Éthiopie, les raisons de la colère
Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican
Il vient de se voir attribuer le prix Nobel de la paix 2019 - le comité norvégien voulait encourager ses efforts en vue d’une réconciliation avec son voisin érythréen - mais voilà que le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmet est sous le feu des critiques, un an après son arrivée au pouvoir. Des affrontements meurtriers ont éclaté fin octobre en Éthiopie. Selon un dernier bilan officiel, 86 personnes ont été tuées: 76 lors de heurts communautaires, 10 dans des affrontements avec la police.
Les déclarations sur les réseaux sociaux d’un leader très influent de l’ethnie Oromo, sont à l'origine de cette flambée de violence. Rentré de son exil aux États-Unis à la faveur d’une ouverture politique accordée par le Premier ministre, Jawar Mohammed s’est plaint de s’être vu retirer ses gardes du corps. Le fondateur du média d’opposition Oromia Media Network estimait sa vie en danger et appelait ses sympathisants à protester dans la rue.
Le dialogue, la priorité d'Abiy Ahmet
Des centaines d’Oromo sont ainsi descendus dans les rues d’Addis-Abeba pour demander la démission du chef de l’exécutif, s’en prenant aux membres de leur ethnie qui refusaient de protester avec eux - 50 Oromos ont été tués - mais aussi à la communauté Amhara, majoritairement chrétienne. Des églises et une mosquée ont été saccagées. Les violences se sont étendues à de nombreuses zones de l’Oromia.
Accusé de ne pas avoir envoyé assez vite les forces de l’ordre pour contenir la foule, notamment par l’Église orthodoxe, le Premier ministre a défendu sa position qui consiste à donner la priorité au dialogue et non à la force. Il a mis en garde contre ceux qui souhaiteraient «faire reculer le pays de deux pas», en le replongeant dans des violences confessionnelles ou ethniques.
Analyse de Géraldine Pinauldt, chercheur associée à l’Institut de géopolitique de Paris VIII, spécialiste de l’Éthiopie.
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