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Des participants à la session sur le dialogue interreligieux et la transition politique au Gabon (Libreville, du 11 au 13 décembre 2024). Des participants à la session sur le dialogue interreligieux et la transition politique au Gabon (Libreville, du 11 au 13 décembre 2024). 

Au Gabon, le dialogue interreligieux accompagne la transition politique

«Dialogue interreligieux et promotion de la paix: un impératif en contexte de transition politique» est le thème d’une session de trois jours qui a réuni de dizaines de participants à Libreville. Organisée du 11 au 13 décembre 2024 par la commission épiscopale pour l'œcuménisme et le dialogue interreligieux, le forum avait notamment pour objectif de promouvoir un dialogue constructif entre les religions, afin de mieux accompagner la transition politique que vit le Gabon depuis août 2023.

Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican

L’Eglise du Gabon veut davantage accompagner le pays dans la transition politique qu’il vit depuis le 30 août 2023, date de la chute du règne des Bongo. Depuis lors, ce pays d’Afrique centrale est dirigé par le président de la Transition, le général Brice Oligui Nguema. Une façon de bien accompagner cette transition pour le bien des Gabonais et la promotion de la paix est de renforcer les liens entre les différentes confessions religieuses et de promouvoir un dialogue constructif entre elles. C’est ce qu’estime Mgr Séverin Nzeingui Magandza, évêque du Vicariat Apostolique de Makokou et président de la Commission épiscopale Œcuménisme et Dialogue Interreligieux. C’est aussi l’avis de l’abbé Louis Samuel Ratanga Atoz, prêtre de l'archidiocèse de Libreville, Coordinateur national adjoint de la Commission épiscopale Œcuménisme et Dialogue Interreligieux.

Ils se sont exprimés dans cet entretien que nous vous proposons:

Suivre Mgr Séverin Nzeingui Magandza et l’abbé Louis Samuel Ratanga Atoz

Vous avez organisé un grand événement ces jours-ci, portant sur le dialogue interreligieux et la transition politique. De quoi s’agissait-il?

C'était une session de l'œcuménisme et du dialogue interreligieux de notre pays. Chaque année nous organisons cette session ordinaire. Comme c'est l'année 2024, nous avons aussi voulu l'organiser. Elle se tenait dans un contexte de transition politique ici au Gabon. Et nous avons prouvé que dans ce contexte, il fallait quand même cette session. Nous avons promu ce moment crucial pour renforcer les liens entre les différentes confessions religieuses et promouvoir un dialogue constructif en faveur de la paix. L'Église catholique entend réfléchir sur les enjeux du dialogue interreligieux dans ce contexte de transition ici dans notre pays. Vous me direz peut-être pourquoi la paix? Mais nous préparons cela parce que c'est un contexte de transition. Il n'y a pas de guerre, il n'y a rien mais il faut quand même insuffler cela dans les cœurs des chrétiens et du peuple gabonais.

Merci Monseigneur, vous avez déjà peut-être touché à cette question, mais je la pose: quelle est la pertinence du dialogue entre les religions dans le contexte actuel du Gabon?

 Ici au Gabon, comme je disais tout à l'heure, il n'y a pas de guerre, mais il fallait quand même un peu préciser cela. Il fallait dire cela pour réveiller un peu dans le cœur de chacun de nous ce que nous devons vivre, la paix. Au lieu qu'il soit un simple mot comme disait l'autre, mais qu'il soit un comportement dans le cœur de chacun pour que nous puissions mieux vivre, pour que l'autre ne soit pas un ennemi, mais que nous le trouvions comme frère avec qui nous pouvons marcher ensemble.

Merci Monseigneur, nous poursuivons l’entretien avec l’abbé Louis Samuel Ratanga Atoz, prêtre de l'Archidiocèse de Libreville, Coordinateur national adjoint de la Commission Épiscopale Œcuménisme et Dialogue Interreligieux. Pour cette session, il a été responsable technique pour l'organisation de la session ordinaire 2024.

«Dialogue interreligieux et promotion de la paix: un impératif en contexte de transition politique» était le thème de cet événement. Tout d'abord pourquoi ce thème?

La conférence épiscopale du Gabon dans sa réflexion a, depuis l'élection présidentielle de 2023, produit plusieurs discours qui ont été tantôt bien perçus, tantôt mal perçus. Les évêques, particulièrement son Excellence Mgr Séverin Nzeingui, notre évêque président, a jugé important, a jugé idoine de faire asseoir les responsables des grandes églises, de faire asseoir les délégués diocésains pour réfléchir sur le dialogue interreligieux en contexte de transition parce que la paix est notre bien commun à tous, mais c'est un bien très très fragile. Donc nous avons choisi ce thème pour permettre aux uns et aux autres de s'asseoir et de réfléchir parce qu’après l'élection de 2023 nous avons connu un coup de libération qui nous a entraîné dans une transition politique et nous nous acheminons, après le vote du référendum, vers une élection présidentielle.

Et donc l'église catholique, par le truchement de la Commission, veut réfléchir sur le dialogue interreligieux parce que nous croyons vraiment que les religions ont un rôle essentiel à jouer dans la promotion de la paix.

Quelles ont été les grandes articulations de cette session?

La session s'est déroulée en deux moments: toutes les matinées ouvertes au public, ouvertes à tous ceux qui le souhaitaient, étaient destinées à des conférences et à des échanges. Nous avons eu plusieurs panélistes qui se sont succédés. Nous avons eu, en l'occurrence, la contribution de deux prêtres de l'archidiocèse de Libreville, l'abbé André et l'abbé Priscille. Le premier nous a parlé du dialogue interreligieux et de paix et le deuxième nous a fait une relecture de l'ouvrage «Je suis venu apporter la paix» du cardinal Dieudonné Nzapalainga. Nous avons également eu l'intervention d'acteurs de la société civile, particulièrement le docteur Jean Delors Biyogue Bi Ntougou, qui a abordé la question des défis du dialogue interreligieux en contexte de transition politique au Gabon. C'est un politologue et en même temps un acteur de la société civile. Il a été candidat à la dernière élection présidentielle et c'est un chrétien catholique très engagé dans notre paroisse.

L’un des sous-thèmes a été: «Les défis du dialogue interreligieux en période de transition politique». Le Gabon est en pleine transition politique. Comment le dialogue entre les religions peut aider à cette bonne transition?

Son excellence Mgr Séverin Nzeingui, l'évêque président de notre Commission, rappelait que le contexte du Gabon est assez particulier, il est atypique et en même temps c'est quelque chose de positif, je vous rassure. Nous n'avons pas de crise à proprement parler entre les religions. Mais nous regardons ce que traversent nos frères des pays voisins, nous regardons la montée des extrémismes et donc, nous étions ensemble pour parler des défis. C'était en quelque sorte pour montrer et faire ressortir l'importance d’être ensemble. Le principal défi, par exemple, qu'a relevé le conférencier docteur Jean Delors était celui de parler d'une seule voix pour les religions au niveau du Gabon. Être capable de parler d'une seule voix, d'avoir du poids en nous fédérant. L'Église catholique et les autres confessions religieuses apportent une touche morale à l'action de la transition. L'action de la transition a été initiée pour, disent-ils, restaurer les institutions. Alors les confessions religieuses viennent apporter une touche morale, elles viennent tirer la sonnette d'alarme lorsque ça ne va pas et elles viennent encourager, fortifier lorsque le chemin semble un peu long. Nous avons donc, face à ces défis, relevé l'importance de nous unir, d'abord entre nous-mêmes acteurs religieux, de nous retrouver, de nous fréquenter, de partager, parce qu'on s'est rendu compte que, au-delà du dialogue interreligieux théologique, on doit construire un dialogue interreligieux d'abord de vie, un dialogue interreligieux de fait.

Vous avez notamment abordé la question du rôle des laïcs dans le dialogue interreligieux et les «pistes nationales pour aller vers un dialogue interreligieux constructif». Sur les rôles des laïcs qu'est-ce qui en est ressorti?

Nous avons eu la grâce de recevoir une brillante et admirable contribution de Son Eminence Dieudonné cardinal Nzapalainga, archevêque de Bangui, qui devait être en visioconférence avec nous, mais n'a pas pu le faire à cause de son calendrier. Il nous a donc produit une vidéo d'enseignement dans laquelle Son Eminence nous rappelait que la question du dialogue interreligieux n'est pas une option pour le croyant, mais c'est en réalité un impératif pour nous tous, chacun à son niveau. Il nous a montré que le plus important pour le croyant, qu'il soit prêtre ou qu'il soit laïc, c'est, comme il l'a dit, d'exécuter le religare et donc de relier, relier les hommes entre eux, briser les différences, abaisser les barrières. Il s'est appuyé sur sa propre expérience après la crise de 2013 pour nous montrer que s'il a pu aller vers les autres pendant la crise, c'est parce que déjà avant la crise, il les fréquentait. C'est parce qu'avant la crise, ils étaient déjà leur frère. Et donc nous avons, grâce à cela, réussi à dégager au sein de notre commission l'importance, si tant est qu'il fallait encore le rappeler, de l'implication de tous, pas seulement des prêts, pas seulement des délégués, pas seulement des évêques, mais de tout chrétien et de toute chrétienne autour de la question du dialogue interreligieux.

Et vous avez esquissé quelques pistes pour cheminer vers un dialogue interreligieux constructif, pouvez-vous nous partager quelque chose à ce sujet?

Bien sûr! Merci beaucoup. À l'actif des pistes, il a été relevé dans les contributions de clôture, qu'il faut passer par l'enseignement. Nous devons apprendre à dialoguer, le dialogue ne va pas de soi. La question de l'enseignement a été relevée avec la proposition faite à la conférence épiscopale d’insérer dans les programmes académiques, ici au Gabon, la notion même de dialogue interreligieux pour promouvoir une culture de la rencontre, une théologie de la rencontre en mouvement comme des pèlerins de la paix, des pèlerins d'espérance. Avec cette piste-là de l'enseignement, nous avons également relevé l'importance de nous retrouver entre responsables d'églises parce que les croyants en voyant leurs pasteurs, leurs bergers être frères les uns des autres, emboîteront également les pas. Nous avons ainsi clôturé avec la grande proposition d'une caravane interreligieuse pour la promotion de la paix que la conférence épiscopale du Gabon espère pouvoir réaliser l'année prochaine, une année électorale pour pouvoir parler, partager sur la notion de paix et l'importance de la promouvoir particulièrement au sein des jeunes.

Merci beaucoup monsieur l'abbé Louis Samuel Ratanga. Quel est votre dernier mot? Vous avez mentionné la montée des extrémismes religieux, le moment est déjà peut-être venu pour s'attaquer directement à ce phénomène…

Effectivement! Merci pour ce mot de fin. Le Gabon comme je le disais, on peut avec la grâce de Dieu le dire, est un îlot de paix. Mais cet îlot de paix n'est pas en autarcie. Nous regardons, nous voyons les montées des Extrémismes autour de nous et parfois pas si loin que ça de notre pays. Alors si tant est qu'il fallait avoir un mot de fin, ce serait de véritablement prier pour nous au Gabon, prier pour la Commission œcuménisme et dialogue interreligieux afin que ce mouvement, cette dynamique pour la promotion du dialogue interreligieux puisse trouver dans les cœurs des chrétiens, dans les cœurs des non chrétiens et de tous nos frères un écho favorable de manière à ce que le mouvement de caravane que nous allons initier puisse véritablement embrasser les cœurs et faire naître les ambassadeurs de paix pour éviter de connaître les événements tragiques que d'autres ont connus avant nous et autour de nous. Voilà un peu ce que je pourrais dire comme mot de fin en vous demandant véritablement de prier pour nous au Gabon et en vous rappelant également de garder à cœur, comme nous l'avons fait dans cette session, la mémoire du cardinal Ayusso, préfet du Dicastère pour le dialogue interreligieux qui nous a quittés le 25 novembre dernier. Merci.

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13 décembre 2024, 18:53