De la grâce à la tendresse, les Madones de Raphaël
Un stimulus qui élève le regard, et invite à ne pas se laisser abattre par la fatigue communément ressentie en ce moment. C’est ce que suscitent les «Madones de Raphaël» selon Rosa Giorgi. La directrice du Musée des Capucins de Milan vient de consacrer une étude publiée par les Éditions Terra Santa (le centre éditorial de la Custodie de Terre Sainte pour l’Italie), et une série de leçons en ligne, à ces sublimes figures de la Vierge peintes par le maître de la Renaissance.
Tendresse, harmonie, sérénité rayonnent par exemple du regard de la Madone d'Alba (1511) conservée à la National Gallery of Art de Washington: une huile sur bois emblématique dans laquelle Marie, installée dans un paysage merveilleux, tient l'enfant Jésus et tend la main vers saint Jean-Baptiste Enfant.
Une harmonie naturelle très travaillée
Elle a dans une autre main la Sainte Écriture, telle une certitude qui ne vacille pas. Le moment historique représenté est le retour de la fuite en Égypte; le drame sublimé par la confiance qui se lit dans les yeux de la Vierge. Le pinceau de Raphaël la dépeint ainsi dans une position inconfortable, presque instable, mais la scène diffuse pourtant un équilibre profond. «C’est toute la capacité de Raphaël à rendre à l'œil, simple, naturel, immédiat, ce qui est au contraire le résultat d'un long travail, d'un effort et d'une application», fait remarquer à Vatican News, Rosa Giorgi, l’historienne de l’art italienne, spécialisée en iconographie.
Derrière le naturel de certaines postures, la représentation de divers sujets et éléments symboliques chers à la tradition populaire tels que l'œillet, le manteau ou le voile, se cache donc une étude minutieuse et sage menée par le peintre d'Urbino. Dans «Le Mariage de la Vierge» (1504) conservé à la Pinacothèque de Brera à Milan, le temple à l'arrière-plan est de ce fait le résultat d'un extraordinaire exercice d'architecture. Giorgio Vasari l'avait également remarqué estimant que dans cette huile sur bois, Raphaël surpassait le maître Pérugin.
Le visage de la Vierge toujours baigné d’espérance
Des yeux gonflés de larmes du Retable Baglioni à l'intimité de la Sainte Famille Canigian, de la royauté de La Madone à la prairie à la douceur de La Vierge à la chaise (1513-1514), les Madones de Raphaël sont empreintes d’une élégance de la forme, d’un équilibre, de grâce et de perfection. Profondément humaines, habitées par le divin. Souriantes, calmes, jamais contrariées. «De nombreux sentiments se lisent sur leurs visages: soucieuses, protectrices, mais jamais effrayées. Même lorsque le visage de la Vierge trahit une inquiétude pour l'avenir de l'enfant, c'est toujours l'espérance qui a le dernier mot», précise la directrice du musée milanais.
Au fil des 37 années de sa brève existence, Raphaël a peint au moins 50 madones. La plus enveloppée de mystère est celle représentée dans la fresque sur les murs de la maison de son père: son attribution est encore controversée, mais l’on suppose qu'elle a été peinte par Raphaël à l'âge de 14 ans seulement.
Peintre de la royauté mariale
Une fascination pour le monde classique, l’école ombrienne, l'influence de Léonard de Vinci se manifestent dans les différentes œuvres de Raphaël qui s'alternent au fil des pages du livre, à travers des reproductions détaillées en couleur. «Le thème de la Madone et de l'enfant était très demandé par le client. Raphaël a exécuté divers tableaux de petite ou moyenne taille: il s'est exercé sur ce thème, arrivant à la définition d'un de ses prototypes qu'il a ensuite repris dans les grands retables comme ‘’Le couronnement de la Vierge’’ des Musées du Vatican», poursuit Rosa Giorgi.
Une femme au teint clair et aux traits fins; aux cheveux rigoureusement blonds, comme de l'or, qui depuis «l'âge médiéval évoque la royauté et la divinité»: Marie, comme le pinceau de Raphaël nous le dévoile, est reine, et dans la familiarité et les gestes quotidiens, tendrement mère.
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