En RDC, de nouvelles menaces sur le scrutin du 30 décembre
Marine Henriot - Cité du Vatican
C’est un nouvel épisode dans le douloureux feuilleton électoral qui saisit la RDC. Le 26 décembre, la Commission électorale nationale indépendante (Céni), annonçait le report partiel au mois de mars des élections présidentielles, législatives et provinciales, dans deux zones de conflit. Les élections «feront l’objet d’un calendrier spécifique» a indiqué la Céni, à Beni-Butembo, dans l’est, touché par une épidémie d’Ebola et à Yumbi, dans l’ouest, zone victime de tueries de civils attribuées aux rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF). Près d’un 1,2 million d’électeurs sont ainsi privés de leur droit de vote, sur 40 millions d’électeurs inscrits, selon les chiffres de la Commission électorale.
Mgr Marcel Utembi, archevêque de Kisangani et président de la Cenco, la Conférence épiscopale du pays, s’est dit surpris de cette décision. «Malgré les situations de maladie et d’insécurité, les gens vivent dans ces provinces. Les gens vont au marché, les élèves vont à l’école, les croyants vont dans leurs lieux de culte… la vie fonctionne normalement», témoigne-t-il, «que juste pour les élections, on nous dise “non, le danger est trop important” au point de ne pas pouvoir permettre aux citoyens d’exercer leur devoir civique, d’élire leurs dirigeants, cela nous surprend.» La Céni, elle, ne précise pas la raison du report dans ces deux zones de conflit, deux parmi d'autres dans cet immense pays rongé par l’instabilité.
La RDC, une «circonscription unique»
D’autant plus que ce report partiel représente un réel danger pour la validité même de l’élection présidentielle. Effectivement, pour le scrutin présidentiel, la RDC est considérée comme une "circonscription unique" par la commission électorale; une question se pose alors: peut-on tenir l’élection présidentielle lorsque 3% du corps électoral est retranché ?
«Le Peuple congolais ne tolérera pas un nouveau report des élections», avertissent la Cenco et l’ECC, l’Église protestante, dans un communiqué commun publié à la suite de l’annonce du report partiel. L’Église alerte sur le climat de tensions dans le pays et demande aux leaders politiques «particulièrement aux candidats Président de la République de lancer un appel pressant et public à leurs partisans en les invitant à la non-violence». Dans ce communiqué, l’Église demande également au gouvernement de veiller au fonctionnement normal de l’internet et des SMS pour les différentes parties prenantes au processus électoral.
Dans le pays qui n’a jamais connu de transition pacifique du pouvoir, les élections générales ont été trois fois repoussées depuis la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila fin 2016: de décembre 2016 à décembre 2017, de décembre 2017 au 23 décembre 2018, puis du 23 au 30 décembre 2018. Contraint de ne pas briguer un troisième mandat interdit par la Constitution, le président Kabila a désigné un dauphin, son ex-ministre de l'Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary.
Ce candidat, visé par des sanctions de l'Union européenne, fait face aux deux principaux candidats de l'opposition, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi.
Ce jeudi 27 décembre, la situation était extrêmement tendue à Beni, où des manifestants se sont rassemblés près de la commission électorale pour protester contre le report des élections. Des coups de feu auraient été entendus, sans que l'on ne sache pour le moment s'il y a eu des victimes.
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