Face au handicap, «l’acceptation de ses limites comme voie de conversion»
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
«Pourquoi notre regard se trouble face au handicap?» Au cœur d’une conférence ce mardi 3 décembre organisée par l’Office Chrétien des Personnes Handicapées (OCH), cette question interroge chacun sur son propre regard sur l’autre, en particulier envers les personnes en situation de handicap.
Toutefois, pour Thierry Le Goaziou, docteur en théologie morale, cette perturbation au contact d’une personne différente, cette «inquiétante étrangeté» dirait Freud, dit surtout quelque chose de la personne qui ressent cette gêne. Et il convient de comprendre ce ressenti, qu’il prenne la forme d’«une gêne, une honte, une envie de fuir, une forme de culpabilité, voire une forme de pitié». Loin d’entretenir une dichotomie personne valide/personne handicapée, ce ressenti questionne chacun dans son rapport à l’autre mais surtout dans son rapport à soi-même.
La différence comme perturbation
«Toute expérience de la différence est une forme de perturbation, il y a toujours une forme d'asymétrie par l’âge, les relations professionnelles, même dans la relation amoureuse» précise-t-il, «c'est à dire que les relations et la communication entre deux personnes ne sont pas par nature fluides».
Mais, dans le cadre d’une rencontre avec une personne en situation de handicap, la différence est plus grande avec par exemple «un schéma corporel atypique, avec quelqu'un qui ne parle pas, avec un corps tordu, une rationalité complètement différente». Donc «le ressenti éprouvé à l'approche de la personne en situation de handicap est amplifié».
Comprendre le trouble
Faire le constat de ce trouble nécessite d’en comprendre les raisons qui sont triples, selon Thierry Le Goaziou. D’abord la peur de la différence, «qui éloigne spontanément». Ensuite la crainte de la ressemblance.
Enfin, mêlant les deux causes précédentes, peut intervenir une «indifférenciation fusionnelle», c’est-à-dire une fuite de l’exigence de l’altérité. «La rencontre du handicap balaye tout ça et vous met face à une réalité que vous ne maîtrisez pas», poursuit celui qui est également délégué général de l’ADAPEI de la Nièvre
La théologie de l’acceptation
Une fois les causes comprises, il revient alors de réaliser un travail intérieur d’acceptation de ce trouble. «Que signifie ce trouble dans ma conception de la relation à l'autre et donc de ma façon de m'accepter moi-même?», interroge Thierry Le Goaziou.
La théologie de l’acceptation revient alors à assumer ce trouble, signe tangible de la réalité terrestre: «l'être vivant est tel qu'il est et il doit s'accepter comme tel».
Un chemin de conversion
Ainsi, le théologien dresse un parallèle entre cette acceptation de soi et l’appel à la sainteté. Les grands saints étaient ceux qui avaient conscience d’être pêcheurs, et il propose «l’acceptation de ses limites comme chemin de conversion permanent». «Accepter d’être accepté même si l’on se sent inacceptable» amène vers Dieu, explique Thierry Le Goaziou, car paraphrasant le théologien Paul Tillich, «moins vous vous sentez dignes d'être aimés, plus vous l'êtes par la puissance divine».
Cette théologie de l’acceptation s’appuie sur les Évangiles et la façon dont le Christ approchait les personnes qu’il rencontrait. Il ne propose jamais d’explication du handicap ou de la souffrance, lorsqu’il décide de guérir un paralytique ou un lépreux. Comme lui, conclut Thierry Le Goaziou, il faut avoir le courage de regarder le handicap en face, «l’admettre sans le diminuer, ni l'augmenter».
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