Journée du souvenir des victimes de l'esclavage et de la traite
Christian Kombe, SJ – Cité du Vatican
Depuis 2008, chaque 25 mars le monde célèbre la journée internationale du souvenir des victimes de l'esclavage et de la traite transatlantique. A l’occasion de cette célébration, M. Jean-Jude Piquant, ambassadeur de la République d’Haïti près le Saint-Siège, a souligné l’importance de cette journée significative pour les peuples d'Afrique et de la diaspora africaine.
Faire mémoire
Parler de l'esclavage et de la traite transatlantique, c'est parler des 400 ans au cours desquels près de 20 millions d'Africains ont été déportés de force vers les Amériques et dans les Caraïbes. Faire mémoire de ce passé douloureux est important, souligne M. Piquant. «Cette mémoire est importante. Elle permet de nous libérer d’un passé exceptionnellement dur, d’un passé déshonorant, inhumain», affirme le diplomate haïtien. Honorer particulièrement les victimes du système esclavagiste permet également de «sortir d’une fascination naïve, celle de certaines écoles de pensée aujourd’hui qui voudraient faire croire que l’esclavage était nécessaire à l’époque».
Une journée qui célèbre les victimes et les survivants d’un crime
Pour M. Piquant, il importe de souligner que cette journée ne célèbre pas l’esclavage, mais les victimes, les survivants, leur résilience et leur héritage. Il ne s’agit pas de célébrer une identité ou une communauté. «C’est la célébration commune de ce que l’homme a de plus profond: sa dignité». L’histoire de l’esclavage est donc une histoire commune, qui concerne toute l’humanité. En effet, poursuit l’ambassadeur, dans l’histoire de l’esclavage, «il y a eu l’institutionnalisation d’un crime contre l’humanité». Ainsi, célébrer l’héritage des victimes et des survivants de ce crime, c’est célébrer ce qu’ils ont apporté comme nouvelle façon de voir les rapports entre les humains, comme exigence de bâtir des relations plus justes entre les peuples.
Lutter contre les nouvelles formes d’esclavage
Mais, au-delà de la dénonciation de ce passé inhumain, reconnaît l’ambassadeur Piquant, il y a le défi toujours actuel de s’engager pour la défense de la dignité humaine. Aujourd'hui encore la traite des êtres humains est un fléau qui gangrène le monde. Le devoir de mémoire et la reconnaissance des crimes de l’esclavage et de la traite constituent également une opportunité pour lutter contre les nouvelles formes d’esclavage.
«Je crois que nous nous devons d’être critiques de ce passé pour non seulement dénoncer cet esclavage du passé, mais également l’esclavage moderne, le néo-esclavagisme qui prend des formes inacceptables». Le diplomate loue le Pape François qui s’est fait, à plusieurs reprises, le dénonciateur du trafic humain, qu’il considère comme «un fléau contre la dignité humaine».
La réparation
L’ambassadeur d’Haïti près le Saint-Siège a tenu à souligner que le devoir de mémoire n’est pas un enfermement dans le passé. Certes, notre regard vers le passé pose inévitablement la question de la réparation, de la justice. Mais aucune réparation ne pourrait effacer le crime inhumain de l’esclavage, affirme M. Piquant. La vraie réparation consiste à orienter différemment le futur, notamment en réfléchissant sur de nouvelles formes de partenariat entre les héritiers de cette histoire commune ; des partenariats basés sur la centralité de l’humain.
«Nous devrions nous tourner vers le futur, sans oublier le passé». Construire ce futur, c’est dire: «nous avons connu l’esclavage. Mais nous devons éviter d’autres formes d’esclavage. Nous ne devrions plus retourner dans cet enfer, dans cette exploitation de l’homme par l’homme qui sacrifie tout sur l’autel de l’économie». Un appel qui rejoint l’invitation du Saint-Père le 8 février dernier, en la journée mondiale de prière et de réflexion contre la traite des personnes, à «maintenir vive l’indignation», à «faire croître une économie de la sollicitude» et à s’opposer résolument contre «toutes les formes d’exploitation de la traite des personnes».
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