Les écoles catholiques du Liban dépendantes de la solidarité chrétienne
La situation économique du Liban, qui s’est sensiblement aggravée après la crise du Covid et l’explosion du port de Beyrouth, a plongé la population dans une situation de pauvreté sans précédent. Dans le pays, plus de 3 familles sur 4 sont en insécurité alimentaire. La livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur et l’inflation approche les taux à trois chiffres.
Dans ce contexte, les familles doivent choisir entre se nourrir, se soigner, se chauffer, ou l’école de leurs enfants.
Les écoles catholiques du pays ont dans leur grande majorité donné la priorité à l’éducation, coûte que coûte. À Beit Hebbak, un village maronite dans le centre du pays, des religieuses de la congrégation des Missionnaires du Très-Saint-Sacrement gèrent un établissement scolaire accueillant 1 500 élèves d’une trentaine de villages. La majorité sont chrétiens, mais des musulmans sont également inscrits dans cette école. Les élèves sont âgés de 4 à 18 ans, et 80 jeunes filles, orphelines, sont accueillies à l’internat.
L’établissement est privé sous contrat avec l’État libanais. Ce dernier s’était engagé à verser 40 dollars par an pour chacun des 700 enfants de l’école primaire, mais depuis 2019 plus aucune subvention n’a été versée. Les familles qui pouvaient se le permettre économiquement ont été appelées à contribuer aux frais scolaires à hauteur de 55 dollars par an. Là aussi, la situation économique a placé la plupart des parents dans l’impossibilité de payer.
Garantir l’enseignement aux enfants
Sœur Maguy Adabashy, directrice de l’établissement, a refusé de renvoyer les enfants dans leurs familles. Elle se débat quotidiennement pour trouver des financements. Chaque mois, l’établissement doit verser les salaires de 80 professeurs et de 15 employés administratifs. Les enseignants ont par ailleurs réclamé une augmentation lors de la dernière rentrée, car pour eux aussi, la crise économique les a placés dans une situation délicate. Ils doivent souvent faire de nombreux kilomètres pour se rendre en classe, et l’essence est hors de prix. Ils s’organisent comme ils le peuvent en covoiturage ou en empruntant le bus de ramassage scolaire que l’établissement maintient à sa charge, faute de quoi de nombreux élèves ne viendraient plus suivre les cours. Par ailleurs, pour alléger un peu plus la dépense à la charge des familles, sœur Maguy a annoncé l’abandon de l’uniforme, obligatoire jusqu’à l’année dernière.
Paradoxalement, explique sœur Charlotte, l’une des assistantes de la directrice, «la dévaluation de la monnaie nous a aidées, car les petits dons effectués en dollars représentent une somme qui nous a permis plusieurs initiatives». Effectivement, l’école, à cause de la pandémie, n’ouvre que deux jours par semaine, le mardi et mercredi. Les autres jours, les élèves suivent les cours à distance. Grâce aux petits dons en euros ou en dollars, les religieuses ont pu équiper plusieurs familles de connexions internet et fournir également une cinquantaine de tablettes tactiles. Elles se sont assurées ainsi que tous soient en capacité de suivre les cours à distance.
Des écoles sous perfusion
Cela ne suffit cependant pas. Sœur Maguy envoie aussi des demandes d’aides aux organisations internationales en lien avec l’Église, comme Aide à l’Église en Détresse, différentes Caritas, ou encore d'autres organisations comme SOS Chrétiens d'Orient. Elle présente des projets pour obtenir un soutien financier. Jusqu’à présent de nombreuses associations ont répondu à l’appel. La crise exige que les nécessités de l’école soient planifiées sur le long terme afin que les aides de ces organisations puissent se renouveler chaque année, tant que la situation le demandera. En réalité, l’école de Beit Hebbak, comme tant d’autres au Liban, est totalement dépendante de l’aide extérieure sans laquelle il n’y aucune issue viable possible et la seule alternative serait de fermer, ce qui pour la plupart, est hors de question.
Tout cela est nourri d’espérance. Les difficultés n’ont pas ôté le sourire aux religieuses lorsqu’elles croisent les élèves dans les couloirs ou dans la cour de l’établissement. À l’internat, les 80 jeunes filles, qu’il faut loger et nourrir, sont aidées par des bénévoles, dont Marine, une retraitée française qui vient deux à trois fois par an consacrer un mois et demi de son temps. Les enseignants, les religieuses, le personnel administratif, et les bénévoles sont tous solidaires dans cette crise, pour donner la priorité à l’éducation des futures générations. Tous sont fatigués, exténués parfois, même s’ils ne le montrent pas, mais entièrement dévoués à leur cause.
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