La guerre en Ukraine aggrave la crise alimentaire en Afrique
Marine Henriot – Cité du Vatican
L’Est, l’Ouest, le Centre et le Sud du continent africain sont des victimes collatérales de la guerre lancée par la Russie en Ukraine, note un rapport de Human Rights Watch (HRW), publié le 28 avril. Les deux pays européens, entrés en guerre le 24 février, représentent à eux deux environ 30% des exportations mondiales de blé.
Selon les chiffres des Nations unies, entre 2018 et 2020, 25 pays africains importaient plus du tiers de leur blé de ces deux pays, et plus de 15 pays africains en importaient plus de la moitié. Ainsi, le blé d’Ukraine et de Russie représente 65% des importations totales de blé au Sénégal, 75% au Soudan, 81% en Égypte et 100% en Somalie ou au Bénin. Le continent africain est donc frappé de plein fouet par la chute des exportations d’Ukraine et de Russie. Par ailleurs, même les États africains qui importent peu de ces deux pays sont touchés par la hausse des prix.
«Depuis le début de la guerre, la production de céréales en Ukraine s’est quasiment stoppée, la Russie de son côté a continué un peu mais avec la fermeture des ports, le commerce du blé avec le reste du monde s’est tout de même arrêté. D’autres produits essentiels comme l’huile de tournesol ou d’autres huiles végétales utilisés pour la cuisine ne sont plus importés», détaille Lena Simet, chercheuse spécialisée sur la pauvreté et les inégalités à HRW. Des millions d’Africains supplémentaires risquent de connaître la faim, alerte HRW.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies achète en Ukraine la moitié du blé qu'il distribue dans le monde. Avec la guerre, les approvisionnements se réduisent et les prix augmentent, y compris ceux du carburant, ce qui accroît le coût du transport de la nourriture dans et vers la région européenne. Outre le blé, la Russie et l'Ukraine figurent parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux d'orge, de tournesol et de maïs.
Manque d’engrais
Au Cameroun, où plus de la moitié de la population était en situation d'insécurité alimentaire avant la guerre, le coût des aliments importés est à l'origine de l'inflation locale des prix alimentaires. Le tarif du pain et d'autres aliments de base sont toujours davantage hors de portée pour les personnes à faibles revenus. Au Kenya, où près de 7 personnes sur 10 étaient en situation d'insécurité alimentaire avant la guerre mais où seulement 1 sur 10 est couverte par au moins une forme de protection sociale, le coût de l'huile de cuisson a augmenté de 6,5 % rien qu'entre février et mars.
Par ailleurs, les engrais importés d’Ukraine ou de Russie sont essentiels pour le continent africain, car ils jouent un grand rôle dans la production locale et plongent les pays dépendants dans un cercle vicieux. «Par exemple, éclaire la chercheuse, au Cameroun une grande part de ses engrais ou composants d’engrais vient de Russie, et si elle vient à manquer, comme cela est déjà le cas, les conséquences sur les cultivations camerounaises sont immédiates, il y aura moins de production.»
Accumulation de crises
Avant la guerre, les populations d’Angola, du Cameroun, du Kenya ou du Nigeria souffraient déjà d’une hausse des prix due à des événements climatiques extrêmes, comme les sécheresses ou les inondations mais également à cause de la pandémie de Covid-19, qui a perturbé les chaînes de production. «La pandémie, le réchauffement climatique et maintenant la guerre nous plongent dans une situation vraiment inquiétante pour le continent africain», commente Lena Simet.
En 2020, environ 323,2 millions de personnes en Afrique, soit près de 30% de la population, ont manqué de nourriture ou se sont privées de manger. En Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, 68,3% et 70% de la population se trouvent en situation d’insécurité alimentaire, un chiffre qui continue de progresser dans l’ombre de la pandémie et de la guerre en Ukraine.
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