Journée de prière: «Faire mémoire de la permanence des conséquences des abus»
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
C’est dans la petite église en pierres et en briques d’Esteville en Normandie que Mgr Dominique Lebrun a célébré une messe à l’occasion de la journée annuelle de mémoire et de prière pour les personnes victimes d’abus sexuels dans l’Église ce vendredi 25 mars. Cette journée nationale répond à l’invitation du Pape François de consacrer une journée spéciale aux personnes victimes.
Dans la matinée, l’archevêque de Rouen était accompagné de son conseil épiscopal pour la messe du troisième vendredi de Carême. «Il m'a semblé juste d'aller là, non pas avec des tambours et des trompettes, mais très simplement pour célébrer cette messe pendant le Carême, qui est un temps particulier de pénitence», explique-t-il. Un geste symbolique dans ce village qui accueille la tombe de l’abbé Pierre, accusé de plusieurs agressions sexuelles ou viols depuis juillet 2024.
«Dieu redonne l’espérance»
Après le choc produit en France par les révélations des abus commis par l’abbé Pierre, cette affaire révèle, selon Mgr Lebrun la «proximité du mal et du bien» dans chaque personne. À l’image de la parabole du bon grain de l’ivraie dans l’Évangile de Matthieu.
Mais ce n’est pas pour s’indigner des crimes commis par des personnalités célèbres que cette journée est organisée, mais bien pour permettre à chacun de s’interroger. Le temps liturgique du Carême est propice pour «prendre conscience que malgré le bien que nous faisons, que nous voulons faire, nous sommes aussi gangrenés par nos passions, par les tentations et par notre péché», souligne l’archevêque de Rouen.
D’autres démarches mémorielles sont mises en place dans le diocèse. Par exemple, dans la chapelle Jeanne d’Arc de la cathédrale de Rouen, une plaque mémorielle pour les enfants et adultes violés par des prêtres, religieux ou laïcs a été posé avec la phrase du Christ: «Ce que vous faites au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites».
L’Église de France propose d’ailleurs un guide avec de multiples propositions pour marquer cette journée. Sur un plan pratique, les diocèses, paroisses, groupes de pastorale et mouvements d’Église peuvent engager des actions telles qu’un chemin de croix spécifique, des outils pédagogiques pour en parler avec les plus jeunes ou encore un temps de prière en famille.
«Faire mémoire chaque année»
En célébrant cette quatrième journée, instaurée par les évêques de France en 2021, Mgr Lebrun insiste sur la nécessité de ne pas «tourner la page» et de faire mémoire de la «permanence des conséquences du péché». En effet, «on peut prévoir que les personnes qui ont été abusées sexuellement gravement dans leur enfance en portent des traces toute leur vie», estime-t-il.
Faire mémoire certes mais aussi regarder vers l’avenir. Désormais, une personne est en charge de la prévention des abus et de la formation des agents pastoraux dans le diocèse de Rouen. «C'est un peu une nouvelle culture qui s'installe», assure Mgr Lebrun. Des «grands progrès» mais qui sont encore insuffisant selon lui. «Les progrès seront faits le jour où je n'entendrai plus d'appels à l'aide, que nous n'entendrons plus quelqu'un nous dire: “j'ai été abusé au sein de l'Église“».
S’inspirer du «Bon Samaritain»
Prenant une nouvelle image biblique, celle du Bon Samaritain, qui s’arrête sur son chemin pour aider un homme battu, Mgr Lebrun estime que la mission de l’Église et de ses responsables est de «s’arrêter pour faire du bien aux personnes qui sont blessées, qui sont au bord de la route et qui sont pour certaines à moitié mortes».
Enfin, avec la crise des abus dans l’institution ecclésiale depuis une dizaine d’années l’Église «est descendue de son piédestal» assure l’archevêque de Rouen, permettant aux personnes plaignantes de se confier «sans craintes d’être jugées».
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