Pour une meilleure insertion des prêtres africains en mission en Europe
Stanislas Kambashi, SJ et Fabrice Bagendekere, SJ – Cité du Vatican
La conférence des évêques de France est réunie en assemblée plénière ordinaire à Lourdes. Ce rassemblement, qui a débuté le 5 de ce mois, et qui doit se terminer ce dimanche, a requis la présence de quelques évêques africains, étant donné les problématiques proposées à la réflexion de ces assises. Il s’agit notamment de la question des prêtres africains en mission en Europe. Il était question pour les prélats africains de contribuer, par leur réflexions et propositions, à une meilleure insertion de ces prêtres africains exerçant leur ministère en Europe. Cette question a été abordée par Mgr Gabriel Sayaogo, archevêque de Koupéla, au Burkina Faso, Co-président Sud de la Fondation Internationale Religions et Sociétés (Mission et Éducation). Cette Fondation, mise en place depuis 2017, a pour but de réfléchir sur l'éducation catholique en Afrique, mais aussi de voir comment accompagner les prêtres africains qui viennent en mission en Europe. Dans l'entretien qu'il a accordé à Radio Vatican - Vatican News, le prélat burkinabè est revenu sur les défis qu'affrontent ces missionnaires dans leurs nouveaux lieux de mission.
Un obstacle majeur: les décalages culturels entre l’Afrique et l’Europe
Un des éléments décriés par les africains dans l’évangélisation de leur continent est le fait que les missionnaires, venus principalement de l'Occident, «n’ont pas tellement pris en compte les cultures africaines». C’est de ce constat amère qu’est né le mouvement et concept d'inculturation, a déclaré Mgr Sayaogo. Il s’agit de faire revivre le fondamental africain, son être social qui avait été rejeté sous le fait d’un «Christianisme sans fétiche». Le même défi attend aujourd’hui les prêtres africains appelés à manifester «la circularité des dons et des grâces de Dieu dans son Église», œuvrant dans les églises sœurs de l’Europe. Le risque est de «s'imposer ou du moins imposer une culture qu'il connaît bien, une culture dans laquelle il est né, une culture dans laquelle il a grandi, et rejeter bien sûr la culture qui l'accueille», affirme l’archevêque de Koupéla. Il faut donc trouver un moyen de «concilier ces deux pour qu’un prêtre, bien imbibé de sa culture africaine, réussisse à entrer en contact avec la culture européenne, ainsi être efficace dans sa mission», déclare le prélat burkinabè. Pour cela, il encourage à mettre en place dans tous les diocèses qui accueillent ces prêtres missionnais, des parcours d'intégration, comme il en est le cas dans certaines églises, notamment en France. Selon Mgr Sayaogo, ceci permet aux nouveaux missionnaires de savoir «à quoi s'attend la population qui les accueille et qu'est-ce qu'eux-mêmes... sont en mesure de donner».
Un «certain confort» perdu
Selon le Co-président Sud de la Fondation Internationale Religions et Sociétés, le prêtre, en Afrique, vit dans «un certain confort», c'est-à-dire que les ministres ordonnés ont à leur portée un minimum de services répondant à certains de leurs besoins. «En Afrique le prêtre ne se fait pas à manger lui-même, il y a un service qui lui permet d'être blanchi, il a déjà une maison qui l’accueille, un toit, et là, bien sûr, le bureau». Tel n’est pas le cas en Europe, affirme l’ordinaire de Koupéla. «Il doit faire le courses pour se faire à manger, il n'a pas quelqu'un qui lui lave les habits (...) Il vit de son salaire. S’il est malade, c'est à partir de ce salaire qu’il doit se faire soigner. C'est à partir de ce salaire qu'il doit se déplacer pour faire la mission…». Un tel déphasage peut constituer un obstacle pour l’épanouissement du prêtre et le bon accomplissement de la mission, affirme-t-il.
Une moisson aride
Un autre défi posé au prêtre africain déplacé en Europe est la carence des chrétiens dans les églises. En Afrique, les églises sont encore pleines et les fidèles s'approchent facilement de leurs pasteurs. «Quand il ouvre le bureau, quelquefois le prêtre (…) n'a pas le temps de considérer les heures de repas, les heures de prière. Quand il veut célébrer, quel que soit l'endroit, que ce soit dans un village, que ce soit au chef lieu... il a toujours des églises bondées», constate Mgr Sayaogo. Tel n’est plus le cas en Europe où, même le dimanche, les participations à la messe sont modestes. Pour le prélat burkinabè, cela mène au dépaysement. Cette situation peut conduire à des interrogations telles que «qu'est-ce que je suis venu faire ici?», fait remarquer l'évêque, considérant le fait qu’il reste un besoin de renforcement de présence sacerdotale dans certaines zones rurales africaines où des chrétiens sont obligés de parcourir des dizaines de kilomètres pour participer à l'Eucharistie. Ceci, et tout ce qui précède, requière un changement de mentalités, sans lequel l’intégration complète du prêtre n’est possible, déclare-t-il. D’où la nécessité, selon le prélat, de conjuguer les forces pour pouvoir «acquérir des structures où les prêtres seraient formés avant qu’ils ne soient envoyés en mission». Il s’agit, exactement, de créer un institut pastoral offrant un parcours préparatif à la fois intellectuel, social et missionnaire, a souligné le Co-président Sud de la Fondation Internationale Religions et Sociétés.
Besoin de réguler la programmation du phénomène fidei donum
Fidei donum, en latin «le don de la foi» est le titre de l'encyclique publiée par le Pape Pie XII le 21 avril 1957. Dans ce document magistériel, «le pape demandait aux évêques d'autoriser leurs prêtres diocésains à répondre aux appels des missions d'outremer, notamment en Afrique et en Amérique latine, tout en restant attachés à leur diocèse d'origine et quitte à y revenir après plusieurs années». En raison de la baisse des vocations dans certains pays occidentaux, les évêques font désormais appel à des prêtres Fidei donum notamment de l’Afrique et de l’Amérique. Il y a plusieurs modes par lesquels les prêtres arrivent en Europe, a fait remarquer Mgr Sayaogo. «Il y en a qui arrivent en Europe de par une convention dûment signée entre deux évêques. Il y a ceux qui sont là parce que leurs évêques les ont envoyés pour faire des études (…) Il y a aussi ceux qui, après s'être donnés pour la pastorale en Afrique, ayant des problèmes de santé, avec l'accord de leurs évêques, viennent en Europe parce que le plateau sanitaire est plus performant». Par ailleurs, il arrive que des prêtres se retrouvent dans des pays européens sans un accord avec son évêque, déplore-t-il. A ceci s’ajoutent les prêtres venus pour les études et qui résistent à retourner dans leur diocèse alors que «l'évêque l'a envoyé, comptant sur lui pour assurer un ministère quelconque au pays». Ceci, a affirmé l’évêque burkinabè, donne l'impression que le nombre des prêtres déborde «au sud», alors que c’est un vide qui se crée dans les planifications diocésaines. Au vu de toutes de ces irrégularités, Mgr Sayaogo demande qu’une entente préalable soit toujours faite entre les évêques avant tout engagement avec un prêtre étranger.
Au sortir du synode, quatre évêques africains avaient étés invités par leurs confrères de France pour échanger notamment autour du Pacte Educatif africain, conçu sur le modèle du Pacte éducatif global du Pape François. Il s’agit du cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa (RDC) et président du Symoposium des Conférences épiscopales d’Afrique et Madagasacar (SCEAM); du cardinal Antoine Kambanda, archevêque de Kigali (Rwanda); de Mgr Gabriel Sayaogo, archevêque de Koupéla, (Burkina Faso), de Mgr Inacio Saure, archevêque de Nampula (Mozambique). Etait également présent aux côtés des évêques africains, le professeur rwandais Jean Paul Niyigena, secrétaire de la Fondation Internationale Religions et Sociétés et consulteur du Dicastère pour la Culture et l’Éducation.
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