En Guinée équatoriale, une «opération de nettoyage» inquiète les ONG
Claire Riobé - Cité du Vatican
«Ce qui se passe en ce moment en Guinée équatoriale n’est pas connu de la communauté internationale.» Marta Colomer est responsable des campagnes pour l'Afrique centrale et de l'ouest à Amnesty International. Dans un rapport publié le 18 août 2022, l’ONG dénonce la politique de lutte contre les gangs en Guinée équatoriale, qui «met à mal les droits humains» avec des détentions arbitraires, des tortures et des disparitions forcées.
L' «opération nettoyage» a été lancée après une énième attaque massive le gang dit des «Huit machettes». Le groupe armé le plus redouté du pays a essaimé en quelques années de la capitale, Malabo, pour s’étendre à quasiment toutes les villes de Guinée équatoriale. Ses cibles privilégiées sont les femmes, dont certaines sont violées en plus d'être dépouillées de leurs biens.
Arrestations arbitraires et tortures
Le 9 mai dernier, le président guinéen, par l’intermédiaire de son fils et vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue, a annoncé une opération visant à «nettoyer» les rues du pays, et montrer le «droit chemin» aux jeunes délinquants des gangs. L'homme de 80 ans, qui dirige la Guinée équatoriale d'une main de fer depuis plus de 43 années, a ordonné le déploiement de 800 policiers et la mise en place d’un couvre-feu de 22h00 à 6h00 jusqu'à la fin de l’opération. «Le problème c’est qu’ils ont arrêté tout le monde, même des jeunes hommes innocents, pour les mettre en prison […]. Sous couvert de lutte contre la criminalité, les autorités détiennent de façon arbitraire des jeunes, dont un grand nombre sont torturés, maltraités ou perdent la vie, ou sont soumis à une disparition forcée», indique Marta Colomer.
Amnesty International estime ainsi qu'en l'espace de trois mois, plusieurs milliers de jeunes hommes ont été arrêtés à travers le pays. «Selon les informations que nous avons reçues, au moins deux garçons sont décédés dans les prisons du pays à cause de cette opération», poursuit-elle.
Une logique de violations récurrentes
Amnesty International dénonce par ailleurs un «cycle constant de violation des droits de l’Homme» dans le pays. L’année dernière, le gouvernement avait déjà mené une opération spéciale à l’encontre des migrants. «Le gouvernement passe ainsi d’opération en opération en ciblant certaines catégories de la population, qui sont ensuite arrêtées pour des motifs fallacieux».
L'«opération nettoyage» devrait durer jusqu’à la fin de l’année 2022. «Les autorités de la Guinée équatoriale doivent de toute urgence donner des informations transparentes sur les cas de mort en détention, de torture et d'autres mauvais traitements» et «veiller à ce que les délinquants présumés soient traduits en justice dans le cadre de procès équitables», selon l'ONG de défense des droits humains.
En Guinée équatoriale, riche en gaz et pétrole, la grande majorité des 1,3 million d'habitants vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale. Le 15 août dernier, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Saint-Siège, s’est rendu sur place pour inaugurer la cathédrale du Cœur Immaculé de Marie Malabo, détruite en janvier 2020 par un violent incendie.
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