Au Soudan, une année 2020 à surveiller de très près
Marine Henriot - Cité du Vatican
Tout a commencé le 19 décembre 2018. C’est la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, alors que les Soudanais souffrent déjà d’une crise économique, qui met le feu aux poudres. Des centaines de Soudanais descendent dans les rues. D’abord à Khartoum la capitale, puis dès le lendemain dans plusieurs autres villes du pays dont Omdourman sa ville voisine, «Liberté, liberté» scandent les manifestants, qui demandent alors la chute du régime d’Omar al-Béchir, au pouvoir depuis 1989. La machine est lancée, les manifestations seront quasi-quotidiennes.
22 février. Omar al-Béchir instaure l'État d’urgence dans le pays et interdit les rassemblements non autorisés. Mais cela n’entamera pas la ténacité des Soudanais. Le 6 avril, ils sont des milliers à se rassembler devant le quartier général de l’armée à Khartoum et y campent pendant 6 jours pour réclamer son soutien. Une stratégie qui va payer: le 11 avril, l’armée arrête et destitue Omar al-Béchir, un conseil militaire de transition prend la tête du Soudan.
Ténacité du peuple soudanais
Pour les manifestants, Omar al-Béchir n’est plus mais le travail ne s'arrête pas là. Ils restent des milliers à protester devant le QG de l’armée, dénonçant un «coup d’État». Les mouvements islamistes font bloc derrière l'armée, espérant préserver la charia (loi islamique) en vigueur depuis 1989.
Le 3 juin, le sit-in devant le QG de l'armée est dispersé par des hommes armés en tenue militaire, faisant des dizaines de morts. Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) sont accusés, le Conseil militaire de transition ordonne l'ouverture d'une enquête.
Après de longues négociations, une «déclaration politique» qui entérine le principe d'un partage du pouvoir, est signée le 17 juillet, prévoyant la création d'un Conseil souverain qui dirigera le pays pendant une transition de trois ans vers un pouvoir civil.
Le premier gouvernement post-Béchir prête serment le 8 septembre, l’ancien économiste des Nations Unies, Abdallah Hamdok, hérite du poste du Premier ministre. Le Conseil souverain est composé de six civils et cinq militaires, présidé par le général Abdel Fattah al-Burhane, chef du Conseil militaire de transition.
Une situation à surveiller de près
Si la révolution est en route en Soudan, «rien n’est gagné», nous explique Raphaëlle Chevrillon-Guibert, chercheuse à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). En 2020, deux défis de taille attendent le pays.
D’abord, il s’agit de développer l’économie du pays. Lors de la sécession du Soudan du Sud en 2011, la situation économique au Soudan s’est empirée. Le Soudan a perdu un tiers de son territoire, un quart de sa population, 75% de ses réserves de pétrole. Depuis, le pays n’a pas su faire face aux asymétries qui rongent son territoire: un centre développé et plus riche que le moyenne et le reste du territoire à la traîne, «l’asymétrie est intrinsèquement porteuse de conflit», explique Raphaëlle Chevrillon-Guibert. Par ailleurs, l’économie est étouffée par les sanctions américaines, car le pays figure sur la liste noire des États-Unis des pays supportant le terrorisme.
Ensuite, la révolution ne pourra se poursuivre pacifiquement que si la communauté internationale aide le Soudan. «Il y a un enjeu à ce que les économies occidentales fassent carrément un plan marshall pour le Soudan, voient le côté extraordinaire du processus politique pacifique qui est en train de se jouer et se disent “il faut que cela soit un exemple pour les autres, nous allons mettre le paquet pour ça fonctionne”», avance la chercheuse.
Comment définir l’année qui vient de s’écouler au Soudan et quelles sont les perspectives pour 2020 ? Voici d'autres éclairages:
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