Les conflits se multiplient aux portes de la Russie
Entretien réalisé par Delphine Allaire – Cité du Vatican
«Le fil rouge de ces instabilités est que 30 ans après l’effondrement de l’URSS, ‘’le cadavre soviétique’’ bouge encore, ses frontières aussi. Il y a un réveil des nationalités dans cette levée de la chape de plomb post-stalinienne», estime le politologue Arnaud Dubien. Le directeur de l’Observatoire franco-russe souligne toutefois des contextes bien différents d’un pays à l’autre.
Le Kirghizstan, par exemple, est un État failli, faible, instable, miné par des luttes de clan depuis des années, rythmé par des révolutions à intervalles réguliers. «Aucune d’entre elles n’a vocation à remettre en cause l’alliance avec la Russie», relève Arnaud Dubien.
La retenue russe dans le Haut-Karabagh
Le front le plus délicat pour le Kremlin est celui réveillé au Karabagh, vieux conflit débuté sous l’URSS. La récente retenue russe vis-à-vis de son voisin arménien s’explique, d’après le directeur de l’Observatoire franco-russe, par les relations économiques grandissantes entre Moscou et Bakou. Les azéris représentent la première diaspora de la capitale russe. Mais surtout, le droit international ne reconnaissant pas cette région comme arménienne, la Russie ne se sent pas obligée d’intervenir. Si tel était le cas, des garanties de sécurité, y compris nucléaires, lient effectivement l’Arménie à la Russie. «C’est pourquoi l’Arménie n’est pas attaquée en tant que telle sur son sol. La Russie la défendrait militairement immédiatement», note le chercheur.
Russes et Turcs, une même langue géopolitique
La principale incertitude diplomatique à venir pour Moscou demeure donc l’état de sa relation avec la Turquie, pays vis-à-vis duquel la méfiance historique est profonde, remontant à la rivalité entre l’empire ottoman et l’empire tsariste. Néanmoins, l’on perçoit une nette amélioration des relations depuis la chute de l’URSS, ces trente dernières années entre Vladimir Poutine et son homologue Erdogan.
«Il y a une montée en puissance des liens économiques entre Moscou et Ankara, malgré de fortes divergences dans des conflits régionaux en Syrie, en Libye, et dans le Haut-Karabagh», poursuit Arnaud Dubien. En somme, une relation ambivalente et «incontournable» pour l’un comme pour l’autre, «chacun sachant très bien jusqu’où il peut aller». «Russes et Turcs parlent la même langue et partagent un logiciel géopolitique, du XIXème siècle», insiste le politologue, évoquant «deux pays des marges de l’Europe, qui, à tort ou à raison, ont l’impression d’avoir été maltraités par l’Union européenne et l’Otan». Ils cultivent donc cette rancœur en refusant les règles du jeu occidental.
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