RDC: 70 ans de l’Université Loyola du Congo, une institution vieille et neuve
Stanislas Kambashi, SJ et Fabrice Bagendekere, SJ - Cité du Vatican
Les jésuites sont connus à travers le monde et l’histoire pour leur engagement, notamment dans l’éducation à tous les niveaux. Empires, royaumes et républiques ont recouru à la Compagnie de Jésus pour leur apostolat éducatif combien loué. En République Démocratique du Congo, la présence et l’histoire de ces religieux est liée à l’histoire et l’évolution de l’éducation nationale. Pionniers de l’éducation normale, comme il était dit à l’époque coloniale pour la différentier des écoles de métier qui ont été les premiers établissements scolaires mis en place par le système colonial, les jésuites ont été encore à la base de l’enseignement supérieure dans ce géant de l’Afrique, en collaborant à la création de la première université du pays. La toute première faculté de philosophie, fondée la même année par ces religieux, et qui a évolué aujourd’hui en Univesrité Loyola du Congo, fête cette année 70 ans d’existence. C’est à ce titre qu’un colloque international a été organisé au sein de la dite université pour dresser un bilan et des perspectives de l'éducation jésuite en République Démocratique du Congo, mais aussi dans toute la région de l'Afrique Centrale.
Le début des universités en République Démocratique du Congo
C’est en 1954 que les jésuites initient, en collaboration avec la fondation Lovanium, l’Université Lovanium, connu actuellement sous le nom d’Université de Kinshasa. En même temps, ils érigeaient un scolasticat qui devait prendre en charge les étudiants jésuites pour les études de philosophie. Ce sera alors le point de départ de l’enseignement supérieur dans ce pays, avec ensuite l’avènement de l’Université de Kisangani et, l’Université de Lubumbashi respectivement sous la gestion de l’Eglise protestante et la dernière, plutôt laïque. Avec les nécessités et l’évolution de la situation ecclésiale que du pays, ce qui était initialement réservé aux seuls scolastiques jésuites s’ouvrira progressivement aux autres congrégations religieuses, et plus tard, à toute personne. Le progrès continuera, jusqu’à son érection en faculté, avec l’arrêté ministériel et l’intégration d’un plus grand ensemble, dénommé aujourd'hui Université Loyola du Congo. En effet, à côté de la Faculté de philosophie, les jésuites de la province d’Afrique Centrale, dans le souci de «répondre à un besoin de sécurité alimentaire» qui se faisait sentir en ce moment, avaient initié en 1994, une Faculté des sciences agronomiques et vétérinaires. Plus tard, en 2014, une autre faculté naîtra, la Faculté des sciences et technologies, pour répondre au besoin d’adaptation aux nouvelles technologies. C’est deux ans plus tard, en 2016, que l’état congolais reconnaitra l’Université Loyola du Congo, fusion des trois facultés. Ce ne fut donc pas la création d'une université, mais la transformation des facultés qui existaient déjà. L’Université Loyola du Congo est ainsi l'une des plus vieilles et nouvelles institutions académiques au Congo.
La cura personalis, une spécificité de l’éduction jésuite
Quoi qu’encore se dévelopant, l’Université Loyola du Congo est connue pour la différence de la qualité qu’elle impulse dans son système académique, dans un pays où le système éducatif est décrié. Selon le père Ferdinand Muhigirwa, recteur de cette institution, ce qui rend spécifique l’éducation jésuite et qui est mis en pratique à l’ULC, est «la cura personalis», c'est-à-dire une attention particulière au progrès personnel de chaque étudiant. En philosphie, par exemple, un accent particulier est mis sur les séminaires et sur le «De universa» (DU), l'examen qui récapitule l'ensemble du cursus académique et qui permet à l’institution d’évaluer les capacités et la progression individuelles des étudiants et, par là, de juger comment ils ont muri leur capacité de «réflexion philosophique, de la pensée critique». Dans la Faculté agro-vétérinaire, il s’agit plutôt d’un bon alliage de la théorie à la pratique. Cette école représente «l’une des rares facultés des sciences agronomiques et vétérinaires qui offre aux étudiants des possibilités réelles de mettre la main à la pâte. Chaque étudiant chez nous a une portion, une plate-banque où il met en pratique ce qu'il a appris. Ceci fait que les étudiants des facultés d'agronomie environnantes viennent faire la pratique chez nous», a déclaré le prêtre jésuite. Quant à la la Faculté des sciences et technologies, l’accent est mis sur le suivi, la pratique, l'accompagnement des jeunes étudiants, notamment en leur offrant beaucoup de temps de laboratoire et de stage dans les entreprises. Et selon le père Muhigirwa, «cette faculté se défend très bien et fait même la fierté de la RDC».
Une attention aux besoins de la société
Pour nombre d'observateurs, l'un des facteurs qui contribuent à la dépréciation du système éducatif congolais est son inadaptation aux besoins de la société et du temps. Pour relever ce défi, l’Univesrité Loyola du Congo, par son corps académique, engage régulièrement des enquêtes auprès des entreprises pour s’enquérir de leurs besoins et leurs prospectives, notamment en termes «des techniciens et d’ingénieurs». Selon le recteur de l’ULC, ces enquêtes font que leur «formation soit toujours adaptée», avec comme résultat direct que tous les ingénieurs produits, surtout en matière de technologie, soient employés à 100 pour 100. Dans le cadre agronomique, l’université développe des projets de planification pour essayer de répondre au besoin alimentaire de la population par des moyens locaux. Des projets comme la fabrication du pain à base de manioc, des fermes agropastorales, l’encadrement des communautés locales sur les techniques agricoles ou pastorales, des analyses de la productivité du sol, etc. Quant à la philosophie, elle prend en charge les questions sociétales, notamment par l’organisation des conférences publiques et des journées de réflexion, dites journées philosophiques. Elle met aussi à la disposition du public des revues, produites respectivement par les professeurs et les étudiants, répondant à une thématique pensée par une équipe rédactionnelle. La faculté de philosophie met aussi à la disposition des étudiants et chercheurs une bibliothèque fournie de plus de 100 000 volumes, chaque fois renouvelée.
Un projet qui doit encore se poursuivre
Selon le recteur de l’ULC, cette institution possède encore beaucoup des perspectives à explorer. Déjà, dit-il, l’arrêté ministériel qui octroyait la création de l’Université Loyola du Congo offrait la possibilité de commencer deux autres facultés, une des sciences sociales et gestion et une autre d'administration des affaires. Selon le père Muhigirwa, ces deux entités sont également importantes pour répondre à deux besoins principaux que présente le climat socio-politique actuel. La question des migrations, par exemple, suscite un besoin d’études approfondies des sociologues, d’où l’idée d’une faculté des sciences sociales dont les réflexions seront particulièrement orientées vers ce phénomène invasif, «dans toute l'Afrique en général, mais surtout dans la région des Grands Lacs». La faculté d’administration des affaires répondra au besoin de management minier, dans une pays «scandale géologique» mais dont la gestion minière semble jusque-là ne pas être avantageuse pour la population. «Nous pensons qu'il manque les écoles des mines. Celles qui existaient dans le temps n'existent plus. Ainsi pensons-nous que nous devrions former des personnes en business mining. Ceci représente un réel besoin au niveau des entreprises minières au Katanga, mais aussi dans d’autres parties du Congo», a affirmé le jésuite congolais. Néanmoins, tout en constituant des points forts pour cette université, ces différentes ambitions représentent en même temps des défis exigeant une forte mobilisation en termes de fonds pour pourvoir au besoin en infrastructure et personnel, pour lesquels le recteur de l’Université Loyola au Congo en appelle à toute bonne volonté.
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