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Libération de détenus à Rangoun. Le 4 janvier dernier, la junte a annoncé remettre en liberté 6000 prisonniers. Libération de détenus à Rangoun. Le 4 janvier dernier, la junte a annoncé remettre en liberté 6000 prisonniers.  (AFP or licensors)

Birmanie: le cardinal Bo espère l'éclosion de la paix en 2025

Le président de la Conférence des évêques de Birmanie exhorte toutes les parties à mettre immédiatement fin à la violence dans le pays, après près de quatre ans de guerre civile.

Lisa Zengarini – Cité du Vatican

«Puisse 2025 être l'année où la paix fleurira dans chaque cœur et chaque coin de la Birmanie», a écrit l'archevêque de Rangoun et président de la Conférence épiscopale de Birmanie (CBCM), le cardinal Charles Maung Bo, dans un message pour la nouvelle année et alors que l'Église entame son Jubilé de l'espérance.

Près de quatre ans de guerre civile

La Birmanie est en proie à troubles depuis le 1er février 2021, date à laquelle l'armée a renversé le gouvernement civil élu et dirigé par la conseillère d'État Aung San Suu Kyi et la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Les manifestations en faveur de la démocratie ayant suivi le coup d’État ont été violemment réprimées, déclenchant une rébellion civile puis armée à l'échelle nationale impliquant les différents groupes ethniques qui composent le pays.

Depuis le putsch, l’armée accusée par l’ONU de «violations systématiques des droits de l'homme» aurait tué plus de 6 000 civils. Plus de 28 000 Birmans ont par ailleurs été arrêtés, dont Aung San Suu Kyi, qui purge une peine de 27 ans liée à 14 chefs d'accusation criminels allant de l'incitation à la corruption en passant par la fraude électorale. Le Pape François, prêt à l’accueillir au Vatican, appelait à sa libération le 24 septembre dernier.

La junte en difficulté

Après quatre ans de guerre civile, la junte qui bénéficie du soutien de la Chine et de la Russie, a cependant essuyé défaite sur défaite dans sa lutte contre les différentes alliances ethniques armées, qui contrôlent aujourd'hui plus de la moitié du pays.

À l’origine de plusieurs appels à la réconciliation au cours des dernières années, le cardinal Bo a offert, à l’occasion de la nouvelle année, sa vision de la situation et de la marche à suivre pour que le pays retrouve dignité et espérance. Dans son message, tel qu’il est rapporté par l’agence Uca, l’archevêque de Rangoun appelle à l'arrêt immédiat de la violence et à la protection prioritaire des civils, en particulier des enfants. «Aucune vie ne doit être négligée, aucune communauté marginalisée», écrit-il. 

Selon les Nations unies qui dénoncent les crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis par la junte, le conflit a déplacé plus de 3,3 millions de civils dans ce pays de 54 millions d'habitants. Plus de la moitié de la population vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté.

La réconciliation et la justice comme chemin vers la paix

Le cardinal Bo a déclaré que les jeunes sont «les architectes de la paix», soulignant la nécessité urgente pour la nation de leur offrir des opportunités et une éducation. Ce faisant, a-t-il ajouté, «nous leur donnons les moyens de reconstruire non seulement leur vie, mais aussi l'âme de notre nation».

Le président de la Conférence épiscopale birmane suggère également d’œuvrer à la réconciliation afin de parvenir à la paix: «La réconciliation n'est pas seulement un processus, c'est un choix - le choix d'aimer au-delà de la douleur, de construire au-delà de la destruction».

L'instauration de la justice et de la dignité mène également à la paix, a fait remarquer le cardinal Bo. «La véritable paix transcende l'absence de guerre; elle incarne la présence de la justice, de la sécurité et de la dignité pour tous», a-t-il déclaré. «Elle est construite sur le fondement de la confiance, nourrie par la compassion et soutenue par l'espoir».

Une femme prie pour ses proches le jour de la Toussaint au cimetière chrétien de Kanasoekone dans le village de Wakema, le 2 novembre 2024.
Une femme prie pour ses proches le jour de la Toussaint au cimetière chrétien de Kanasoekone dans le village de Wakema, le 2 novembre 2024.

Échec des efforts diplomatiques

Malgré les appels répétés de l'Église locale et du Pape François à mettre fin à la violence, la junte militaire birmane n'a montré aucun signe d'apaisement notamment dans les régions à majorité chrétienne et bamar. Les églises catholiques des États de Kayah et de Chin ont été rasées par des frappes aériennes et des tirs d'artillerie, forçant des milliers de personnes à fuir.

Tous les efforts diplomatiques déployés jusqu'à présent, notamment par l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), ne sont pas parvenus à mettre fin au conflit et les promesses de la junte d'organiser des élections en 2025 ont suscité un scepticisme généralisé. D'autre part, la fragmentation du pays en plusieurs entités ethniques risque de conduire à une sorte de balkanisation rendant difficile une réunification future, même en cas de restauration d'un régime démocratique.

Promesse d'amnistie

Le 4 janvier, le gouvernement militaire a annoncé la libération de près de 6 000 prisonniers dans le cadre d'une amnistie marquant le jour de l'indépendance du pays d'Asie du Sud-Est. Toutefois, rien n'indique qu'Aung San Suu Kyi ferait partie des prisonniers libérés.

Des familles de détenus cherchant leurs proches tout juste libérés par l'armée.
Des familles de détenus cherchant leurs proches tout juste libérés par l'armée.

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08 janvier 2025, 18:18