Cessez-le-feu au Liban: la Caritas s’inquiète de l’avenir incertain des déplacés
Marie Duhamel – Cité du Vatican
Une première nuit sans la crainte de subir une pluie de feu. Après d’ultimes salves de roquettes tirées par le Hezbollah, suivie d’intenses bombardements israéliens sur Beyrouth, un cessez-le feu a est donc entré en vigueur mercredi 27 novembre au matin au Liban. À Beyrouth, le Conseil des ministres a validé l’accord en 13 points négocié entre les parties sous l’égide des États-Unis. Cette annonce, explique d’une voix encore tremblante le père Michel Abboud, fut avant tout «un soupir» de soulagement, après deux mois d’une guerre ouverte menée par le gouvernement de Benyamin Netanyahu contre le Hezbollah.
Au Liban, la peur fut progressive, précise le directeur de Caritas Liban. Les frappes visant les membres du mouvement chiite armé avaient commencé très vite après le 7 octobre, et pour accélérer le retour de 60 000 Israéliens contraints de s’éloigner de la frontière commune, Israël avait lancé ses unités militaires sur le sol libanais le 23 septembre dernier. «La guerre avait fini par se propager à l’ensemble du pays», poussant au final l’ensemble de la population à être «dominé par la peur». Selon les autorités libanaises, plus de 3800 personnes ont perdu la vie en 13 mois, dont 222 membres du personnel de santé et, précise l’Unicef, 240 enfants.
Feux d’artifice et bouchons
À l’annonce du cessez-le-feu, le soulagement a fait place à des explosions de joie. Des V de la victoire et drapeaux du Hezbollah ont été brandis, mais l’émotion était collective. «Dans la rue, les gens ont commencé à fêter la nouvelle», rapporte le père Abboud. «Ce cessez-le-feu est un espoir de paix, et nous sentons de la joie au fond de nous-mêmes, nous la voyons dans les regards que l’on croise», et ce malgré les deuils et les ruines, malgré aussi la crainte nourrie par les expériences passées. «Lors des guerres civiles, avec Israël ou la Syrie, il y a eu des cessez-le feu mais toujours la guerre et revenue», note le prêtre carmélite.
L’envie de revoir son foyer
Les affrontements ont jeté sur les routes près 1,2 million de Libanais et «des milliers de personnes ont repris la route en voitures», provoquant d’importants embouteillages vers la Bekaa à l'est du pays et vers le sud. L’armée pourtant, souligne le prêtre, a mis en garde contre un retour prématuré sur place. Au sud, la zone est probablement contaminée, «ce qui équivaut à un danger de mort», et les combattants y sont encore présents. Les troupes israéliennes ont 60 jours pour évacuer tandis que dans le même laps de temps, le Hezbollah doit se retirer au nord du fleuve Litani, à plus de 20 km de la frontière. Hier, pour essayer d’enrayer un flot incontrôlé de civils, l’armée israélienne a tiré des obus d’artillerie vers Kfar Kila et Khyam, quatre heures après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.
«La crise d’après la crise»
Certains espèrent pouvoir retrouver leur domicile ou s’en rapprocher, quitte à le voir détruit et à dormir chez des voisins, mais d’autres sont restés dans les centres d’accueil improvisés fin septembre dans plus de 340 écoles publiques du pays. Leurs villages ont été totalement détruits. «Nous voulons et nous devons les aider», affirme le père Abboud. Reste à savoir comment.
Le mercredi 27 novembre, le ministre sortant de l’Éducation a annoncé la reprise des cours en présentiel dès ce jeudi dans les écoles et universités privées, et les établissements scolaires dépendant de l’État ont également vocation à rouvrir. Mais «où iront tous ces gens?», s’interroge le directeur de Caritas Liban. «Nous sommes en train de préparer la crise d’après crise», explique-t-il. «Tant de gens ont perdu leur emploi», car rappelle-t-il, la guerre s’est greffée à une crise économique qui dure depuis plus de 5 ans. Ces gens n’ont pas la possibilité de vivre dignement, «ils ont été aidés par les associations caritatives, et nous voulons continuer à les soutenir» assure le prêtre libanais, mais avec quelle ressource économique?
«Ce n’est pas comme après l’explosion du port de Beyrouth, ni même comme après la guerre de 2006. En 2006, plusieurs pays ont contribué à la reconstruction des maisons. Maintenant non. Pour le moment aucun projet de reconstruction n’est prévu pour les individus», déplore le directeur de la Caritas Liban. L’organisation a entrepris d’écrire à tous ses donateurs. «La Providence divine était avec nous pendant cette guerre, nous avons la foi qu’elle ne nous laissera pas tomber».
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