Rencontre des évêques du Tchad avec le Pape François, en visite "ad Limina". Rencontre des évêques du Tchad avec le Pape François, en visite "ad Limina".  (Vatican Media)

À l’approche de Noël, les évêques du Tchad appellent au respect de la dignité humaine

Juste avant les festivités de Noël, les évêques du Tchad exhortent les fidèles à créer des liens de fraternité pour célébrer «la lumière qui resplendit sur toute la terre». Ils invitent également les Tchadiens «au respect de la dignité humaine pour bâtir un pays de fraternité, de justice et de paix», dans une société minée par la pauvreté et où «les massacres des personnes ne cessent de se perpétrer sous le regard silencieux et complice de certaines autorités».

Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican

Noël est la grande fête chrétienne de la naissance de Jésus, le Christ. Cette fête, soulignent les évêques catholiques du Tchad, «manifeste la sacralité et la beauté de la vie humaine». La naissance de Jésus s’inscrit, en effet, au cœur du message chrétien et révèle l’importance de la dignité humaine, ajoutent-ils dans leur message de Noël 2024 adressé au peuple de Dieu ainsi qu’à tous les hommes et femmes de bonne volonté de ce pays d’Afrique centrale.

«Le respect de la dignité humaine pour un Tchad de fraternité, de justice et de paix». C’est en ces termes que la Conférence épiscopale tchadienne a intitulé son message, rappelant que la dignité humaine se fonde sur le fait que l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27). Une vérité, expliquent les prélats, de laquelle l’Église «tire les raisons de son engagement envers les plus faibles et les moins dotés de pouvoir, en insistant toujours sur “le primat de la personne humaine et la défense de sa dignité en toutes circonstances“» (Dignitas infinita, 1).

Le primat de la dignité humaine

Les évêques du Tchad rappellent d’emblée que la dignité humaine renvoie à «une infinie dignité, inaliénablement fondée dans son être même, [et qui] appartient à chaque personne humaine, en toutes circonstances et dans quelque état ou situation qu’elle se trouve». Ce principe suppose que l’être humain ne soit pas traité comme un objet, ni un moyen, poursuivent-ils, mais qu’il soit toujours reconnu comme une personne car chaque personne, sans distinction, «a quelque chose de divin en elle-même. Elle mérite d’être reconnue et respectée». Soulignant, en outre, que Dieu ne fait pas de différences entre les personnes, qui sont ses créatures, les prélats expliquent que le fondement ultime de l’égalité et de la fraternité radicales entre les hommes réside dans le fait que, «sur le visage de tout homme, resplendit quelque chose de la gloire de Dieu».

De ce qui précède, la Conférence épiscopale tchadienne indique quelques conséquences que l’on pourrait tirer: «la première place reconnue à l’homme dans les structures sociales et économiques; l’indispensable protection des plus fragiles; le caractère vital du lien social entre les personnes; la priorité donnée au bien commun; la protection de l’environnement». En vertu de cela, les évêques soulignent que «nous sommes appelés à œuvrer pour une société plus juste, équitable et inclusive». Ils précisent également que les efforts à fournir visent à garantir le minimum indispensable à chaque personne: «droit à la vie, à la nourriture, à la santé, au logement décent, à l’éducation et au travail bien rémunéré».


Dieu est le protecteur et le défenseur de la vie humaine

Par rapport au droit à la vie, la Bible souligne bien le commandement de l’amour du prochain sans aucune discrimination: «tu ne commettras pas de meurtre» (Dt 5, 17), rappellent les prélats. Rappelant également que, pour défendre la vie humaine, Dieu n’a pas été sourd aux cris du peuple d’Israël durant l’esclavage en Égypte, ils rassurent les fidèles en expliquant que le Seigneur est venu briser les barrières socioculturelles pour redonner la dignité à tous, notamment aux plus nécessiteux et aux exclus de la société. Face à tout ce qui menace la dignité de la personne, les évêques du Tchad ajoutent que Jésus guérit et pardonne, nourrit, défend, libère et ressuscite.

À l’exemple du Berger attentif, la Conférence épiscopale invite les fidèles de ce pays d’Afrique centrale à réfléchir sur la compassion de Dieu envers notre humanité qui nous interpelle. En effet, le cri de douleur de chaque être humain, écrivent les évêques, «doit être pour nous une alarme qui appelle à une action spontanée». À la manière du Bon samaritain, renchérissent-ils, «il nous revient d’être capables de compatir aux angoisses et aux détresses des autres pour leur apporter consolation et réconfort (cf. Lc 10, 25-37)».


Les évêques du Tchad déplorent les atteintes à la dignité humaine

Les évêques tchadiens prônent dans leur message la sacralité de la vie humaine, aujourd’hui mise à mal dans leur pays. Rappelant qu’elle appartient à Dieu, maître de la vie et de la mort, la CET s’est appuyée sur le Concile Vatican II, qui dénonce tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, «comme les mutilations, la torture physique ou morale, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable» (Gaudium et spes, 27 § 3).

Ainsi, les évêques déplorent dans leur message les massacres des personnes qui, selon eux, «continuent sous le regard silencieux et complice de certaines autorités». «On dirait qu’au Tchad, tuer est devenu banal et permis pour certaines personnes», fustigent-ils en exprimant leur étonnement au regard, notamment, «des conflits meurtriers intercommunautaires, en particulier entre éleveurs et agriculteurs, les tueries et les assassinats ci et là, les règlements de compte, les braquages à main armée, les enlèvements de personnes contre rançon», sans oublier le manque d’accès à la justice équitable pour tous, «qui crée des sentiments de frustration, de haine et de vengeance». La Conférence épiscopale dénonce, en outre, la légèreté face à l’avortement, «un crime abominable», alors que «le respect de la dignité humaine implique aussi la protection de la vie humaine».

Le non-respect des droits humains

Faisant cas d’autres violations de certains droits humains qui portent atteinte à la dignité de la vie humaine, les évêques soulignent le droit à une alimentation suffisante et aux moyens de se la procurer, le droit à la santé qui couvre la possibilité d’accès à l’eau potable et aux soins appropriés, au travail digne pour tous et à une éducation de qualité, à la liberté et à la sécurité des personnes et des biens. Sur ce, ils attirent l'attention sur la pauvreté grandissante, le fléau de la consommation abusive de l’alcool en milieu jeune, l’exode rural, l’exploitation de personnes, le travail forcé, le trafic des êtres humains et la prostitution. Alors que les autorités sont censées œuvrer pour la justice afin de réduire la misère, les évêques catholiques du Tchad déplorent qu’elles soient «indifférentes au détournement de fonds publics, à l’augmentation exorbitante du prix des produits de première nécessité et aux spéculations sur le prix du carburant. Ce mépris à l’égard des autres est source de malheur».

Par ailleurs, la CET a constaté que les menaces, les intimidations, les violences, les mensonges et les fausses promesses sont la règle en politique. Des pratiques qui, selon elle, «visent à amener les gens à développer le sentiment d’abandon, à perdre confiance en eux-mêmes et en tous, à ne plus croire en rien et à être manipulables à volonté». Le climat de méfiance et de suspicion qui domine dans la population autour des élections législatives prévues le 29 décembre en sont la conséquence, ajoutent les prélats. 


Promouvoir la justice et la sécurité du peuple tchadien

La même question embarrassante que Dieu a adressée à Caïn: «Qu’as-tu fait de ton frère?» (cf. Gn 4, 9-10), lorsqu’il a tué son frère Abel, se pose avec acuité à chacun de nous, indiquent les évêques. «Elle nous invite à prendre conscience de notre responsabilité vis-à-vis de tout ce qui porte atteinte à la dignité humaine et nous interpelle à collaborer dans toutes les initiatives qui œuvrent pour le respect et l’épanouissement de la vie humaine», déclare la Conférence épiscopale du Tchad. 

Aux gouvernants, les prélats rappellent que leur rôle est de veiller au respect des droits humains et des libertés fondamentales contenus dans la Constitution de la République du Tchad. Aux autorités judiciaires, ils soulignent que le respect de la personne humaine nécessite l’accès à la justice pour tous. «Il vous revient de le garantir et de dire le droit. Appliquez la justice de manière équitable à tous les citoyens indépendamment de leur appartenance sociale, ethnique, culturelle et religieuse, car nul n’est au-dessus de la loi», exhortent les évêques.

La Conférence épiscopale invite, en outre, les leaders politiques, les forces de défense et de sécurité ainsi que la société civile à «être au service des intérêts de la Nation pour le respect de la dignité humaine et la sécurité du peuple tchadien et la promotion du bien commun». Appréciant également l’aide de la Communauté internationale en faveur de la défense des droits des personnes lorsqu’ils sont bafoués dans leur pays, les évêques déplorent, cependant, «un certain manque de fermeté et de convergence dans les prises de position face à certaines dérives politiques, notamment lors des convocations électorales». De ce fait, ils invitent ladite communauté «à ne pas arrêter [son] soutien aux personnes victimes de la guerre du Soudan, de la secte Boko Haram, des inondations et des autres calamités naturelles que [le] pays affronte».


Être des pèlerins d’espérance

Au terme de leur message, la CET a invité, d’une part, les leaders religieux à œuvrer pour le respect et la sauvegarde de la dignité humaine, et à dénoncer les idéologies et les pratiques qui la menacent. S’adressant, d’autre part, aux familles, les prélats réitèrent l’appel du Pape Jean-Paul II: «Famille, deviens ce que tu es». Un invitation pour que les familles accomplissent leur vocation selon le plan de Dieu, et qui se concrétise par «la communion des personnes dans le respect de chaque membre, la transmission de la vie, l’éducation des enfants dans toutes les étapes de la croissance humaine et la participation au développement de la société (cf. Familiaris consortio, 17-48)». 

Se tournant, enfin, vers les jeunes Tchadiens, les évêques les ont encouragés à être audacieux devant les défis qui sont les leurs -«le manque de moyens, une maladie inattendue, le poids de la tradition, les sollicitations de la vie moderne, l’éducation qui ne répond pas aux défis actuels, l’exploitation et les abus en tout genre, l’esclavage de l’alcool ou de la drogue, etc»– «pour défendre votre dignité et assurer un avenir meilleur aux générations futures».

Et à l’approche de l’ouverture de l’Année jubilaire, la Conférence épiscopale invite les fidèles chrétiens tchadiens à être des «pèlerins d’espérance» pour faire du Tchad un pays de fraternité, de justice et de paix . «Que Notre-Dame du Tchad, la Vierge Marie, Mère de Jésus-Christ notre Sauveur, intercède pour que la dignité humaine soit respectée dans notre pays», ont conclu les prélats par cette prière, souhaitant ainsi une bonne fête de Noël et du Nouvel an 2025 à tous les Tchadiens. 

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16 décembre 2024, 13:05