfinissant le corps électoral néo-calédonien. Mais là aussi, Mgr Calvet souligne qu’ils étaient encadrés par des adultes. «Certains se sont faits manifestement utilisés dans des choses qu’ils ne comprenaient pas», incapables d’expliquer le discours qu’ils répétaient ou le sens de leurs actions, «sans pouvoir mettre deux idées bout à bout» poursuit-il. «Il y a des jeunes qui n’ont pas compris la société dans laquelle ils étaient, donc pour eux c’était comme une fête. Il y avait aussi énormément d’alcool, du cannabis en quantité, dans certains c’était même orchestré».
Face à ces attaques, la question primordiale est la protection des églises. «J’ai dit aux paroissiens, explique l’archevêque, que ce n’était pas moi en tant qu’évêque qui peut les protéger». Message reçu par les fidèles qui, «très rapidement se sont organisés pour défendre pacifiquement leurs églises et assurer le gardiennage des bâtiments de la paroisse» poursuit Mgr Calvet qui a demandé par ailleurs que le Saint-Sacrement ne soit plus gardé dans les églises qui sont à risque. «À tour de rôle, ils font des rondes, parfois en certains endroits, 24 heures sur 24».
Nécessité de résoudre les problèmes institutionnels et politiques
Dans ce contexte, les politiques ne semblent pas à la hauteur de la situation, estime l’archevêque de Nouméa. «Il y a eu une perte de contact avec une certaine réalité de la part des politiques qui se sont uniquement focalisés sur des questions uniquement institutionnelles et qui ne voulaient rien dire d’autre et qui, par peur de se contredire, répétaient la même chose. Pendant ce temps-là, les questions économiques ont été oubliées et elles vont maintenant se rappeler durement» détaille-t-il.
Ce constat établi, Mgr Calvet est sûr d’une chose: «Quand on vit sur une île, quand on n’est pas d’accord avec quelqu’un, on fait une chose que l’on fait aussi sur un bateau. Tout le monde reste à bord et on ne jette pas les autres à la mer. De quelque manière que l’on s’y prenne, il n’y a pas des gens qui ont des droits et d’autres pas», affirme-t-il.
Un espoir demeure toutefois aux yeux du chef de l’Église catholique de l’archipel, celui d’une meilleure connaissance de la doctrine sociale de l’Église de la part des chefs coutumiers et des responsables politiques pour aider à sortir par le haut de cette crise.
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