60 ans après son martyre, l’aumônerie congolaise de Rome célèbre la bienheureuse Anuarite
Stanislas Kambashi et Fabrice Bagendekere, SJ – Cité du Vatican
Les martyrs constituent l’un des piliers sur lesquels est bâtie l’Eglise. Leur nombre dans une église particulière témoigne de sa maturité. Sur ce fait, l’Eglise de la République Démocratique du Congo continue à allonger la liste des témoignages, autour desquels une spiritualité et une dévotion se développent sur l’étendue du pays et ailleurs en Afrique. Une de toutes premières figures fut la bienheureuse Marie Clémentine Alphonsine Nengapeta Anuarite, dont se commémore cette année le 60ème anniversaire du martyre. Béatifiée par le saint Pape Jean-Paul II en 1985, cette religieuse morte à 25 ans, a été proclamée par le pape polonais martyre de la pureté. Elle est devenue dès lors le modèle de fidélité religieuse pour tous les consacrés de ces pays, mais aussi de toute l’Afrique. Sa figure est vénérée partout au Congo et dans les pays africains, lui dédiant Cathédrales, églises, sanctuaires, établissements scolaires, centres hospitaliers, et tant d’autres institutions ecclésiales. Sa mémoire liturgique est célébrée le 1er décembre.
Anuarite, une fierté pour toute une nation
Dans un pays où beaucoup de mémoires sont facilement «jetées dans l’oubli», la figure de sœur Anuarite est plutôt une étoile brillante dans un ciel d’azur. Elle représente une figure de fierté pour tous les congolais qui ont vu pour la première fois une de ses filles être portée sur les autels. Une fierté au-delà de l’Eglise qui, par ailleurs, témoignait par cet avènement de sa maturité dans cette partie du globe. Entrée dans la vie religieuse à 16 ans, Marie Clémentine sera assassinée 9 ans plus tard, pour avoir refusé de s’offrir à un général de la rébellion Simba qui semait la terreur dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo, Zaïre à cette époque. Malgré les menaces proférées par les rebelles, la jeune professe résista jusqu’au bout, préférant «mourir plutôt que de pêcher». Selon le père carme Roger Tshimanga, aumônier de la communauté congolaise à Rome, «c'est une fierté pour une église qui est en train de se solidifier, une église qui comprend ce que signifie porter la croix du Christ et marcher derrière ses pas».
Anuarite, une mémoire de tous les martyres d’une guerre imposée
Les luttes post-coloniales qui ont éclaté en République Démocratique du Congo ont été une prémisse à des violences qui continuent à semer la désolation dans ce pays, surtout dans sa partie orientale. Soutenues par des puissances étrangères et des multinationales, des rébellions ne cessent de naître, de se développer et de se transformer, avec comme principal objectif le pillage des ressources naturelles que ce pays regorge en quantité. Commémorer le martyre de la bienheureuse Anuarite donne alors une occasion d'évoquer les millions de martyrs dont le sang continue à se répandre dans ces conflits, nous dit le prêtre congolais. «Nous célébrons le courage d'une chrétienté meurtrie. En effet la situation qu’a connue Anuarite et qui l'a conduite au martyre, continue jusqu'aujourd'hui. Des jeunes perdent la vie, des enfants perdent la vie, des parents perdent la vie et beaucoup de martyrs sont parmi tous ceux qui sont en train de partir, même si nous n'avons pas leur histoire. Heureusement pour Anuarite, nous avons son histoire, une histoire qui nous montre comment elle a défendu la croix du Christ», a déclaré l’aumônier de la communauté congolaise de Rome. Pour le prêtre congolais, la souffrance de ses compatriotes est comme «marcher avec le sang qui coule de nos cœurs».
La figure d’Anuarite, signe de la maturité de l’Eglise congolaise
L’histoire d’Anuarite est d’abord une histoire d’une sainteté vécue et d’une religieuse qui a lutté dès les premiers instants de sa vocation. Déjà pour son entrée au couvent, nous dit le Père Tshimanga, elle a dû agir contre le gré de ses parents. «Anuarite a dû se faufiler secrètement dans un camion, parmi les postulantes qui allaient être conduites à la maison de formation. Quand on a vérifié, il y avait une fille qui n'était pas sur la liste. Sa maman sera informée plus tard par les amis que son enfant s’était jetée dans le camion et était partie», nous raconte le carme. Selon lui, un tel acte est signe d’une vocation résolue et arrivée à un point élevé de maturité. Le prêtre congolais a évoqué tant d’autres exemples de jeunes qui prennent autant de décisions courageuses dans ce pays et qui selon lui sont tous un «signe de la maturité de cette église». Il loue ainsi la formation qui est donnée dans les écoles tenues par l’église, qu’il estime contribuer à la promotion vocationnelle et à l’engagement chrétiens. «Quand les jeunes sont bien formés, surtout dans les écoles catholiques, ils ont un sens profond d'engagement. Quelques fois, en dehors des décisions de leurs parents, ils sont capables de défendre leur foi et défendre leurs vocations», a affirmé le prêtre carme.
60ème anniversaire du martyre d’Anuarite, un pèlerinage national à Isiro
1964 – 2024, 60 années se sont écoulées depuis le martyre de Sœur Marie-Clémentine Anuarite. Tous les 48 diocèses du pays se sont mobilisés pour célébrer cet événement. A cette occasion, un pèlerinage national a été organisé sur sa tombe. C’est des millions de fidèles et une quarantaine d’évêques qui s'y rendent. Le président congolais Felix Tshisekedi est aussi attendu. La cohorte est partie de Kisangani mardi 26 novembre par route. Elle devait s’arrêter le lendemain à Wamba, cité où la bienheureuse a vécu avant Isiro. Après Wamba, direction Matari, village natal de la Sœur Anuarite. Ensuite, la traversée de Bafwabaka jusqu’à Isiro. C’est au soleil couchant du vendredi 29 novembre que la foule immense de pèlerins y arrive. Le jour suivant, ce samedi donc, c’est un pèlerinage sur les pas de la bienheureuse qui est organisé à Isiro, avec des confessions et la récitation du rosaire. Dimanche 1er décembre, c’est la messe solennelle, avec un ensemble d’activités culturelles qui se poursuivront le lundi. Le pèlerinage sera clôturé mardi 3 décembre.
30ème anniversaire de l’aumônerie congolaise de Rome
La mémoire d’Anuarite sera célébrée à Rome par une communauté congolaise suffisamment nombreuse et très vivante. Réunie dans une aumônerie, placée sous le patronage de cette bienheureuse, cette confrérie célèbre par cette même occasion 30 ans depuis sa constitution. Selon leur aumônier, c’est un motif de fierté pour tous les congolais parce que «ce n'est pas tous les pays (…) ici à Rome qui ont une telle structure, qui puisse les rassembler. On peut donc dire que c’est un privilège». Le prêtre congolais a saisi cette occasion pour louer tous ceux qui ont travaillé pour l’acquisition de cette structure au cœur du diocèse de Rome. Il a notamment évoqué l'implication du cardinal Frédéric Etsou, alors archevêque de Kinshasa. C’était aussi l’occasion pour lui de louer l’inculturation et l’originalité de la liturgie congolaise, invoquant l’appel du Pape François qui présente le rite congolais de la messe comme un modèle pour l'Amazonie et d'autres parties du monde. Pour le prêtre congolais, ce rite offre un autre visage de l’Eglise dont la profondeur et la vitalité marquent beaucoup de ressortissants d'autres pays qui viennent communier avec eux. «C'est ça ce qui fait la richesse de notre présence ici à Rome», affirme-t-il.
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