À Qaraqosh un an après l’incendie, la douleur reste vive
Marine Henriot – Cité du Vatican
Le 26 septembre 2023, dans la ville à majorité chrétienne du nord de l’Irak, la fête a tourné au drame: alors que des centaines d’invités célébraient un mariage, des étincelles des feux d’artifices ont provoqué un incendie, dans lequel 100 personnes sont mortes le jour même et 150 ont été blessées. L’enquête révélera que la salle de mariage n’était pas construite aux normes de sécurité, mais avec des matériaux hautement inflammables.
Ce qui pourrait paraître comme un fait divers est en réalité une illustration des épreuves que Qaraqosh a dû traverser depuis la prise de la plaine de Ninive par les djihadistes de l’État islamique (EI) en 2014. Comme Mossoul, ville dans laquelle les terroristes ont auto-proclamé leur fief, la ville de Qaraqosh, à une trentaine de kilomètres de là, avait été saccagée. Après la déroute de l’EI en 2017, l'ancienne capitale des syriaques catholiques a été lentement reconstruite. «Nous pouvons nous demander ‘’si Daesh n’avait pas pris la plaine de Ninive, est-ce que cet incendie aurait eu lieu?», questionne Faraj-Benoit Camurat, fondateur et directeur de l’association française Fraternité en Irak, qui vient en aide aux minorités religieuses d’Irak.
Une ville martyre
En effet, l’incendie est une conséquence indirecte de la prise de plaine de Ninive, qui démontre que «la reconstruction après la libération de Qaraqosh s’est faite un peu vite, cette salle de mariage n’a pas été construite selon les normes incendies nécessaires».
Un an plus tard, le nombre de morts s’élève à 170. Un chiffre énorme proportionnellement aux 25 000 habitants de la ville. Des familles entières ont été décimées par l’incendie. «Tout le monde connaît au moins une victime», soupire Faraj-Benoît Camurat. Parmi ces victimes, beaucoup de famille très pauvres de la ville, le marié était boulanger, les invités «des gens du peuple».
L’incendie est par ailleurs survenu alors que la population reste traumatisée par l’épisode de Daesh et son déplacement depuis la plaine de Ninive vers les camps de réfugiés d’Erbil. Pour certains habitants de Qaraqosh qui commençaient tout juste à retrouver une vie quotidienne décente, cet incendie fut la goutte de trop: quelques dizaines de Qaraqoshis ont fait le difficile choix de quitter leur pays pour s’installer à l’étranger. «Il faut comprendre qu’après l’incendie, l’environnement psychologique était très particulier, la ville était en deuil, tout le monde habillé en noir, avec des enterrements tous les jours», précise le directeur de Fraternité en Irak.
Après le drame, le gouvernement irakien a ordonné l’inspection de toutes les salles de mariage du pays et la majorité fut fermée, n’étant pas construite aux normes.
L’assistance aux blessés
Dans cette épreuve, l’Église syriaque catholique et son évêque arrivé en février 2023, Mgr Younan Hano, se tiennent aux cotés de la population. Aujourd’hui, 8 blessés graves, dont 5 enfants, sont aidés directement par l’archéparchie et l’association Fraternité en Irak.
Après la destruction de Qaraqosh, l’hôpital de la ville a été reconstruit mais pas à son niveau antérieur, si bien que la structure de soins pour les grands brûlés la plus proche est en Jordanie. Régulièrement, un prêtre de Qaraqosh amène les blessés en Jordanie par avion. Des personnes qui auront encore besoin de soins hospitaliers pour les années qui viennent, précise Faraj-Benoît Camurat.
Malgré les épreuves, la vie à Qaraqosh, comme les palmiers dattiers aux abords de la ville, fleurit. Dans ce berceau de vie culturelle chrétienne, les familles ont la possibilité d’élever leurs enfants, d'avoir accès aux écoles et certains exilés font le choix de revenir.
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