Femmes en Iran, la possibilité d’une liberté
Delphine Allaire - Cité du Vatican
«Femme, vie, liberté». Tel est le cri de ralliement scandé par les manifestants depuis un certain 13 septembre, jour de l’arrestation de la jeune Mahsa Amini par la police des mœurs à Téhéran. Celle qui devait commencer ses études l’année prochaine est décédée trois jours plus tard, le 16, dans un hôpital de la capitale.
Motif de l’interpellation initiale, un classique de la police de la moralité fondée en 2005, véritable brigade de contrôle vestimentaire: Mahsa Amini aurait mal porté son voile au moment de l’arrestation.
Législation de 1983
En Iran, les femmes sont sujettes à une loi de 1983 qui les contraint, avec les jeunes filles âgées de plus de 7 ans, à porter le hijab. En cas de non-respect de cette législation, le code pénal iranien prévoit une peine pouvant varier entre de la prison ou des coups de fouet.
Élu à la présidence de la République islamique en 2021, Ebrahim Raïssi a récemment durci cette loi. Depuis le 5 juillet dernier, le voile doit désormais couvrir, en plus des cheveux, le cou et l’ensemble des épaules. Un décret du 15 août expose aussi les femmes à des punitions plus sévères en cas de non-respect de ces règles.
La répression croît avec les manifestations
La mort de Mahsa Amini a donc agi comme un catalyseur social. Depuis dix jours, des milliers d’Iraniens manifestent, la nuit, après leurs journées de travail contre les injonctions du régime chiite. Selon une ONG iranienne en exil, au moins 76 personnes ont à ce jour perdu la vie dans ces protestations de rue à cause de la répression. «Le régime fera tout pour étouffer le mouvement, comme par le passé en 2018 et 2019. Plus il est fragilisé, plus il réprime», constate la sociologue franco-iranienne Azadeh Kian, professeur à l’université Paris Cité.
Les femmes sont aux premiers rangs de cette révolte populaire, la plus importante depuis trois ans en Iran. «Lier à ce point droits des femmes, liberté et démocratie est une nouveauté», estime Azadeh Kian, reconnaissant que les Iraniennes ont déjà pris part à des mouvements sociaux dès 1906, en 1979, plus récemment lors du Mouvement vert en 2009 et en 2018-2019. C’est en revanche la première fois qu’une conscientisation de leurs droits se produit à une telle échelle, réelle -des milliers de manifestants dans 80 villes iraniennes- et virtuelle -plus de 100 millions de tweets.
Entre pouvoir et population, une faille spatio-temporelle
Couplé au mécontentement social, le divorce des Iraniens avec la police des mœurs de la République islamique croît ainsi de jour en jour. Le terreau de la contestation était déjà fertile. Selon Azadeh Kian, les exactions précédentes commises par la police des mœurs ayant déjà suscité l’émoi, notamment des clercs réformistes, eux aussi contre ces mesures d’obligation. Sans compter le marasme économique et l’appauvrissement généralisé de la population -entre 50% et 80% des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté.
Le régime pourrait-il vaciller? Son assise populaire est tout cas fragilisée. «Des sondages montrent que deux tiers de la population soutiennent les manifestations et sont mécontentes du régime en place», relate la sociologue politique franco-iranienne. Selon elle, sans alternative politique fiable et viable, aucune raison d’attendre un changement de régime, même si, nuance-t-elle, ce dernier pourrait infléchir sa propre politique si le mouvement ne s’essoufflait pas et gagnait en puissance. Un horizon atteignable pour 70% de la population iranienne, qui, née après la révolution de 1979, et largement alphabétisée, ne tolèrent plus les diktats des rigoristes chiites.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici